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Olivier Chambard - Les relations demeurent excellentes avec l’Indonésie

Olivier Chambard ambassade Indonesie Olivier Chambard ambassade Indonesie
Olivier Chambard - Ambassadeur de France en Indonésie
Écrit par Valérie Pivon
Publié le 13 décembre 2020, mis à jour le 11 octobre 2022

Olivier Chambard, ambassadeur de France en Indonésie, reçoit Lepetitjournal.com de Jakarta.

 

Depuis notre dernier entretien en juin, l’Indonésie a remis en place un PSBB plus strict puis l’a progressivement desserré ; les frontières sont toujours fermées aux non-résidents. A début décembre, quel est l’impact de la crise sur la communauté française établie en Indonésie, tant au niveau des entreprises françaises, de nombreux entrepreneurs et de la communauté ? Peut-on faire un mini bilan ?

En ce qui concerne le nombre de Français ayant quitté l’Indonésie en raison de la pandémie, il est assez difficile de fournir une estimation. La plupart de ceux qui ont bénéficié des vols de rapatriement mis en place par l’Etat français au printemps étaient des touristes et non des résidents. Le nombre de compatriotes inscrits au registre des Français de l’étranger auprès de l’ambassade ne nous aide pas non plus car il n’a pratiquement pas varié depuis le 1er janvier 2020.

Nous avons bien sur constaté que certains des Français résidents avaient quitté l’Indonésie depuis le début de la crise sanitaire, mais ces départs ont été compensés par de nouvelles inscriptions. Il s’agit de Français qui se trouvaient déjà en Indonésie et qui ont été encouragés à se rapprocher de l’ambassade soit pour bénéficier des aides mises en place par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (secours occasionnels de solidarité, bourse scolaire), soit pour avoir l’assurance de pouvoir être enregistrés au sein du dispositif de protection consulaire dans ce contexte d’incertitude globale.

Pour ce qui concerne la communauté française des affaires, il est difficile de tirer un bilan car la compilation de ces données n’existe pas.

 

Quelles sont les aides apportées en fonction de la taille des entreprises ? Nous pensons ici tout particulièrement à nos compatriotes qui vivent du tourisme.

La crise est internationale. Elle touche tous les pays du monde, il faut donc bien comprendre que chaque pays a mis en œuvre des plans de relance à destination de ses entreprises et des mesures de soutien. Ainsi, l’Indonésie a élaboré un plan de soutien pour les entreprises indonésiennes.

En France, un plan de relance exceptionnel de 100 milliards d’euros a été déployé avec des mesures renforçant la force de frappe des entreprises françaises à l’international dans le contexte que vous connaissez et avec une concurrence étrangère accrue. Ces mesures apportent un soutien financier dans les démarches de prospection à l’export des entreprises. Certaines sont uniquement destinées aux PME-ETI. D’autres sont accessibles quelle que soit la taille de l’entreprise.

A côté de cela, des mesures de soutien ont été mises en place pour les entreprises ne pouvant pas recourir au télétravail ou dont les activités ont été restreintes ou fortement impactées par la crise sanitaire, comme pour les indépendants qui ont bénéficié d’aides ciblées.

En revanche, les entrepreneurs de nationalité française qui ont créé une structure indonésienne et qui ne sont pas soumis au droit français (c’est-à-dire qui ne payent pas d’impôts français, ne cotisent pas à la sécurité sociale française, ne sont pas soumis aux obligations du droit des sociétés et du travail français) ne bénéficient pas à l’heure actuelle de mesures particulières de soutien, pas plus qu’ils ne peuvent bénéficier de prestations françaises de sécurité sociale.

Nous entendons souvent dire que les services économiques de l’ambassade ne s’intéressent qu’aux grandes entreprises et que pour les PME, il est difficile d’accéder à des aides tant en termes d’écoute que de conseils. Comment améliorer soit cette situation, soit cette perception ?

