Stéphane Dovert “L’attachement à un pays est plus fort quand on apprend la langue"
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Depuis 2019, Stéphane Dovert est en poste à l’ambassade de France en Indonésie en tant que Conseiller de Coopération et d'Action culturelle. Diplomate certes, mais également chercheur, écrivain et romancier, il nous parle de son parcours, de son rôle de conseiller de coopération et des projets de l’Institut Français d’Indonésie dont il a la charge.
Un parcours universitaire et les premiers débuts en Indonésie.
L’Asie et l’Indonésie ne sont pas une découverte pour Stéphane Dovert. Depuis 32 ans, il travaille dans la région. Son parcours professionnel débute en Indonésie en 1990 où alors jeune diplômé, il enseigne le français à l’université de Makassar. En parallèle, il travaille son mémoire de maîtrise et de DEA sur le Timor. Un engagement qui le détourne de ses études pendant une année qu’il consacre à l’écriture de ce livre. « Un livre qui aura un petit succès et qui, à son niveau, participera à la dynamique de l’indépendance du Timor ».
Retour en France pour terminer ses études à Sciences Politiques, un premier poste en tant qu’attaché culturel au Vietnam, puis un passage important à Bangkok, marquent la carrière du diplomate. Il est alors en charge de créer l’IRASEC - Institut de Recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine. Un institut «hors les murs » qui mobilise des chercheurs sur des programmes pluridisciplinaires et géographiques. Il coordonne et édite de nombreuses publications. Il quitte Bangkok en 2003, pour prendre en charge le service coopération de l’ambassade de France en Birmanie. Ce pays aura une grande influence sur lui, plus particulièrement la découverte du bouddhisme. Durant ses années en poste, il écrit plusieurs livres dont « Les Rohingya de Birmanie ». Retour en France, il est en charge de la division du livre au Ministère des Affaires Étrangères.
Sa carrière se poursuit en Malaisie et dans les Caraïbes, il continue d’écrire, essais, romans et recueil de poésie. Puis vingt-neuf ans après ses débuts, retour à Jakarta en 2019, pour prendre le poste de Conseiller de Coopération et d’Action culturelle.
Quel est le rôle du Conseiller de coopération ?
« Je décrirais mon poste comme un métier de médiation, nous établissons un pont entre ce qui n’est ni économique ni politique entre la France et l’Indonésie. Le portefeuille est large, il va des liens entre les universités, les artistes, en passant par l’environnement, les énergies renouvelables et toutes formes de coopération scientifique. Au niveau du ministère de l’Éducation nationale français, je joue ici le rôle de l’inspecteur d’académie. »
Un retour trente ans après, les premiers constats
Un des premiers constats fait lors de son retour trente après ; la relation franco-indonésienne est toujours de qualité mais modeste. L’environnement a changé, de nombreuses entreprises françaises ont quitté le territoire et la population expatriée a beaucoup changé et s’est réduite. « J’ai aussi le sentiment que les étudiants qui étudiaient en France revenaient avec un plus grand attachement à la France. Même si nous avons identifié 6.000 alumnis. Un de mes objectifs est de faire en sorte que la relation entre la France et l’Indonésie soit plus forte ».
D’où la nécessité de poser la relation franco-Indonésienne et de mettre en avant ce qui a été fait à travers un livre « La grande histoire de la coopération scientifique Franco-Indonésienne » livre réalisé avec le parrainage de la Chambre de Commerce.
Stéphane Dovert explique :
Nous devons miser plus sur les spécialistes de l’Indonésie. Cela ne viendrait pas à l’idée d’envoyer une personne travailler aux États-Unis sans parler anglais, c’est un peu pareil pour l’Indonésie, parler le bahasa indonesia change tout dans les relations, particulièrement dans le domaine de la coopération. Je recrute autant que possible des personnes qui parlent indonésien
Lui-même parle couramment le bahasa indonesien et reconnaît avancer beaucoup mieux dans ses rendez-vous professionnels avec cette langue qu’avec l’anglais.
