

Installée depuis 1977 en Turquie, Elisabeth Madzar s'initie en 1986 à la technique ancestrale du patchwork turc. Depuis, elle partage grâce à son art la culture anatolienne.
Elisabeth Madzar a l'étoffe d'une passionnée. Amoureuse de l'Anatolie et de son histoire, elle est installée depuis 40 ans en Turquie, où elle s'est mariée. "Ma vie est ici, affirme-t-elle. J'ai d'abord vécu dans la région de la mer Noire, à Samsun, avant de déménager à Istanbul en 1985 pour que mon fils puisse aller à l'école française Pierre Loti."
Elisabeth Mandzar (photos Solène Permanne)
Dans son atelier à Göztepe, Elisabeth Madzar nous raconte son rêve d'enfant : devenir anthropologue. "C'est en apprenant à connaître ses racines et celles d'autrui que naît le respect de l'autre. On se rend compte par nos histoires communes que nous ne sommes qu'un." Pour ses créations, l'artiste entreprend toujours une démarche de recherches historiques et culturelles, qu'elle traduit dans ses œuvres. "Cette méthode comble, en quelque sorte, mon rêve d'enfant." Une aspiration remise à jour, comme les tissus qu'elle assemble au quotidien. En 1986, Elisabeth s'initie à la technique ancestrale du patchwork, parçalı bohça en turc. "Ce n'est pas seulement assembler des bouts de tissus", prévient-elle.
Statues en papier mâché

Si les tissus sont trop anciens et donc impossibles à coudre, Elisabeth Madzar en fait des statues en papier mâché. La colle leur permet de durcir et les aide à retrouver leur beauté. L'artiste collectionne ainsi des centaines d'œuvres qu'elle a réalisées. "Je n'en vends aucune, c'est une collection qui me permet d'exprimer quelque chose. Si je me séparait de l'une d'entre elles, ça n'aurait plus aucun sens."
Son ?uvre "mystère"
Il y a une œuvre dont Elisabeth ne se sépare jamais : Gizem, ou mystère en turc. Présent dans chaque exposition, ce patchwork porte le nom d'une adolescente décédée d'un anévrisme à l'âge de 16 ans, en 1999. Grâce au don d'organes, cette adolescente a sauvé la vie de plusieurs personnes à commencer par le mari d'Elisabeth, qui a reçu son rein. Aujourd'hui, l'artiste se sert de son travail pour sensibiliser le public au don d'organes. Une mission qui lui tient à cœur : "Le corps humain est un patchwork. On assemble des morceaux de tissus pour donner vie à une œuvre. Celle-ci nous fait penser, rêver, vibrer... Un peu comme le corps humain."
Intéressée par le soufisme, Elisabeth a trouvé sa philosophie de vie en Turquie. Et se sent même davantage turque que française. Sa maîtrise parfaite de la langue n'est pas étrangère à ce sentiment. "Il y a une énergie vitale dans ce pays, que l'on ne retrouve pas ailleurs, observe Elisabeth. Il y a une hospitalité et les gens gardent leur joie de vivre quelle que soit la situation. C'est un pays attachant, qui l'était surtout à l'époque où je l'ai connu." L'artiste est convaincue, pourtant, que la situation actuelle n'est pas aussi terrible que certains le prétendent. "La Turquie est un pays plein de changements, qui a toujours connu des hauts et des bas. On est entré dans une époque plus religieuse certes, mais il ne faut pas oublier qu'une grande partie des gens en Anatolie vivent encore de façon traditionnelle. J'y ai longtemps vécu et je ne me suis jamais sentie en trop ou mal à l'aise", poursuit Elisabeth, tout en s'éclipsant dans sa réserve. Elle en ressort les bras chargés de ses œuvres. Bientôt, elle nous raconte leur histoire et celle du parçalı bohça. Passionnée et passionnante.
Solène Permanne (http://lepetitjournal.com/istanbul) mercredi 19 avril 2017
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ZOOM ? A quoi servaient les patchworks ?
Les femmes réalisaient aussi des nappes ou encore des habits pour enfants, comme des bonnets. Le vêtement le plus courant était encore la brassière pour enfant. La future mère demandait un morceau de tissu à sept familles dites "de bonne famille" et en faisait un patchwork pour protéger l'enfant des mauvais esprits. Les femmes allaient vivre chez leur belle-famille quand elles se mariaient. Pour purifier leur chambre des mauvaises ondes, on recouvrait les murs et le sol de la chambre pendant 40 jours d'un rideau composé de morceaux de tissus provenant de ses vêtements de jeune fille. Souvent, les symboles représentés étaient des triangles, symbole de l'organe génital d'une femme et de la prospérité. Les femmes confectionnaient aussi des pare-feux, des coussins ou bien des patchworks à accrocher au plafond. Les bohça étaient formés de cinq carrés, représentant les cinq préceptes de l'islam. Celui du milieu, plus grand, représentait la Kaâba. Les femmes réalisaient aussi des enveloppes pour mettre le linge et selon la croyance, le linge était ainsi protégé. |








