Cette vision ne rend pas justice au travail mené par l’ambassade. A l’image des mesures décidées par le gouvernement, le service économique et Business France concentrent tous les efforts sur les PME parce que c’est une nécessité si l’on veut gagner la bataille du commerce extérieur français.

Depuis 2019, il existe un nouveau dispositif d’accompagnement des PME et ETI à l’export, la Team France Export. Ce dispositif s’appuie sur trois piliers : diffusion d’une culture de l’export et de l’international, réforme des financements export et réforme de l’accompagnement à l’export. A l’étranger, des correspondants uniques ont été mis en place pour rendre des prestations sur mesure aux entreprises. Business France a réorganisé son activité d’accompagnement.

En outre, Business France développe de nouveaux partenariats avec des acteurs privés pour étendre la couverture de la Team France Export et apporter davantage de services aux entreprises. Le service économique est bien entendu à la disposition des grandes entreprises comme c’est toujours le cas, comme par exemple lors du boycott des produits français, car elles sont davantage visibles et ciblées.

Toutefois, c’est avant tout aux PME-ETI que sont dédiés le service économique et Business France, car ce sont elles qui en ont le plus besoin. Pourtant, dans le monde des affaires, cette séparation entre entités n’a pas de sens car c’est ensemble que l’on conquiert un marché. C’est cette philosophie qui anime les services de l’ambassade car à chaque fois qu’une entreprise française se présente, on cherche toujours à inclure d’autres entreprises françaises de manière à créer une offre globale qui a beaucoup plus de chance de remporter des marchés. La Team France est très active et l’a particulièrement été pendant l’épidémie et dans le cadre du plan de relance. Nous avons organisé plusieurs séquences digitalisées réunissant les grands donneurs d’ordre locaux sur différents secteurs d’activités liés aux perspectives de rebond post-Covid.

Notre objectif est de permettre aux PME ETI de ne pas décrocher, de renforcer leur présence et surtout de les positionner sur les nouvelles tendances et projets post-Covid. Pour vous donner quelques chiffres en 2020, 103 entreprises ont été accompagnées par Business France dont 81 PME et ETI françaises. Ces entreprises qui venaient de France ou de l’ASEAN, ont bénéficié d’études et d’éclairages marchés, de prestations personnalisées, de mises en relations avec des clients indonésiens et de potentiels partenaires locaux, avec un service 100 % digitalisé. Elles présentent un haut taux de satisfaction.

 

La France vient de subir une fronde anti-français suite à la nouvelle diffusion des caricatures de Charlie Hebdo et du discours du président Macron. Après de nombreuses communications, de discussions entre diplomates, d’explications, où en sommes-nous de nos relations avec l’Indonésie ? Quelles ont été les répercussions de ces évènements sur la communauté et les entreprises françaises ?

Les relations demeurent excellentes avec l’Indonésie et continuent de s’intensifier cette année qui célèbre les 70 ans de l’établissement de nos relations diplomatiques.

Durant cette campagne anti-française, les autorités indonésiennes ont refusé tout appel au boycott des produits français et ont systématiquement appelé à l’apaisement. La poignée de manifestations qui a eu lieu uniquement à l’appel d’organisations radicales et extrémistes, je tiens à le préciser, n’a réuni que très peu de personnes et elles se sont déroulées sans aucun incident.

Je souhaite par ailleurs souligner que cette campagne anti-française a été alimentée par un flot d’informations approximatives, erronées voire biaisées. Dès lors, notre travail a consisté à mieux expliquer le contexte français et ses spécificités historiques, culturelles et juridiques.

