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Le Parlement turc adopte la loi sur les "barreaux multiples"

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Devant l'Anıtkabir, Ankara, fin juin
Écrit par Albane Akyüz
Publié le 14 juillet 2020, mis à jour le 11 janvier 2024

Dans l’espace public, comme sur les réseaux sociaux, c’est sous les pancartes "Savunma Yurüyor" ("la défense en marche"), ou avec les hashtags #savunmadireniyor (la "défense résiste"), #Savunmadurdurulmaz ("on n’arrête pas la défense"), #SavunmayaDokunma ("touche pas à la défense"), que les avocats turcs faisaient entendre leur voix aux quatre coins du pays depuis plusieurs semaines… en cause, un projet de loi qui menacerait de porter atteinte à l’État de droit ; c’est sans surprise que celui-ci a été adopté par le Parlement turc dans la nuit de vendredi 10 juillet. 

Colère des avocats depuis plusieurs semaines

Le 19 juin, des présidents de barreaux turcs avaient entamé des marches à travers le pays en direction d’Ankara, dans le but de faire entendre leur mécontentement ; et alors qu’ils comptaient se rendre au mausolée d’Atatürk, ils avaient été bloqués par la police le lundi 22 juin. Suite à un sit-in en guise de protestation, plus tard, les marcheurs avaient été autorisés à visiter l'Anıtkabir, le mausolée de Mustafa Kemal Atatürk.

Le projet de loi contesté

Le projet de loi, qui a d'abord été adopté en Commission parlementaire de Justice la semaine dernière, faisait l’objet d’examen en session plénière à l’Assemblée Nationale turque depuis mercredi 8 juillet. Il a finalement été adopté vendredi 10 juillet, alors qu'un peu plus tôt, le Conseil d’État turc se prononçait sur l’annulation du statut de musée de Sainte-Sophie.

Le projet de loi controversé présenté au Parlement par l’AKP et le MHP vise à modifier la gouvernance des barreaux et d’en créer plusieurs, concurrents donc, dans les grandes provinces métropolitaines qui comptent plus de 5 000 avocats, notamment à Istanbul (env. 46 000), Ankara (env. 17 500) et Izmir (près de 10 000)*, à condition que chacun de ces nouveaux barreaux puissent réunir au moins 2 000 adhérents.

Affaiblir les barreaux

Les avocats affirment que ce projet de réforme vise à affaiblir les barreaux, critiques réguliers du bilan du gouvernement, principalement en matière de droits de l'homme (avocats emprisonnés, des défenses muselées et la confiance dans les juges et les procureurs détruite).

L’exécutif est accusé de "diviser pour mieux régner", de vouloir contrôler l'élection de ces organes ; en effet, en cas de barreaux multiples, un risque existe de conflits avec des organes parallèles et des tendances politiques différentes, ce qui en fin de compte, pourra affaiblir et politiser les différents barreaux du pays. 

Par ailleurs, les barreaux divisés risquent d’être confrontés à des difficultés financières.

Le président du CHP, principal parti d'opposition, Kemal Kılıçdaroǧlu, avait scandé la semaine dernière que ce projet est trahison et séparatisme, qu'il a été élaboré au palais présidentiel, sans la consultation du ministère de la Justice et des barreaux.

Il avait également déclaré avant que la loi ne soit votée, que le CHP la porterait devant la Cour constitutionnelle en cas d’adoption.

 

*Au 31 décembre 2019, près de 130 000 avocats étaient inscrits en Turquie.

Albane Akyüz
Publié le 14 juillet 2020, mis à jour le 11 janvier 2024

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