Vous êtes très certainement allé vous balader du côté du port de Sunda Kelapa au nord de Jakarta et vous avez pu admirer les magnifiques bateaux à quai. On y charge aujourd’hui du ciment, bois que l’on transporte à travers l’archipel. Mais quelle est l’origine de ces bateaux ?
Utilisés à l'origine comme cargo, les pinisi, voiliers traditionnels du peuple bugis, Sulawesi sud, servaient au transport du bois de santal, des épices et des textiles de cérémonie en direction des anciens royaumes de Chine et d'Inde.
Les origines du mot pinisi
Les voiles actuelles des bateaux firent leur apparition vers 1840. On peut retenir ici deux origines possibles au nom donné à ce bateau : pinisi.
La version romantique du mot pinisi viendrait de Malaisie. On raconte qu’à Kuala Trengganu en Malaisie, vivait un Français, Martin Perrot qui avait déserté d’un bateau occidental pour s’installer dans la région afin d'épouser une jeune Malaisienne. Il travaillait comme forgeron. Le Sultan, Baginda Omar de Trengganu, aurait demandé à notre aventurier de créer un bateau moderne, ressemblant aux embarcations occidentales de l’époque. Ainsi serait né le pinisi qui devint la barge royale. Le Français et sa création furent vus par un capitaine anglais en 1846 à Kuala Trengganu.
Ces bateaux, qui se multiplièrent, furent nommés pinas ou pinisi une déformation possible du mot français pinasse.
Certains avancent que le terme de pinisi viendrait d’une altération de Venise. Il est dans la tradition Makassar d’immortaliser les lieux ou souvenirs qui ont plu en les attribuant à un objet familier. Il est certain que les gens de Célèbes sont allés jusqu'en Italie pour le commerce des épices…
Les rituels de fabrication d’un pinisi
De nombreux rituels émaillent la fabrication d’un pinisi. Les moments favorables pour la recherche de bois tombent les jours 5 et 7 du mois. Le chiffre 5 signifie que le profit est déjà en mains alors que le chiffre 7 est une garantie de profit en toute circonstance. Une fois le jour propice trouvé¸ les contremaîtres partent à la recherche du bois.
Avant l’abattage de l’arbre doit se tenir une cérémonie pour chasser ses esprits, un coq est offert en offrande aux esprits de l’arbre. Les espèces d’arbre sont choisies en fonction de la destination finale du bois. Une fois que la quantité désirée est trouvée, tous les bois sont mis à sécher.
La mise en place de la proue nécessite aussi une cérémonie particulière ; tailler les planches à dimension doit se faire en continu, sans interruption.
La proue est le symbole masculin, la poupe le féminin.
La pointe de la proue ne doit jamais toucher le sol ! Si la planche rompt, elle doit être jetée en mer immédiatement. Cette partie repousse le mauvais œil et est une décoration alors qu’une planche de la poupe sera placée à la maison, symbolisant la femme fidèle qui attend le retour de son mari.
Le corps du pinisi terminé, on procédera au calfatage en introduisant une ficelle dans les jointures, suivie d’écorce d’arbre dite barruk. On enduit ensuite d’un mélange fait de chaux et d’huile de coco préparé par six personnes pendant 12 heures. Pour un bateau de 100 tonnes, 20 kg seront nécessaires. On finira en polissant avec de la peau de papaye.
Avant de mettre à l’eau le pinisi, une cérémonie rituelle est indispensable. Pour une embarcation de moins de 100 tonnes, on sacrifie généralement une chèvre ; pour un plus gros tonnage, une vache. La mise à l’eau se fait à marée haute lorsque le soleil est haut dans le ciel. Le contremaître principal est assis à bâbord de la proue et récite des mantras. C’est en mer que l’on mettra en place les mâts et les voiles.
Article écrit par Anne-Marie Wirja : Installée depuis 30 ans à Malang avec son époux Juwana, passionnés de l’Asie du Sud et du Sud-Est, ils ont créé Epopées d'Asie une agence qui propose des voyages découvertes ; beautés naturelles, merveilles architecturales et richesse des rencontres.
Sur le même sujet
