Les Editions L’Harmattan viennent de faire paraitre un nouvel ouvrage de l’historien enseignant et conférencier Alain Riquier : Comprendre l’Indonésie – Le pays, les peuples, leur histoire. Il s’agit de la réactualisation de son précèdent ouvrage de 2016 "L’Indonésie - De la préhistoire à la présidence de Jokowi".
Un livre grand public pour comprendre l'histoire de l'Indonésie
Destiné au grand public, dans un style fluide et agréable à lire, ce livre de 250 pages est une bonne synthèse de l’histoire de ce pays. Tout d’abord ses origines : préhistoriques (l’Homme de Java Pithecantropus Erectus vieux de 500.000 ans et l’Homme de Flores Homo Floresiensis 70.000 ans), les civilisations fondatrices qui se succèdent en Insulinde : les peuples proto-malais, l’héritage hindou-bouddhique, l’installation des Chinois. Puis l’arrivée de l’Islam. Il est frappant de remarquer combien les échanges commerciaux ont marqué le développement politique, religieux, social et culturel de l’archipel, avant même la déferlante européenne.
La deuxième partie du livre couvre l’avidité des Portugais, Espagnols, Britanniques au 16e siècle suivie par la colonisation néerlandaise qui dura près de 300 ans. Les velléités d’indépendance émergent dans les années 1920 et prendront leur ampleur au moment de la Seconde Guerre Mondiale.
La troisième partie, presque la moitié du livre, examine l’Indonésie depuis 1945 : la période de Soekarno, les premiers temps de l’indépendance, la conférence des pays non-alignés de Bandung, la déstabilisation par la CIA, les massacres de 1965. Puis celle de Suharto, de l’Ordre Nouveau et des militaires. Enfin l’avènement de la Reformasi en 1998 pour nous amener à aujourd’hui, la présidence de Joko Widodo. Elle termine en lançant des perspectives à l’horizon 2030.
Les illustrations - cartes, photographies, reproductions de tableaux et de gravures, sont nombreuses. On ne peut que recommander à L’Harmattan de passer en quadrichromie dans l’éventualité d’une deuxième édition.
Les annexes, une partie non négligeable du livre
Les annexes valent également la peine : extraits de discours de Soekarno, de Suharto, de SBY. Ouverture sur les arts littéraires et cinématographiques, effectivement une autre approche pour comprendre ce pays. Alain Riquier mentionne Le retour, excellent roman de Leila Chudori (dont la traduction française est malheureusement épuisée). Le Petit Journal Jakarta vous en parlait en 2017.
Une des annexes couvre plus en détail les massacres anti-communistes au cours desquels 500.000 à un million d’Indonésiens furent tués en 1965-1966. Le rôle clef joué par la CIA est mentionné ; les déclarations des ambassadeurs américain et britannique en 1966 font froid dans le dos : «Les Etats-Unis voient plutôt d’un bon œil et admirent ce que l’armée est en train de faire» ; «Je n’ai jamais caché que je pense que quelques pelotons d’exécution en Indonésie seraient un préliminaire indispensable à tout changement réel».
En historien rigoureux et avec une honnêteté scientifique de plus en plus rare de nos jours, Alain Riquier ouvre d’ailleurs les bases d’une discussion avec un autre spécialiste de l’Indonésie, Rémi Madinier avec lequel il diverge. La discussion n’est donc pas close sur cette période qui conserve encore de nombreuses zones d’ombre.
On s’empressera en revanche d’oublier la préface rédigée par une connaissance de l’auteur qui fait sienne une expression fort réductrice «L’Indonésie, faut surtout pas chercher à comprendre» puis reprend le propos d’une spécialiste des relations internationales : «L’Indonésie est le pays qui déçoit tout le monde». Ceci me laisse plus que perplexe : peut-on tenir encore de nos jours de tels jugements condescendants, empreints de supériorité occidentale ?
Fort heureusement, la prose d’Alain Riquier quant à elle est pour sa part d’une qualité irréprochable.
L'auteur souligne les efforts infructueux de la France dans l'archipel
Fait rare, qu’il convient de souligner, l’auteur consacre quelques pages aux efforts -très infructueux- de la France face à la hargne des Portugais et des Hollandais dans la conquête des épices en Insulinde : 1529, puis 1601, quelques-unes au 17e siècle, y compris l’échec de l’ouverture d’un comptoir commercial à Batam en 1671. Richelieu admet que «le guerrier français n’est pas commerçant ; le commerçant français n’est pas guerrier».
La France aura joué cependant un rôle indirect par l’entremise du gouverneur général des Indes Orientales, Daendels envoyé par Napoléon (qui avait annexé les Provinces Unis, les futurs Pays-Bas) afin d’administrer la colonie pour le compte de la France de 1808 à 1810. Ce Néerlandais francophile est entre autres à l’origine de la construction de La Grande Route Postale, longue d’un millier de kilomètres reliant Anyer à l’ouest de Java à la pointe extrême est : un tracé qui existe encore de nos jours mais dont la construction engendra à l’époque la mort de milliers de travailleurs forcés.
Pour acheter le livre
Comprendre l'Indonésie : Le pays, les peuple, leur histoire - Alain Riquier - Edition Harmattan - prix 28 euros