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Prénoms turcs : dis-moi comment tu t'appelles, et je te dirai qui tu es...

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Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 26 janvier 2022, mis à jour le 13 septembre 2023

Alors que les prénoms Fraise et Nutella ont été récemment rejetés par la justice française, les Onur (Honneur), Yağmur (Pluie) ou encore Emir (Prince) figurent parmi les 100 prénoms les plus attribués en Turquie ces dernières années. Mais comment les parents choisissent-ils ? En empruntant à la religion, la culture, l'histoire, la poésie… ou à des références parfois plus surprenantes ! Petit tour d'horizon des prénoms les plus populaires chez les 1.283.062 bébés nés en en Turquie en 2013...

Zeynep & Mehmet, Mustafa : des prénoms religieux toujours en vogue

D'après les chiffres de l'Institut turc de la statistique (TÜIK), les prénoms les plus donnés en 2013 ont un lien fort avec l'islam : Zeynep et Zehra pour les filles (respectivement en première et cinquième position en 2013), et pour les garçons, Mehmet, Berat et Ahmet (respectivement première, deuxième et quatrième position).

Le prénom Zeynep est une forme turque de l'arabe "zaynab", généralement traduit par "bel arbre du désert aux fleurs qui sentent bon", qu'on trouve aussi parfois traduit par "bijou précieux d'un père". Mais Zeynep, ou plutôt son homologue arabe Zaynab, c'est surtout le prénom de l'une des filles du prophète Muhammed. La légende veut que Khadîja, mère de Zaynab et épouse de Muhammed, soit la première a avoir cru au prophète et à s'être convertie : Zaynab fait donc partie de la première famille islamique. Une histoire qui expliquerait la persistance de ce prénom, qui n'est pas seulement le plus donné en 2013, mais qui figure aussi parmi les 10 prénoms les plus donnés aux nouveaux nés en Turquie depuis... 1950 !

Zehra, de l'arabe Zahra qui signifie "brillant", est aussi un prénom lié à la religion puisqu'il désigne l'une des filles du prophète, Fatimah. Il est et a été porté par de multiples personnalités du Moyen-Orient : princesses, actrices, femmes politiques, poète, photographe, athlète...

Du côté des garçons, le prénom en tête du classement de 2013 est Mehmet, forme turquisée de Muhammed. Comme Zeynep, il figure parmi les prénoms les plus donnés depuis 1950. On trouve aussi dans les 100 prénoms les plus donnés depuis 1950 Muhammed (huitième en 2013) et ses dérivés : Muhammet, Muhammet Ali...

En deuxième position figure le prénom Berat, nom ottoman qui désigne une décoration, une distinction. Mais il est plus probablement donné aux petits garçons pour sa référence à la Fête de Berat (Berat Kandili), célébrée pendant le 8ème mois du calendrier musulman, qui est le jour du pardon.

Le prénom en quatrième position, Ahmet, semble lui aussi faire référence à la religion. Dérivé de l'arabe Ahmad ou Ahmed, il désigne celui qui est "digne de louanges".

Mustafa et Emir : les grands de ce monde...

Mustafa, qui signifie littéralement "celui qui a été choisi" et désigne en arabe le prophète, est en troisième position du classement pour 2013. Mais outre l'aspect religieux, sa popularité pourrait venir du "père des Turcs", Mustafa Kemal dit “Atatürk”, dont on croise le visage dans toute la Turquie : en photo accroché aux murs, sous forme d'aimants et cartes postales dans les magasins de souvenirs, ou sur les drapeaux accrochés aux fenêtres...

Dans une moindre mesure, le succès fulgurant à partir de 2011 des petits Emir peut s'expliquer par leurs célèbres homonymes. Car les années de 2009 à 2012 étaient des années fastes pour le chanteur Emir Sevinç, dont les singles grimpaient régulièrement en haut des classements musicaux de Turquie. 2011 était aussi l'année où Emir Preldžič, joueur de basket, intégrait l'équipe de Turquie de Basket-ball. En arabe, Emir (Amir) signifie "le chef", "le commandant", ou encore "le prince", un prénom plutôt bien porté par des stars... Et il y aura surement encore des Emir célèbres dans les années à venir, puisque c'est le cinquième prénom le plus donné aux petits garçons en 2013.

Poésie et mystères des modes turques

L'apparition d'un prénom garde toutefois de temps en temps sa part de mystère. Celalettin Çelik, sociologue, expliquait en 2010 au quotidien Zaman "qu'autrefois, on donnait aux nouveaux nés des prénoms suivant les idéologies et les modes de vie, mais aujourd'hui, les parents ont tendance à donner des prénoms qui n'influenceront pas l'avenir de leurs enfants et qui ne traduisent pas une appartenance particulière. Les parents commencent à trouver de nouveaux prénoms, avec les moyens de communication de masse qui sont à leur disposition de nos jours."

Pour lui, le prénom Ecrin est de ceux-là. Sa signification exacte est difficile à trouver : il serait, selon Zaman, cité dans le Coran, et pourrait vouloir dire "cadeau de Dieu". Selon la très officielle Institution de la langue turque, il signifierait aussi "la récompense de l'effort". Mais peut-être est-ce sa sonorité qui séduit, puisqu'apparu soudainement en 2007, il était en 2013 le troisième prénom le plus donné aux petites filles.

L'engouement pour le prénom Yağmur, qui signifie "pluie", est lui aussi une mode dont le fondement est difficile à trouver. Est-ce la poésie du mot ou la nouveauté de ce prénom, apparu dans les classements en 1990, qui a séduit les parents de nouveau-nés?

L'apparition et la persistance, depuis les années 1980, du prénom Elif est aussi un petit mystère. Elif, forme turquisée de l'arabe "Alif "qui désigne la première lettre de l'alphabet arabe, revêt de multiples sens selon les sources : il symboliserait le début, la force, l'honnêteté, la droiture, ou encore l'amour, en référence à l'expression turque (plutôt rare) "Elif gibi sevmek", qui signifierait "aimer plus que tout". Quoiqu'il en soit, les parents semblent affectionner ce prénom teinté de mystère et aux multiples nuances, puisqu'il est en 2013 le deuxième prénom le plus donné aux nouveaux nés.

Vers des "prénoms neufs et sans ancrage"

Dans une petite étude sur les prénoms turcs datée de 2011, Elifsu Sabuncu et Baptiste Coulmont, maître de conférences à l'Université Paris 8 et spécialisé dans la sociologie des prénoms, étudient les persistances, abandons, effets de modes dans les prénoms turcs depuis 1950. Pour eux, la tendance est à l'invention : quand les prénoms d'autrefois pouvaient facilement être classés par "origine étymologique" (arabe, turc, persan, kurde...), ces chercheurs observent depuis les années 1990 une nette augmentation de "prénoms neufs ou sans ancrage".

La Turquie va-t-elle bientôt voir disparaître ses petits Honneur, Pluie, Prince ?

 

Julie Desbiolles, 30 décembre 2015

lepetitjournal.com istanbul
Publié le 29 décembre 2015, mis à jour le 13 septembre 2023

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