Tourisme, affaires, visites familiales… Alors que les demandes de visas ne cessent d’augmenter et que les services consulaires sont saturés, la question des visas demeure un enjeu important pour la Turquie.
En 2022, le nombre de demandes de visas émises depuis la Turquie pour l’espace européen-Schengen s’élevait à 778 409 et le nombre de refus à 120 876 (soit 15,5% - chiffres compilés via https://statistics.schengenvisainfo.com/).
Les citoyens turcs se trouvent désormais face à des défis d’ampleur pour entrer dans l’espace Schengen alors que l’exemption de visas pour leurs courts séjours (90 jours) n’est toujours pas d’actualité.
Une problématique de longue date pour la Turquie
Depuis plusieurs années, la Turquie souhaite poursuivre les pourparlers en matière de libéralisation des visas. Elle s’étonne que ses citoyens ne puissent pas disposer d'exemption de visas alors que de telles dispositions ont été mises en place avec les pays des Balkans occidentaux, la Moldavie (depuis 2014) ou encore avec l’Ukraine (depuis 2017). A cet égard, la Turquie, afin d’illustrer ce sentiment d’injustice, a de nombreuses fois cité l'exemple des citoyens du Belize, de l'Uruguay et du Paraguay, exemptés de visa court séjour pour l'espace Schengen.
En 2016, dans le cadre du pacte migratoire UE-Turquie, l’Union Européenne avait accepté le principe d’une exemption de visa aux ressortissants turcs dans l’espace Schengen. Pour cela, le pays devait remplir la totalité des 72 conditions requises. Or, 6 d’entre elles ne sont toujours pas respectées. Entre autres : adoption de mesures préventives contre la corruption, conclusion d’un accord de coopération avec Europol, mise en place d’une coopération judiciaire avec les États membres de l’Union Européenne, mise à jour de la législation sur la protection des données personnelles et révision de la législation sur le terrorisme conformément aux normes de l’Union Européenne.
Sans respect de ces exigences, la situation demeure au statu quo. Pas d’exemption de visas pour les courts séjours, donc.
Si cette problématique n’est pas récente, elle est réapparue sur le devant de la scène fin 2022. Au regard du nombre des demandes, les refus restent importants et l’engorgement des services d’instruction des demandes une réalité, ce qui relance les débats avec l’Union Européenne.
Un thème non négligeable de la campagne électorale
Cette problématique représente toujours un défi pour le président réélu, Recep Tayyip Erdoğan. Ce dernier a déclaré mardi 30 mai 2023 : "Nous résoudrons la question des visas qui a été utilisée comme une sorte de chantage politique ces derniers temps, dès que possible", soulignant ainsi tous les enjeux politiques derrière cette crise.
Lors de la campagne présidentielle, Kemal Kılıçdaroğlu avait également déclaré à ce sujet : "Nous apporterons toutes les règles démocratiques exigées par l’UE dans notre pays".
Aujourd’hui, tout le monde est impacté. Ainsi, le musicien Onur Akın déplorait le fait qu'il ne pouvait pas obtenir de visa pour la première fois de sa carrière d'artiste de 35 ans et a déclaré : "Je rejette le traitement des artistes de ce pays en tant que réfugiés aux portes de l'Europe".
Les agences de voyages sont également en première ligne : quand un passager a un problème de visa, en fin de compte, cela touche aussi l'agence. Par exemple, si 5 passagers d'un circuit de 40 personnes ne peuvent pas obtenir de visa, ce dernier peut être annulé.
Les agences qui ont déjà engagé de nombreux frais, doivent supporter des pertes financières qui s’ajoutent aux contraintes logistiques. L’Europe, destination-clé, serait-elle en passe de devenir un véritable parcours du combattant, et ce d’autant plus que certains pays de l’UE ont des exigences spécifiques ? Si un voyageur obtient un visa auprès des services consulaires grecs par exemple, différents pays comme les Pays-Bas ou l’Autriche n’accepteront probablement pas qu’il se rende directement chez eux, sans passer tout d’abord par le pays d’émission du visa. A cela, s’ajoutent des craintes sur les raccourcissements de la durée de validité des visas court séjour.
La situation est toutefois à relativiser selon Nikolaus Meyer-Landrut, chef de la délégation de l’Union Européenne en Turquie. Ce dernier souligne en effet que le taux de rejet pour la Turquie est inférieur à la moyenne mondiale. Par ailleurs, il précise que le nombre de visas de longue durée et à entrées multiples, délivrés aux citoyens turcs, est supérieur à la moyenne mondiale.
Cette problématique, par ailleurs, n’est pas propre à l’espace européen-Schengen : pour les Etats-Unis et le Royaume-Uni, le délai d’attente est de plus d’un an pour obtenir un nouveau visa…
> Pour avoir un aperçu statistique global de l’année 2022, rendez-vous ici :
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