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Qu’a écrit Le Point pour convaincre Erdoğan de porter plainte ?

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Écrit par Jonathan Grimmer
Publié le 29 octobre 2019, mis à jour le 11 janvier 2021

Dans son dernier numéro, le prestigieux hebdomadaire français qualifie Recep Tayyip Erdoğan d’« éradicateur », en raison de l’intervention turque en Syrie qui, selon les journalistes, ne serait rien d’autre qu’une opération de nettoyage ethnique menée à l’encontre des Kurdes. Face à ces accusations, le Président turc a porté plainte pour « insulte au chef de l’Etat ».

Une fois n’est pas coutume, la guerre est ouverte entre Recep Tayyip Erdoğan et le magazine Le Point.  Deux ans après avoir provoqué l’ire de l’AKP et de ses partisans en affublant le Président turc du titre de « dictateur », l’hebdomadaire français récidive en consacrant sa dernière une à l’ancien maire d’Istanbul qualifié cette fois d’« éradicateur ». La réaction ne s’est pas faite attendre : le lendemain de la parution du magazine, soit vendredi dernier, l’un des avocats d’Erdoğan a porté plainte auprès du bureau procureur général d’Ankara pour « insulte au chef de l’Etat ». « