Comme beaucoup de Français installés à Istanbul, Solène Pignet a été confrontée à la difficulté de ne pas parler le turc dans sa recherche d'emploi. Bien décidée pourtant à vivre dans son pays de c?ur, la Parisienne a créé son entreprise de conseils en ligne pour aider ceux, qui, comme elle, voudraient se lancer dans l'entreprenariat.
"Un homme, la quarantaine, un réseau solide, de grands diplômes et quelques cheveux blancs." C'est l'image du parfait entrepreneur que se faisait Solène Pignet il y a encore quatre ans. Depuis, pourtant, la Parisienne de 29 ans installée à Istanbul a lancé son entreprise de conseils en ligne Creators for good, née il y a trois ans. Entrepreneure comblée, Solène a aussi récemment soufflé la première bougie de sa deuxième boîte, une plateforme de formation en ligne, créée en collaboration avec une Canadienne : Changemakers association.
Solène Pignet (photo SP)
Pour en arriver là, Solène Pignet a dû lutter contre certains obstacles. Et passer outre les réticences de son entourage."C'est mon expatriation qui m'a permis d'oser. En France, quand j'ai annoncé que j'allais me lancer dans l'entrepreneuriat, mes proches avaient des questions, des craintes. Mes amis en Turquie, eux, ont bien accueilli la nouvelle et la plupart m'ont promis de me mettre en contact avec quelqu'un qui pourrait m'aider?Certes, pour certains, j'attends toujours !" plaisante Solène, avant de poursuivre : "Créer une entreprise, à 26 ans, sur internet, à l'étranger... Cela faisait beaucoup de paramètres inconnus pour mes parents", explique-t-elle, née d'une mère fonctionnaire et d'un père employé d'une entreprise. À ce moment pourtant, Solène est plus que tout désireuse de s'installer à Istanbul, où elle vit depuis cinq ans deux histoires d'amour simultanées : "une alchimie inexplicable" avec la ville et une passion avec Görkem, son conjoint rencontré le lendemain de son arrivée en Turquie.
Burn-out et syndrome de l'imposteur
C'est son précédent poste dans une entreprise anglaise qui l'a conduite à Istanbul, dont elle ignorait tout jusqu'aux "deux rives européenne et asiatique séparées par le Bosphore". Avant, elle a travaillé en Russie, au Nigeria, en Afrique du Sud et en Indonésie. "Ces expériences m'ont aidée à grandir mais j'ai fini par ne plus me sentir en accord avec ce qu'on me demandait dans l'entreprise. Donc j'ai démissionné."
À cette époque, la Française plonge dans "un petit burn-out". Et souffre du syndrome de l'imposteur : "c'est un sentiment d'illégitimité, le fait de douter toujours de ses compétences et de sa capacité à y arriver", explique Solène. Derrière son appellation, ce syndrome n'est pas considéré comme une pathologie reconnue. C'est bien ce constat que souhaite partager Solène avec sa clientèle, en majorité féminine. "Les femmes sont plus sujettes à ne pas se sentir à la hauteur, elles ont davantage de barrières psychologiques car on manque de modèles d'entrepreneures féminines dans notre système encore patriarcal", poursuit Solène. Ambitieuse depuis son plus jeune âge, elle explique : "Je me souviendrai toujours de ce que m'a dit un jour ma grand-mère? Elle a renoncé à sa carrière pour élever ses cinq enfants. Elle a voyagé, a été très épanouie? Son seul regret était le manque de dimension professionnelle dans sa vie. J'ai grandi avec son exemple en tête, en me disant que moi, je n'y renoncerais pas."
"Un luxe de notre époque"
Solène Pignet jouit aujourd'hui d'une liberté professionnelle et physique. Consciente de sa chance de pouvoir travailler son bureau sous le bras : "Je reviens de trois semaines en Europe, pour fêter les 30 ans de plusieurs de mes amis. Grâce à mon entreprise en ligne, je peux travailler depuis n'importe où. C'est un luxe de notre époque."
Avec Creators for good, Solène accompagne à distance des clients dans le lancement de leurs entreprises ou de nouveaux projets. Son crédo? Le développement durable. De la dépollution des océans en Australie à la production de cacao équitable en côte d'Ivoire, l'idée de Solène est de faire profiter ses clients de sa propre expérience en entreprenariat et de ses connaissances en développement durable, la spécialité de ses études.
Dans son quotidien aussi, la Française s'est tournée vers un mode de vie plus responsable."Végétarienne la semaine", elle est mêmei prête à quitter son quartier de c?ur Cihangir pour se rapprocher du marché bio de Feriköy. Et a adopté un shopping écologique : "Je préfère acheter un t-shirt produit localement plutôt que d'acheter trois t-shirt exportés, vendus pour le même prix", explique Solène, décidément bien dans ses baskets.
Solène Permanne (http://lepetitjournal.com/istanbul) mercredi 7 juin 2017