Un mercredi par mois, le club de lecture de la section francophone de l’association culturelle Indonesian Heritage Society (IHS) se rassemble pour explorer des œuvres littéraires mettant en lumière l’Indonésie ou écrites par des auteurs indonésiens. En 2024, les membres ont pris plaisir à découvrir et discuter de nombreux ouvrages, qu’ils partagent avec enthousiasme avec les lecteurs du Petit Journal Jakarta.
Sang et volupté à Bali par Vicki Baum
Un roman historique : Sang et volupté à Bali, écrit par l’autrichienne Vicki Baum. Situé entre 1904 et 1906, il raconte l’histoire d’un paysan, Pak, qui vit avec sa famille près de Sanur. Sa vie ponctuée par les soucis quotidiens (le labour de ses champs de riz, le caractère revêche de sa première épouse, son cœur qui bat pour la jolie Sarna, les corvées qu’il doit effectuer auprès du seigneur de Badung, sa passion pour les combats de coq) est un jour bouleversée par un évènement qui aura un impact majeur sur l’histoire de sa famille, de son village et de l'île de Bali : l’échouage suivi du pillage par les villageois d’un navire.
Des représailles militaires néerlandaises suivront cet incident historique, culminées par le massacre tragique du Puputan de 1906 et la chute des derniers royaumes indépendants de Bali. Parallèlement, nous suivons le parcours du beau Raka, danseur dont le charme magnétique émeut le prince de Badung, opiomane et rêveur. Ce dernier sera-t-il à la hauteur de l’enjeu historique qui se profile devant lui ?
La vie n'est pas une foire nocturne par Pramoedya Ananta Toer
Un recueil de 4 nouvelles qui se déroulent pendant la guerre d’indépendance indonésienne contre les Hollandais : La vie n’est pas une foire nocturne de Pramoedya Ananta Toer.
1/ Vengeance : en novembre 1945, quelques mois seulement après la fin de l’occupation japonaise, au début de la guerre d’indépendance. Le narrateur, toute jeune recrue de l’armée, assiste au lynchage d’un homme accusé de trahison. Il est écartelé entre patriotisme, engagement et pitié et sens de l’humanité.
2/ Gado-gado : 1947, le narrateur qui a alors 22 ans, ancien soldat, erre désœuvré dans un climat de grande incertitude, à travers Jakarta qui vient d’être repris par les Hollandais suite au non-respect des accords de Linggarjati. Il est arrêté et interrogé pour espionnage. C’est l’occasion pour lui de réfléchir sur la situation de son pays en train de vivre une guerre fratricide pour gagner son indépendance et sur le sens du mot liberté
3/ Blora : libéré de prison, un jeune homme retour dans sa ville natale : le retour n’est pas aussi heureux qu’il l’attendait : la ville est dévastée par la guerre, son ancienne amoureuse se prostitue, une partie de sa famille le soupçonne d’avoir collaboré avec ses anciens geôliers, les Hollandais. On exige qu’il prouve sa loyauté par un sacrifice ultime. Le cauchemar finira-t-il un jour ?
4/ La vie n’est pas une foire nocturne : fin 1949, la guerre d’indépendance a enfin pris fin. Le narrateur rentre chez son père mourant : les souvenirs l’assaillent pendant le trajet. Il comprend que son père qui s’est battu 30 années pour l’indépendance est toujours resté d’une grande intégrité malgré les sacrifices encourus.
Jungle Pourpre par Julie Ewa
Un ethno-polar : Jungle pourpre écrit par l’écrivaine française Julie Ewa. Ce roman se déroule de nos jours à Sumatra centre : il raconte l’histoire d’une fillette de 11 ans, Dea, poussée par la pauvreté quitte sa famille pour rejoindre en ville une bande de gamins des rues. Confrontée à la mendicité, le trafic de drogues, la pression religieuse dans de soi-disant orphelinats, Dea trouvera dans le cercle de Aron, ancien trafiquant repenti, sa bande de garnements et la bienveillance du retraité Pak Hendry un giron accueillant. Mais le répit ne sera que de courte durée : un danger encore plus grave menace ces enfants oubliés de tous. L’inspecteur de police Ankga et sa collègue Namira qui enquêtent sur la mafia locale parviendront-ils à les sauver à temps ?
