Le jemparingan est une forme de tir à l’arc très particulière qui se pratique à Yogyakarta et sa région. Alors si votre curiosité vous titille, suivez-nous à la découverte de ce sport unique au monde.
Tout le monde connaît le tir à l’arc, mais avez-vous déjà entendu parler du jemparingan ? Dérivé du mot jemparing, qui signifie flèche en javanais, le jemparingan est une forme de tir à l’arc très particulière qui se pratique à Yogyakarta et sa région. Alors si votre curiosité vous titille, suivez-nous à la découverte de ce sport unique au monde.
Origines du jemparingan
Le jemparingan trouve ses origines dans le sultanat de Mataram au XVIIIème siècle, dont une partie deviendra plus tard le sultanat de Yogyakarta, véritable cœur culturel de l’île de Java. A cette époque, seuls les membres de la famille royale ainsi que les nobles étaient autorisés à pratiquer le jemparingan. Rapidement, il se répand parmi les soldats royaux sous le règne de Sri Sultan Hamengku Buwono I (1755-1792), fondateur et premier roi du sultanat de Yogyakarta. Sa pratique fait partie intégrante de la formation de son armée. Son enseignement se fait selon quatre valeurs bien définies que sont le sawiji, le greget, le sengguh et le ora micah.
- sawiji signifie la concentration,
- greget, l’enthousiasme,
- sengguh, la confiance en soi
- ora micah, le sens des responsabilités.
Pratique du jemparingan, toute une philosophie
Contrairement au tir à l’arc tel que nous le connaissons, le jemparingan se pratique assis par terre sur une natte, jambes croisées en tailleur. Pour pratiquer ce sport, l’archer se doit de porter le vêtement traditionnel javanais. L’archer se situe à une trentaine de mètres de la cible (exactement 30 pour les femmes et 35 pour les hommes).
Autre particularité du jemparingan : l’archer ne vise pas avec les yeux, mais positionne l'arc devant sa poitrine afin que le tir soit basé sur son état d’esprit, sur ses sentiments. Le but n’étant pas d’utiliser l’œil, l’organe, mais l’œil de l’esprit, l’œil du cœur. L’archer doit étirer son arc tout en se concentrant sur la cible, tout comme l’homme qui a un rêve doit se concentrer sur son objectif afin qu'il puisse se réaliser.
La pratique du jemparingan impose à l’archer d’exercer sa concentration, son calme et de combattre sa colère. C’est un sport pour l’âme qui apprend à se connaître.
La cible n’est pas un cercle. C’est une tige en bois, un pendule, appelé wong-wongan, traduction de "quelque chose qui a l'air d'une personne" en javanais. Ce pendule est fait à base de feuilles de caoutchouc, de paille, de mousse, le tout enveloppé dans un tissu. Le haut du pendule se situe à 1,60 m du sol. D'une longueur de 30 cm et d'un diamètre de 3 cm, il représente donc une silhouette. Sa partie supérieure (sur 5 cm) est colorée de rouge, représentant la tête (molo ou sirah). La partie inférieure est blanche, représentant le corps (awak). Une bande jaune de 1 cm représentant le cou (jangga), relie la tête et le corps. Cette bande signifie la soif de biens matériels.
Les règles du jeu
Le but du jemparingan est de toucher la tête du pendule. Le rouge a la valeur la plus élevée (3 points) parce que combattre la colère est une des tâches les plus difficiles pour l’homme. Si l’archer touche le cou jaune, cela lui rapporte 2 points. Si l’archer touche le corps blanc, cela lui rapporte 1 point.
Une petite balle, symbolisant la tentation, est suspendue sous la cible. Si l’archer frappe cette balle, il perd alors 1 point.
Lorsque l’archer atteint la cible, un gong retentit afin de l’avertir.
Un jeu comporte 20 tours, chaque tour comprend 4 flèches.
Une fabrication sur-mesure
L’arc et les flèches sont fabriqués à partir de bambou petung (Dendrocalamus Asper), et de bois tel le walikukun. L’arc (gandewa) est composé de trois parties : une poignée (cengkolak) qui est en bois, les lames (lar), de part et d’autre de la poignée, faites de bambou et la corde de l’arc (kendheng). Les flèches sont fabriquées en bambou, leurs pointes sont en fer et leurs extrémités ornées de plumes.
Chaque archer a son propre arc, reflet de son caractère. Son arc est fabriqué sur mesure afin de l’adapter à sa posture et à l'envergure de ses bras.
Une évolution avec le temps
Avec le temps, la pratique du jemparingan a connu quelques évolutions. De nos jours, il existe différentes manières de tirer à l'arc. Le style Mataram utilise toujours la position horizontale de l’arc, posé sur la poitrine. Mais de plus de plus d’archers tirent avec une position de l’arc verticale, légèrement inclinée afin de viser non plus avec le cœur, mais avec les yeux.
Cependant, la philosophie jemparingan comme moyen d'entraînement de la concentration reste au cœur de la pratique. Il forme le caractère de l’archer car il faut atteindre la paix intérieure avant de tirer les flèches.
Après être tombé en désuétude en 1998 suite à la mort de Paku Alam VIII (prince du Pakualaman, la cour 'mineure' de Yogyakarta), l'un des fervents partisans du jemparingan, ce sport connaît aujourd’hui un regain d’intérêt de la part de la population. De nombreux clubs se sont créés, des compétitions sont organisées régulièrement.
Au palais de Yogyakarta, des jeux de jemparingan sont organisés chaque semaine. Les archers revêtent alors leur tenue traditionnelle.
En 1988, aux Jeux Olympiques de Séoul, c’est au tir à l’arc que l’Indonésie a remporté sa première médaille olympique de son histoire (médaille d’argent), toute discipline confondue !
Se concentrer. Se concentrer sur l’objectif à atteindre. Façonner le caractère et l’âme ... Telle est la philosophie du jemparingan.