J’ai donc écrit des tribunes dans des journaux, répondu à des interviews, participé à des émissions télévisées. J’ai eu des échanges très constructifs avec tous mes interlocuteurs, qu’ils soient des hommes ou des femmes politiques ou des personnes issues des milieux intellectuels et religieux. Je reviens de la province de Java Centre où je suis allé voir le Secrétaire Général de la Nahdlatul Uluma, la plus grande organisation musulmane en Indonésie mais aussi dans le monde, qui m’avait invité dans son école coranique. Avant cela, j’ai rencontré le Secrétaire Général de la Muhammadiyah, autre grande organisation musulmane du pays.

Les polémiques suscitées par les caricatures ont touché la communauté française en raison des accusations portées contre la France et de la crainte que les ressortissants français en Indonésie puissent être pris à partie. Les actions de communication mises en place par l’ambassade et les démarches menées en parallèle ont permis d’atténuer les effets de ces polémiques.

Nous avons également une très bonne coopération avec les forces de sécurité indonésiennes sur tout le territoire. Ainsi, toutes nos emprises, lycées, Instituts Français, Alliances Françaises et sièges des grandes entreprises ont fait l’objet d’une excellente sécurisation.

En ce qui concerne les entreprises françaises, il y a eu des appels au boycott qui ont été plus ou moins suivis, mais beaucoup d’entreprises françaises se sont comportées de manière exemplaire pendant la crise sanitaire et nombre d’entre elles investissent massivement et soutiennent l’emploi en Indonésie. Toutes ces entreprises respectent le droit local et les indonésiens. Il est naturel dans une période de tension de rester vigilant et de clarifier d’éventuelles incompréhensions, mais je crois que les partenaires des entreprises françaises ont compris qu’elles n’avaient rien à se reprocher et ont décidé d’aller de l’avant.

Un autre sujet au centre de l’intérêt de la communauté française est le changement de statut des lycées français de Jakarta et Bali et d’une possible réouverture en janvier des lycées de Jakarta et Bali, que pouvez-vous en dire ? 

Nos lycées étaient sous un statut d’école diplomatique qui ne correspondait pas à la réalité car seuls des enfants de diplomates peuvent suivre des cours dans ce type d’école. Il y a un an, les autorités indonésiennes nous ont demandé de nous conformer aux règles et de se rapprocher du système existant dans la plupart des écoles internationales. Nous avons mis beaucoup de temps, le Covid n’a pas simplifié les choses. Ce changement de statut a suscité des inquiétudes qui ont duré. L’ambassade se doit d’assurer la conformité du statut de nos écoles, nous n’accepterions pas l’inverse en France. Ce changement de statut ne pose pas de problème ni dans le programme, ni dans le fonctionnement. Il faut avancer.

Il y a eu un travail important et excellent fait au niveau de l’enseignement à distance. Je sais qu’autant les enfants que les enseignants et les parents souhaitent un retour en classe. La réouverture dépend aujourd’hui de la décision du gouverneur de Jakarta. On a l’espoir d’une possible reprise des cours, mais je ne peux pas vous le dire aujourd’hui avec certitude. Les lycées travaillent à la mise en place d’un protocole sanitaire et d’accueil des élèves.

 

Après une année 2020 très compliquée, peut-on finir cette interview par une note positive ? Avez-vous un message plus particulier à adresser à la communauté française d’Indonésie ?

La communauté française a bien réagi dans cette crise et a été très raisonnable et prudente dans l’approche de la pandémie. Nous ne devons pas nous relâcher. Je tiens à souligner que nous avons la chance pour les résidents de pouvoir aller et venir en Indonésie, nous sommes dans une situation relativement privilégiée par rapport à d’autres pays de la zone.

 

Espérons que l’arrivée de plusieurs vaccins qui devraient être disponibles au début de l’année prochaine va permettre une reprise progressive de la circulation des personnes et des biens en 2021. C’est en effet notre souhait le plus cher à tous que les frontières ré-ouvrent, que les touristes puissent se rendre en Indonésie et en France, que les élèves et les étudiants puissent retrouver le chemin de leurs écoles et universités, que les entreprises puissent à nouveau fonctionner normalement et que les familles puissent être réunies !