L'homme-tigre par Eka Kurniawan
Un livre du romancier et journaliste indonésien Eka Kurniawan : L’homme-tigre. Baptisé "météore la plus brillante dans le firmament littéraire indonésien" depuis son mentor Pramoedya Ananta Toer, Eka Kurniawan signe ici un roman à la structure complexe mais maîtrisée. Le livre aurait pu s’intituler Chronique d’un meurtre annoncé : dès les premières lignes on connait la victime et l’assassin. Mais quel est donc le mobile ? Ce n’est qu’à la toute fin qu’on comprendra pourquoi le jeune Margio a sauvagement égorgé son voisin Anwar. Victime de son destin ? Héritier de la triste relation de ses parents, tous deux déracinés ? Proie d’un tigre totem à qui il ne peut rien refuser ? Tous les habitants de ce village de l’ouest de Java essaient, comme nous lecteurs, de comprendre.
N'oublie pas Irma par Hélène Honnorat
Un roman contemporain : N'oublie pas Irma de Helene Honnorat. 1995, Jakarta. Leo, directeur de cours à l'Institut Français d'Indonésie, assiste à l'embrasement d'une boutique d'articles funéraires de Glodok. Son ami Meng, presque son jumeau puisqu'ils ont exactement le même âge, 31 ans, disparait au même moment. Leo retrouve son corps, atrocement mutilé.
De mystérieux indices apparaissent, dont un message curieusement rédigé : "Jangan lupa Irma". S'agit de la belle-sœur de Meng, dont Léo est secrètement amoureux ? Leo mene son enquete avec l'aide d'acolytes qu'il n'apprecie pas forcement : un attache scientifique de l'ambassade "je-sais-tout" fraichement arrive en Indonesie, sa femme Estelle continuellement a la recherche de la maison de ses reves, un responsable de quartier, un medecin chinois. Pour au final se retrouver embourbé dans l'histoire récente indonésienne. La mort de Meng a-t-elle donc un lien avec les événements du 30 septembre 1965 ?
Borobudur par Roger Vailland
Un récit de voyage : Boroboudour - Voyage à Bali, Java et autres îles du journaliste et écrivain Roger Vailland qui se rendit en Indonésie en décembre 1950 pour une durée de 3 mois. Il fallait à cette époque huit jours et dix escales pour rejoindre Paris à Jakarta ; l’expression ‘tourisme de masse’ était alors inconnue.Sous sa plume stylée et imagée, c’est le témoignage d’un homme de son temps qui décrit la jeune Indonésie émergeant à peine du colonialisme néerlandais. Son regard n’est pas neutre : eurocentrique, érotique, libre, influencé par son allégeance au communisme. Ce récit s’apparente parfois au journal intime. Par ailleurs les pages consacrées au contexte géopolitique et aux ingérences étrangères brillent par leur analyse et leur concision.
Les discours du président Sukarno
Deux discours de Sukarno, le premier président d’Indonésie : un prononcé le 18 avril 1955 à l’occasion de la conférence Asie-Afrique à Bandung et l’autre le 30 septembre 1960 devant l’Assemblée Générale de l’ONU à New York. Nos recherches liées à ces deux discours ont été l’occasion de mieux comprendre le contexte géopolitique de cette époque si peu de temps après l’indépendance de l’Indonésie, contexte dominé par la décolonisation et la Guerre froide. Nous avons aussi passé en revue la vie de Sukarno, sa personnalité et son engagement politique et avons écouté quelques extraits de ses discours pour apprécier ses talents d’orateur.
Le miroir de Bali par Linda Bortoletto
Un récit initiatique : Le miroir de Bali de Linda Bortoletto. Trois voyages qui s'imbriquent les uns dans les autres.Tout d’abord un voyage géographique. En 2022, elle traverse à pied le nord de Bali d’ouest en est, sur une durée de 40 jours, en empruntant les sentiers perdus, les jalan kecil. C’est aussi un voyage dans le temps qu’entreprend Linda pendant sa pérégrination balinaise : ses pas la forcent à confronter un passé souvent douloureux. Et c’est enfin un voyage vers la guérison qu’elle entreprend en éloignant ses démons. Son sixième sens et sa grande ouverture au monde non-matériel lui permettent des rencontres exceptionnelles avec des anges-gardiens, de chair ou non, et de nouer des contacts profonds avec les Balinais.