Alors que la direction de la messagerie instantanée WhatsApp a annoncé la mise en place de nouvelles conditions d’utilisation et politique de confidentialité, la Turquie a lancé une enquête antitrust lundi 11 janvier ; de nombreux utilisateurs cherchent des alternatives.
Nouvelles conditions d'utilisation de la messagerie WhatsApp
WhatsApp, qui compte plus de 2 milliards d'utilisateurs dans le monde, a publié une mise à jour de sa politique jeudi 7 janvier, dans laquelle les utilisateurs* de la messagerie instantanée doivent accepter de livrer certaines de leurs données personnelles (numéro de téléphone, données “de transaction”, ou encore adresse IP, permettant en partie de localiser l’utilisateur) à Facebook (la société mère), dans un but commercial, à défaut de quoi, ils perdront l'accès au service de messagerie.
Initialement prévue à compter du 8 février, WhatsApp a annoncé, vendredi 15 janvier, le report de la mise à jour de sa nouvelle politique de confidentialité au 15 mai, affirmant être "préoccupée par la désinformation qui a poussé des utilisateurs à se tourner vers des applications alternatives".
Will Cathcart, responsable de WhatsApp chez Facebook, avait déjà précisé sur Twitter que le service de messagerie continuerait à fournir un chiffrement de bout en bout** sur les communications privées, et expliqué que les conditions de mises à jour reflétaient les nouvelles fonctionnalités d'achat et de paiement en ligne sur WhatsApp, conçues pour faciliter les communications entre les clients et les entreprises***.
Une enquête lancée par l’Autorité de la Concurrence turque
L’Autorité de la Concurrence turque a déclaré, lundi 11 janvier, qu'elle lançait une enquête pour évaluer si le changement de politique enfreignait les lois turques sur la concurrence, visant à empêcher les entreprises d'abuser de leur position dominante sur le marché.
Par ailleurs, dans un communiqué, elle a annoncé que les nouvelles exigences d'utilisation de WhatsApp, qui permettront à l'application de partager plus de données avec Facebook à partir du 8 février, devraient être suspendues jusqu'à ce que cette enquête soit terminée.
La campagne #WhatsAppSiliyoruz et le boom de nouveaux téléchargements
Depuis la réception de la nouvelle en fin de semaine dernière, de nombreux Turcs ont annoncé qu’ils quittaient WhatsApp : les hashtags sur les réseaux sociaux tels que #WhatsAppSiliyoruz ("Nous supprimons WhatsApp") ont été largement relayés le week-end dernier en Turquie.
Simultanément, les téléchargements ont augmenté pour des services concurrents tels que Signal (adoubée par Elon Musk ou Edward Snowden) et Telegram.
Incitation des autorités turques à utiliser les messageries locales
Le chef du bureau présidentiel turc de la transformation numérique, Ali Taha Koç, a exhorté les citoyens à passer aux applications de messagerie de fabrication turque, telles que BiP ou Dedi.
Ali Taha Koç a déclaré que les citoyens turcs devaient s'opposer au "fascisme numérique" (termes utilisés par le Président Erdogan) et supprimer l'application Whatsapp de leurs appareils.
"Nous devons protéger nos données numériques avec des logiciels locaux et nationaux et les développer en fonction de nos besoins", a-t-il déclaré dans un tweet, ajoutant dans un autre tweet que BiP (Turkcell) et Dedi avaient plus à offrir que des services de messagerie étrangers.
Yabancı menşeli muadillerinden çok daha fazlası, #BİP ve #Dedi gibi milli ürünlerimizde var. Tüm vatandaşlarımızı yerli ve milli uygulamaları kullanmaya davet ediyoruz. ?? https://t.co/xAFZw6J6ZG
— Ali Taha Koç (@AliTahaKoc) January 9, 2021
Selon un communiqué publié lundi 11 janvier par Turkcell (le plus grand opérateur de téléphonie mobile du pays), au cours des trois derniers jours, 4,6 millions de nouveaux utilisateurs ont rejoint l'application BiP.
Au cours du week-end, plusieurs ministères et bureaux d'État ont annoncé qu'ils commenceraient à utiliser BiP à la place de WhatsApp.
Néanmoins, des militants des droits numériques ont exprimé des inquiétudes concernant les politiques de confidentialité proposées par BIP, notant que ses conditions d'utilisation n'étaient pas nécessairement plus sécurisées que celles proposées par WhatsApp.
En effet BiP n'utiliserait pas de chiffrement de bout en bout, ce qui lui donne la possibilité de collecter les données de chat des utilisateurs avec leur numéro de téléphone et leur liste de contacts.
Si de nombreux Turcs ont mis fin à l’utilisation de WhatsApp, beaucoup sont encore indécis, notamment en raison de la méfiance qu’ils ont, en général, à l’égard des réseaux sociaux et de la protection de leurs données personnelles.
Le 15 janvier, WhatsApp a tenu à assurer les utilisateurs turcs que le contenu de leurs messages (aussi sur l'application de messagerie et sur Facebook) resteraient cryptés après la mise à jour, avant de finalement annoncer le report de trois mois de la mise en place des nouvelles conditions d'utilisation.
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* Les nouvelles conditions diffèrent entre l'Union européenne (en vertu du RGPD) et le reste du monde. Dans le cas de l'UE et du Royaume-Uni, les données ne seront utilisées que pour développer les fonctionnalités offertes aux comptes professionnels WhatsApp Business.
** Le chiffrement de bout en bout est un système de communication où seules les personnes qui communiquent peuvent lire les messages échangés. Il empêche donc toute tentative de surveillance ou de falsification, car aucun tiers ne peut déchiffrer les données communiquées ou stockées.
*** Facebook ne gagnant pas d’argent avec WhatsApp, il semblerait donc qu’elle souhaite en faire, à terme, une plateforme pouvant être utilisée par des entreprises pour communiquer avec leurs clients. Les données partagées avec Facebook sont donc essentielles pour cela, permettant d’offrir davantage d’options aux partenaires de Facebook qui commercialiserait ses services à des prix plus élevés.