Bacharuddin Jusuf Habibie, troisième président de la République Indonésienne, s’est éteint le 11 septembre dernier à l’âge de 83 ans. La presse s’est largement faite l’écho de sa biographie. Nous allons ici à travers quelques éléments de sa vie revenir sur l’influence que Bacharuddin Jusuf Habibie a eu sur les relations franco-indonésiennes.
Habibie nait en 1936 à Pare-pare, ville du sud de la Sulawesi Sud, opportunément située au centre de l’archipel, il y installe plus tard, alors devenu ministre de la recherche, la station de réception d’images satellites.
Il fait de brillantes études scientifiques et technologiques à Aix la Chapelle en Allemagne où il obtient son diplôme d’ingénieur en 1960 puis un doctorat avec félicitations en 1965. Ses travaux portent sur la résistance des matériaux, son nom est par ailleurs donné à des théorèmes et des méthodes d’analyse encore utilisés aujourd’hui. Ces derniers ont permis notamment d’augmenter la sécurité des avions.
À ce stade, il délaisse une possible carrière universitaire pour rejoindre le domaine de l’industrie, en intégrant l’entreprise Allemande MBB, Messerschmitt-Bölkow-Blohm. C’est à partir de cette entreprise qu’il participe également au démarrage du projet Airbus A300, ce qui sera son premier contact avec la France. Ses études, ce début de carrière tout comme la personnalité hors du commun de l’ancien président ont permis de créer une relation forte entre l’Indonésie et l’Allemagne.
En 1974, le président Suharto lui demande de contribuer au développement et à l’industrialisation du pays. À cette époque, les économistes évaluent les mérites réciproques du développement basé sur le secteur agricole et celui appuyé sur les secteurs réducteurs d’importations. Habibie, fort de son expérience industrielle, a compris que les secteurs les plus rentables étaient ceux de la haute technologie. Doté du double portefeuille de la recherche et de l’industrie, lui-même entrepreneur, il entame une série de projets industriels. On peut rappeler entre autre le développement à Bandung de l’entreprise Nurtanio avec laquelle la France a collaboré, en particulier par la construction d’hélicoptères Puma sous licence ou bien encore la construction d’un avion en collaboration avec Casa, entreprise espagnole partenaire de MBB. Les liens créés lors de son sejour en Europe perdurent.
Dans le cadre de ce projet, Habibie a la lucidité de comprendre que pour réussir son industrialisation, l’Indonésie a besoin non seulement de cadres supérieurs, comme lui-même, mais également de cadres moyens et d’agents de maitrise. Cela donne lieu, au sein de l’usine Nurtanio, à la mise en place d’un programme de formation technique dans lequel la France joue un rôle important.
Plus tard, percevant l’importance du domaine océanique, il initie un programme de coopération en océanographie avec la France qui conduit à la construction de trois navires de recherche océanographique, la série des Baruna Jaya. L’espace fut également l’objet de nombreuses collaborations entre les deux pays.
En 1990, Habibie prend un rôle essentiel dans la constitution de l’Association Indonésienne des Intellectuels Musulmans, association qu’il dirige plusieurs années.
Nommé vice-président en mars 1998, la démission au mois de mai suivant du président Suharto le propulse à la tête de L’État. S’ouvre alors une période troublée dans l’histoire de l’Indonésie. Histoire qu’il raconte dans son livre detik-detik yang menetukan, « les secondes déterminantes » ; Habibie revient sur son rôle durant cette période et décrit les actions déterminantes qui ont permis la transition de la période dite de « la reformasi » vers un renouveau de la démocratie. Il organise deux élections : le référendum d’autodétermination qui conduit à l’indépendance du Timor Leste, et les élections présidentielles l’année suivante auxquelles, prenant acte de son manque de popularité tant dans l’armée que dans la population, il choisit de ne pas se présenter.
C’est récemment que la population lui témoigne son attachement à travers le film Habibie & Ainun qui décrit sur un mode romantique le début de sa relation avec son épouse et leur vie commune en Allemagne. Ce film remporta un grand succès à sa sortie.
Si l’Allemagne a toujours eu une place particulière dans le cœur d'Habibie, la France y tient elle aussi une place importante. En témoigne sa présence au lycée français de Jakarta en 2010 lorsque celui-ci reçu le nom de Louis-Charles Damais, chercheur de l’école française d’extrême-orient, EFEO. Personnage qu'Habibie avait rencontré lorsqu’il était ministre, un profond respect et une reconnaissance s’étaient installés entre eux. À noter qu'Ibu Toen, épouse de Charles-Louis Damais, était la tante d'Habibie.
Ceux qui l’ont approché se rappellent de son esprit vif, percutant et visionnaire. Il demeure un modèle pour nombre de jeunes intellectuels et scientifiques Indonésiens.
Photo de une prise le 20 mars 2010 au Lycée Francais de Jakarta, lorsque le nom de Charles-Louis Damais lui fut donné. Bacharuddin Yusuf Habibie salue l'ambassadeur de France et est accompagné du fils de Louis-Charles Damais.