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En attendant les Jeux (3) – À l'eau !

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©Joël Bronner (5)
Écrit par Joël Bronner
Publié le 11 janvier 2018, mis à jour le 11 janvier 2018

Cet été, l’Indonésie accueille les 18e Jeux asiatiques entre Jakarta et Palembang. Pour ce 3e volet de notre série En attendant les Jeux, direction la piscine flambant neuve de Senayan.

Un chronomètre dans chaque main, David Armandoni se concentre sur le ballet des secondes. Dix nouvelles nageuses viennent de se jeter à l'eau. Parmi elles, Azzahra, 15 ans, l'une des protégés de celui qui est entraîneur national d’Indonésie depuis bientôt deux ans. « C'est laquelle ? » vous demandez-vous naïvement en bas des gradins clairsemés qui surplombent la piscine. « Celle qui est devant » répond ce Cannois d'origine, comme une évidence.

Autour du complexe qui abrite notamment le stade Gelora Bung Karno de Senayan, des palissades dissimulent actuellement la course des ouvriers et l’échauffement des pelleteuses. Les travaux en vue des Jeux sont encore loin d’être terminés, mais la piscine qui accueillera la compétition de natation d'ici quelques mois, elle, a d'ores et déjà achevé sa mue. Sous son toit ondulé, le long pavé blanc flambant neuf sert à présent d’écrin à quatre bassins.

Durant six jours, quelque 1200 nageurs y sont donc réunis en ce mois de décembre. Il s'agit, entre autres, d'une première étape de sélection de l’équipe indonésienne qui participera aux Jeux asiatiques. Une épreuve pour les athlètes donc, mais aussi un test pour la piscine elle-même, dont il s'agit du baptême.

Du lycée français de Jakarta à Bali

Sous l'eau, sans surprise, Azzahra est toujours « devant », tandis que dans les tribunes, son entraîneur continue à prendre la mesure du temps. Son temps à lui, cet ancien nageur professionnel en a consacré près de cinq années au total à l'Indonésie, où il a notamment rencontré sa femme. Cinq années entrecoupées de deux longs séjours en France.

Son histoire dans l'archipel a d'abord débuté avec un passage par la piscine du lycée français de Jakarta, où il supervisait les entraînements et les activités extra-scolaires. Plus tard, il dirigera le centre d’entraînement de la province de Riau, avant de venir finalement endosser à Bali son actuel costume d’entraîneur national, un poste pour lequel il encadre principalement les juniors.

Vers les Jeux olympiques

Près du bassin d’entraînement, David Armandoni réexamine à présent ses chronomètres et les fait parler sous le regard attentif d'Azzahra qui, comme une évidence, a remporté sa course entre-temps. Sportivement, Azzahra Permatahani est d'ailleurs née ici, dans l'ancienne piscine de Senayan où elle a appris à nager. « Oui, je serais heureuse de participer aux Jeux asiatiques » confie-t-elle timidement.

Selon elle, cela ne changera pourtant pas grand-chose que cette compétition se déroule ici, à Jakarta, même si elle sera « peut-être un peu plus nerveuse ». Nager ici ou ailleurs, qu'importe au fond, car son véritable objectif, ce sont les Jeux olympiques. La jeune fille a d'ailleurs déjà « 2020 » en tête. « 2024 » reprend son entraîneur, qui se veut pragmatique. C'est lui, après tout, qui est en charge des chronomètres, il sait que les choses prennent du temps...

Patience et longueur de temps

L'homme aux chronomètres ne se contente d'ailleurs pas de regarder défiler les secondes, il pense aussi et surtout au long terme. Lui qui suit certains nageurs comme Azzahra depuis qu'il est passé par Riau et qui l'a même fait venir en France. Sa volonté étant de « travailler avec des jeunes qui sont encore jeunes, dans l'optique d'aller sur des compétitions internationales de très haut niveau comme les JO ». Le tout saupoudré d'une savant mélange d’exigence et de paternalisme avec celles et ceux qu'il semble considérer un peu comme ses enfants.

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©Joël Bronner (3)

« Ce n'est pas 'un peu' comme mes enfants : les deux filles qui s’entraînent avec moi depuis des années ce sont mes filles, je les traite de la même manière que mes filles. Elles habitent chez moi depuis cinq ans quasiment, je connais tout d'elles, je fais attention a tout : à leur alimentation, à leur éducation... Je ne suis pas qu’entraîneur, je suis éducateur aussi. En France, on est éducateur sportif, ici ce n'est pas toujours le cas, mais moi c'est quelque chose qui me tient à cœur. »

Un potentiel énorme

S'il met autant de cœur à l'ouvrage, c'est aussi pour pallier les carences qu'il constate dans le système de formation local. « Dans la natation indonésienne, il y a un potentiel énorme. Parce que les gamins sont d'une discipline incroyable. Le problème – et c'est là qu'il faut ouvrir les yeux – c'est le système. Il faut former les entraîneurs correctement et mettre en place des conditions adaptées aux petits. On a des tout petits qui nagent extrêmement vite, mais qu'on ne verra peut-être pas dans cinq ans, parce que l’entraînement n'est pas adapté. »

David Armandoni préfère ainsi regarder plus loin que les Jeux 2018, lorsque les fruits d'un entraînement rigoureux devraient pouvoir être récoltés. Ou bien penser aux prochains Jeux de la jeunesse qui auront lieu en Argentine. Car en ce qui concerne les épreuves des Jeux asiatiques, « on sait qu'en termes de résultats, sans dévoiler un secret de polichinelle, avec le Japon, la Chine, la Corée... on n'est pas dans les mêmes niveaux », résume-t-il avec lucidité.

Comme aux SEA Games ?

Malgré tout, les nageurs indonésiens ne sont pas à l'abri de quelques bonnes surprises. À l'image de l’été dernier à Kuala Lumpur. « La natation a très bien marché aux SEA Games. Beaucoup mieux que ce que tout le monde espérait. » Pour preuve : « Quatre médailles d'or, beaucoup de médailles d'argent. Et surtout dans les médailles d'argent, beaucoup de jeunes de 15-16 ans, donc ça c’était vraiment très intéressant », conclue l’entraîneur qui rêve d’accompagner leur maturation. Azzahra, bien sûr, faisait partie de ce contingent de jeunes médaillés en Malaisie. Et si elle remettait ça le temps d’un été, à Jakarta, un peu comme une évidence ?