L’impact du Covid sur l’organisation de l’Institut Français
Le covid a marqué un vrai arrêt, la plus-value que sont les rencontres a disparu, les nouvelles idées ont eu plus de mal à se développer. Rencontrer de nouvelles personnes sur zoom ce n’est pas possible, et c’est pourtant ce qui fait la base de mon métier .
L’institut français, c’est aussi un centre d’apprentissage de la langue à travers 8 centres dans l’archipel. « Du jour au lendemain, nous n’avons plus eu d’étudiants pouvant venir en classe. Nous avons dû être réactifs et nous adapter, pour que les cours soient dispensés et que les professeurs gardent leurs heures de cours. Nous avons malgré tout perdu des étudiants, il faut aujourd’hui relancer les cours via une offre qui se démarque et en mettant en avant notre excellence ».
Les projets de L’Institut Français d’Indonésie
« Un de mes objectifs est de faire en sorte que la médiation entre la France et l’Indonésie soit plus forte. Car je trouve qu’il n’y a pas assez de Français qui connaissent l’Indonésie et inversement, et c’est peut-être une des raisons qui explique que l’on ne se comprend pas toujours. On essaie de faire de la mobilité des étudiants un plus ; 1 % des étudiants indonésiens partent faire leurs études à l’étranger. À travers des bourses données par le gouvernement français, une centaine d’étudiants vont étudier en France, mais ce n’est pas suffisant. Certaines universités françaises sont spécialement dynamiques dans la relation entre les deux pays. Je pense au pôle indonésien à l’université de la Rochelle ou à l'Université Polytechnique des Hauts-France qui vient d'accueillir les Assises de la Coopération scientifique franco-indonésienne. ».
Les formations secondaires sont également en jeu. Il y a bien sûr nos deux lycées à Jakarta et à Bali dont les anciens élèves ont un rôle à jouer. Stéphane Dovert insiste également sur le Labschool, un projet important de classe bilingue créé il y a trois ans. C’est une école indonésienne basée à Cibubur dans la banlieue de Jakarta, où les élèves étudient le français en lycée avec pour objectif de poursuivre leur cursus en France. Les lycéens seront en juillet en France et visiteront des universités. Le projet monte en puissance. « Nous essayons de démultiplier ce projet sur d’autres établissements, le dialogue des civilisations étant important, nous sommes en discussion avec le ministère des religions afin d’enseigner le français dans des écoles religieuses ».
Une nouvelle Alliance Française vient d’ouvrir à Makassar, en Sulawesi. « Il agrandit ainsi notre réseau à travers l’archipel qui compte désormais huit établissements ».
Nos nouvelles entrées sur le marché indonésien sont les industries culturelles et créatives qui fonctionnent bien. Nous avons choisi quatre industries qui nous semblent porteuses : le cinéma, le jeu vidéo, la mode et le design.
Nous allons essayer de trouver des partenaires qui vont nous aider à mettre en avant ces projets ; comme avec la plate-forme indonésienne de films Mola qui a acheté un catalogue de films français et avec qui nous avons organisé un festival de films français en ligne. 60.000 personnes ont profité de cette offre. Les étudiants de l’université Gadjah Mada ont travaillé sur les sous-titrages en indonésien des films français.
La France produit de nombreux jeux vidéo, les Indonésiens ont du talent dans ce domaine. Game Loft, société française de jeux vidéo est installée en Indonésie : « nous participons à des évènements organisés par les ministères dans ce domaine, nous faisons venir des entreprises françaises. Sur la mode, nous essayons de créer un incubateur en réunissant des professionnels afin de développer des modèles et porteurs de projets commerciaux. En design, un projet à Bali sur la création de bijoux débute ».
« J’aime bien les projets qui s’inscrivent dans le temps et qui restent ». Des projets de spectacles en collaboration entre des artistes indonésiens et français sont au programme comme un atelier d’écriture avec l’auteur de bandes dessinées Emmanuel Lemaire. Grâce à nos réseaux d’auditorium, nous pouvons organiser des événements qui donnent l’occasion de rencontres artistiques académiques, scientifiques, et sur les enjeux globaux. Des conférences croisées sont en cours de construction sur des thèmes comme l’environnement, les énergies renouvelables.
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