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Séismes en Turquie : les multiples défis de la reconstruction

Près de deux mois après les séismes, les éclaircies sont rares. Les survivants vivent dans la douleur physique et psychologique et peinent à envisager l’avenir. Dans un tel contexte, il convient donc de trouver les financements pour permettre à la population touchée de survivre au quotidien et de bénéficier d’un hébergement d’urgence, tout en travaillant à la reconstruction des territoires sinistrés. Cette perspective doit intégrer les contraintes sanitaires et environnementales (amiante et autres polluants) ainsi que le nécessaire respect des normes antisismiques.

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Écrit par Pauline Sorain
Publié le 22 mars 2023, mis à jour le 24 janvier 2024

La prise en charge des populations, des coûts immédiats incontournables

En effet, les ONG particulièrement vigilantes demandent le maintien de mesures d'urgence pour soutenir les survivants : alimentation, santé, sécurité, éducation... Selon l’AFAD (l'Agence turque de Gestion des catastrophes et des situations d’urgences) deux millions de personnes vivent actuellement sous des tentes. Dans ce laps de temps, les personnes sinistrées doivent pouvoir être logées provisoirement dans la perspective d'une reconstruction qui, même si elle est souhaitée rapide, prendra du temps. Tout ceci a un coût immédiat qui va nécessiter une intervention de l’État et des autorités publiques. Ces situations provisoires ne peuvent bien évidemment pas perdurer et doivent dans le même temps laisser place à un effort inédit de reconstruction.

Les coûts considérables d’une "reconstruction au pas de charge"

De tels besoins nécessitent donc la mise en œuvre d’un programme de construction d'ampleur. D'ailleurs, le président Erdoğan, candidat à sa réélection le 14 mai prochain, a promis une reconstruction du pays au pas de charge, "en un an". Cette reconstruction ne se fera pas sans peine. Les dégâts causés par les différents séismes en Turquie sont évalués à "quelque 104 milliards de dollars", selon le président lui-même.

Selon un communiqué daté du 23 février 2023 du ministre de l'Environnement, de l'Urbanisme et du Changement climatique, Murat Kurum, 164 321 bâtiments ont été déterminés comme "détruits, à démolir d'urgence et gravement endommagés" après les tremblements de terre.

Sans parler des délais nécessaires, un tel objectif doit répondre à d'énormes défis qui ne peuvent être surmontés par le seul volontarisme.

Évacuation des déchets de déconstruction : l’amiante au cœur des inquiétudes

Dans la province du Hatay, la plus dévastée par les séismes, comme dans le reste du sud-est de la Turquie, la gestion des millions de tonnes de gravats est au cœur des préoccupations. Dans les nuages de poussière qui se dégagent des décombres, la présence d’amiante inquiète. Les risques pour la santé de cette substance isolante et cancérigène qui a été autorisée dans la construction en Turquie jusqu’en 2014, commencent seulement à être évoqués. Bien qu'il n'y ait pas d'étude d'inventaire sur les bâtiments en Turquie, selon le rapport du TMMOB (Union turque des chambres d'ingénieurs et d'architectes) sur la présence d'amiante à Istanbul, la plupart des bâtiments vieux de 30 à 40 ans contiendrait de l'amiante.

Le risque ne concerne pas seulement la santé, mais aussi l’environnement. Si le président Erdoğan s’est engagé à faire en sorte que les gravats soient évacués et triés "sans nuire à l’environnement et aux personnes", les défis semblent vertigineux. En effet, dans leur précipitation à débarrasser les gravats pour reconstruire de nouveaux immeubles, les autorités ont parfois été peu regardantes. Il apparaît comme une vraie nécessité de vérifier la porosité des sols alors que de nombreuses substances menacent de polluer les nappes phréatiques. Sans cela, c’est la porte ouverte à de nouvelles catastrophes. Sait Karakurt, professeur à la faculté de médecine de l’Université de Marmara, avertit des risques pour la santé de l’amiante et de la silice. Le dépôt de ces poussières de silice cristalline ou d’amiante pourrait entraîner des troubles respiratoires progressifs devenant irréversibles, ainsi que des risques de cancer. 

L'élimination des produits contenant de l'amiante a donc un impact réel sur l'environnement et la santé. Aussi, les experts soulignent qu'il faut faire preuve de prudence vis-à-vis des activités d'élimination et de destruction inappropriées (par exemple, en cas d'incendie, l'amiante constitue un danger supplémentaire du fait des risques accrus de libération de fibres cancérogènes).

Une reconstruction aux normes : des besoins de financement abyssaux

Dans un premier temps, un certain nombre d’organismes de financements internationaux se sont engagés. Face aux demandes exprimées par le gouvernement turc, les financeurs internationaux ont d'ores et déjà répondu présents.

Ce lundi 20 mars à Bruxelles, la Conférence internationale des donateurs, organisée par la Commission européenne et la présidence suédoise du Conseil de l’UE, s’est engagée à verser 7 milliards d’euros d’aide à la Turquie et à la Syrie. Pour sa part, la Commission européenne a déclaré qu’elle s’engageait à verser 1 milliard d’euros pour la Turquie.

La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) a, quant à elle, annoncé jeudi 9 mars 2023, son intention "d'investir jusqu'à 1,5 milliard d'euros" sur les deux prochaines années dans les régions de Turquie touchées par les tremblements de terre. Dès le 9 février, la banque mondiale a de son côté annoncé une aide de près de 2 milliards de dollars. Parallèlement, les aides dans le cadre de relations bilatérales se sont multipliées, avec notamment celles des Etats-Unis (85 millions de dollars) et des pays arabes.  

Cette mobilisation va dans le bon sens, mais le chemin sera encore long, d’autant qu'il s'agira d'intégrer dans le coût de la reconstruction le respect des normes antisismiques.

Au-delà de tous ces défis, dans l’immédiat, le ramadan pourra apporter du réconfort et un soutien aux sinistrés, même si ce mois d’unité et de solidarité sera mis à rude épreuve. Ainsi, la municipalité d'Ankara Keçiören a récemment installé des tentes afin de servir des repas chauds pour la rupture du jeûne dans les régions de Malatya, Adıyaman et Kahramanmaraş, durement touchées par les séismes.  

 

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