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İNTERVİEW – Rencontre avec les Franciscains de l’église Santa Maria Draperis

Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 4 août 2014

 

Lepetitjournal.com d'Istanbul est allé à la rencontre de la communauté franciscaine de l'église Santa Maria Draperis sur l'avenue ?stiklal, dont la présence dans la ville remonte à près de 800 ans. Le frère Gwénolé a bien voulu répondre à nos questions sur sa communauté, son histoire et ses activités à ?stanbul.

Lepetitjournal.com d'Istanbul : Pour commencer, souhaiteriez vous réagir à la polémique entourant le différend qui vous oppose au propriétaire de la Corsetterie Kelebek ? Pour rappel, vous êtes actuellement en procès avec ce dernier, qui vous loue vos locaux et contre qui vous avez engagé une procédure d'éviction.

Frère Gwénolé (photo PR): Nous ne souhaitons pas nous exprimer sur ce sujet afin de ne pas prolonger la polémique.

Dans ce cas, pouvez-vous nous parler de l'histoire de votre Ordre ici à ?stanbul ?  

La présence des Franciscains à Constantinople date des alentours de 1230, soit quelques années après la mort du fondateur de notre ordre, Saint François d'Assise. La première église où nous étions était une ancienne église orthodoxe, aujourd'hui reconvertie en mosquée, dans laquelle on a découvert en 1976 des fresques sur notre fondateur. On pensait que les fresques les plus anciennes se trouvaient dans sa ville natale à Assise, où il est mort. En réalité, elles sont ici à Istanbul, et ont été transférées (ce qui en reste) au Musée archéologique d'?stanbul.

Par la suite, les frères ont déménagé en divers endroits et à ?i?hane jusqu'à ce qu'un raz-de-marée détruise l'église, nous forçant à nous installer ici il y a 250 ans environ. C'était une grosse paroisse il y a encore 60 ans, mais les Levantins et Grecs-Catholiques qui s'y rendaient ont progressivement quitté la Turquie. A la fin du siècle dernier, seul un vieux frère italien était encore présent dans l'église.

Puis, en 2003, nous sommes arrivés avec un nouveau projet, celui de créer des liens avec les églises chrétiennes non-catholiques à Istanbul et avec les croyants des autres religions, tout en nous occupant de divers petits groupes qui étaient je dirais "de notre langue": Saint-Louis-des-Français (la principale église catholique pour la communauté française à ?stanbul), ce qui restait de l'ancienne communauté de Santa Maria Draperies, une communauté coréenne et les touristes qui passent. Nous dépendons désormais directement de la maison générale à Rome, c'est pourquoi nous sommes une communauté de frères de nationalités différentes. Actuellement il y a un Mexicain, un Congolais, un Français (moi) et un Argentin.

En quoi consistent concrètement  vos activités à ?stanbul ?

Notre travail principal consiste à mettre en place des rencontres et dialogues avec des personnes d'autres confessions. Nous cherchons à rencontrer des gens de Turquie de confessions différentes de la nôtre, à les écouter, à voir les différences et les points communs, voir comment on peut contribuer à la vie de l'autre avec les points communs et voir comment on peut se respecter avec nos différences. Nous reprenons ainsi la démarche du fondateur de l'ordre des Franciscains, Saint François d'Assise, qui avait rencontré le Sultan d'Egypte lors des croisades.

Nous avons par exemple des rencontres avec un groupe de derviches et des liens forts avec la mosquée de ?i?li, où je vais régulièrement et où j'amène parfois des groupes de Français de passage. En octobre, nous organisons ainsi des cours de deux semaines où l'on fait des rencontres entre musulmans, juifs, et chrétiens d'autres Eglises. Nous allons aussi dans les lieux de culte d'autres religions. Cela fait partie de notre travail de conscientisation et pas seulement pour l'ordre Franciscain, mais aussi pour l'ensemble des gens qui peuvent nous côtoyer.

Quelles sont vos relations avec les autres communautés religieuses d'Istanbul ?

Il n'y a pas de tensions entre chrétiens, nous sommes trop peu nombreux pour nous permettre d'avoir des querelles de clochers. Au contraire, notre petit nombre nous oblige à nous serrer les coudes. Ainsi la plupart des communautés ne s'enferment pas sur elles-mêmes. Nous n'avons pas non plus de problèmes avec la communauté musulmane sunnite majoritaire. Vu notre petit nombre, nous sommes loin de représenter un danger pour eux. Cependant, nous n'avons pas tous les droits non plus, et si la Turquie devait entrer dans l'Union européenne, il y aurait effectivement des choses à améliorer. Mais quand je vois qu'en France ou en Italie, on nous considère presque comme des futurs martyrs, je me dis qu'il y a un manque de vision en Europe.

On doit néanmoins réclamer certains droits, au nom des droits de l'Homme. Mais ce ne sont pas des choses qui nous empêchent de vivre et d'exercer nos activités. L'Église Catholique en Turquie n'est pas reconnue, et cela n'a pas que des inconvénients. Nous sommes considérés comme une association étrangère mais malgré cette non reconnaissance de l'État, il y a une reconnaissance de fait: nous sommes là depuis plusieurs siècles, nous payons des impôts, et nous exerçons nos activités sans problèmes majeurs.

Quel rôle avez-vous au sein de cette communauté ?

Mon rôle avec le responsable et bientôt un troisième frère a été de lancer cette fraternité. J'étais le seul avec une expérience dans le dialogue islamo-chrétien, ayant été en Côte d'Ivoire durant vingt ans. Ensuite, avec la fonction qui m'a été donnée d'aller voir les Franciscains dans les pays musulmans, puis en France où j'étais responsable du Service pour les relations avec l'Islam des évêques français. Ici, c'est donc ma quatrième étape. Actuellement avec les conférences que je donne et des articles à des revues, je me suis concentré sur l'écriture. Je travaillais depuis deux ans sur un livre, Défi de la rencontre, qui est sorti en mai. 

Pierre Rouxel (http://lepetitjournal.com/istanbulmardi 5 août 2014

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Publié le 4 août 2014, mis à jour le 4 août 2014
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