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En attendant les Jeux (2) – Jakarta, 1962

Jeux/sport/Indonésie/AsiaJeux/sport/Indonésie/Asia
Timbre jeux asiatiques Jakarta(C)Wikimedia Commons
Écrit par Joël Bronner
Publié le 7 décembre 2017, mis à jour le 12 février 2018

Cet été, l’Indonésie accueillera les 18e Jeux asiatiques entre Jakarta et Palembang. Pour le 2e volet de notre série En attendant les Jeux, focus sur 1962, première et dernière fois où Jakarta a hébergé la compétition.

« C’était l’annéééee…. Soixante-deuuuuux », celle-là même que chantait Claude François. Cette année-là, « en présence de 100.000 spectateurs et de 2.500 athlètes réunis dans le stade principal du splendide parc des sports de Sena[y]an, le président Sukarno, déclarera solennellement ouverts les quatrièmes Jeux asiatiques » pouvait-on lire dans Le Monde daté du 24 août 1962.

Cette année et cette compétition ont contribué à façonner une partie du Jakarta que l’on connait. Parmi tous les proyek menés à bien pour l’occasion, l’Hotel Indonesia - aujourdh’hui Kempinski - est ainsi l’un des premiers 5 étoiles du pays à voir le jour. Côté sportif, c’est le stade actuellement baptisé Gelora Bung Karno qui sortait alors de terre pour servir d’écrin aux athlètes.

C’était Jakarta, c’était il y a 55 ans. L’époque se lisait notamment à travers l’affrontement des blocs communiste et capitaliste. Décolonisation oblige, les puissances émergentes de ce qu’on appelait alors le Tiers-Monde avaient elles à cœur d’affirmer leur indépendance voire leur non-alignement, comme à Bandung, lors d’une conférence historique qui a eu lieu 7 ans plus tôt.

jeux asiatiques/timbre/compétition
Timbre jeux asiatiques Jakarta(C)Wikimedia Commons

‘Un oiseau qu'on appelait Spoutnik’

Les 4e Jeux asiatiques sont toutefois plutôt teintés du sceau de l’influence soviétique. Jugez plutôt. Nous sommes en février, à quelques mois de l’échéance. La Vladimir Poutine de l’époque arrive à Jakarta, comme l’AFP s’en fait l’écho. « Arrivé hier jeudi en Indonésie, M. Khrouchtchev a assisté ce matin avec le président Sukarno à la cérémonie de la pose du centième pilier du grand stade en cours de construction dans la banlieue [sic] de Djakarta, et où doivent avoir lieu les Jeux asiatiques en 1962 ».

Si le chef d’État a fait le voyage depuis Moscou pour visiter le temple sportif situé dans ce qui n’étaient alors que des villages périphériques et que l’on appelle aujourd’hui Jakarta Sud, c’est que « ce stade est construit avec l'aide financière et technique de l'U.R.S.S. et sous contrôle d'architectes soviétiques ». Et Khrouchtchev d’insister ce jour-là sur la construction de ce qui est à ses yeux « le symbole de la vieille amitié et de la coopération entre l'U.R.S.S. et l'Indonésie ».

L’été prochain, pour les 18e Jeux asiatique, ce même stade, qui a depuis longtemps quitté la ‘banlieue’ de la capitale et qui a connu plusieurs rénovations depuis 1962, doit accueillir les cérémonies d’ouverture et de clôture de la compétition.

‘C’était hier, mais aujourd’hui rien n’a changé

Le site indonésien officiel des Jeux 2018 évoque bien 1962, mais il a perdu la mémoire du soutien soviétique et préfère se rappeler la grandeur magnifiée du président Soekarno. Les rédacteurs se souviennent par ailleurs d’« une pluie de médailles » indonésiennes  - 77 au total dont 21 d’or, 26 d’argent et 30 de bronze - bien plus volontiers que de l’écrasante victoire de la délégation japonaise qui, à l’époque, a remporté l’or sur plus de la moitié des épreuves.

Les tensions politiques d’alors, qui ont entrainé la non-participation d’Israël et de Formose (l’actuel Taiwan) et avaient provoqué la crispation du CIO, ont-elles aussi été rangées dans les oubliettes de la mémoire collective.

Ces ‘maladresses’ rappellent que ces compétitions sportives sont avant tout le lieu idéal pour exalter le nationalisme. À l’image de ces propos de Soekarno – on n’écrit plus guère Sukarno – relatifs à l’organisation de ces Jeux et mis en ligne sur le même site : « Tant que le monde entier prend conscience de la fierté et de la dignité de l’Indonésie, combien nous devons dépenser n’a aucune importance. »

‘Le seul, le grand, l'unique et pour toujours le public’

Contrairement à la chanson de ‘Cloclo’, pas mal de choses ont changé depuis 1962, dans un pays qui compte aujourd’hui près de 265 millions d’habitants. C’est d’ailleurs ce que vient nous rappeler la conclusion de l’article du 24 août dans Le Monde : « Plus de cinq millions de demandes de places ont été enregistrées. Bien que l'Indonésie soit avec quatre-vingt-seize millions d'habitants l'un des pays les plus peuplés du monde, un tel enthousiasme a contraint les organisateurs à effectuer un tirage au sort dont les résultats seront publiés par la radio. »

À quelques milliers de kilomètres de là, en France, cette même radio diffusait alors les premiers tubes du courant yé-yé. La mode a certes évolué depuis, mais parmi les choses qui n’ont pas changé, il y a l’espoir des organisateurs indonésiens que le public réponde massivement présent lors de ces prochains Jeux, afin que la fête sportive recommence l’an prochain… pour ainsi dire comme d’habitude.

Joël Bronner
Publié le 7 décembre 2017, mis à jour le 12 février 2018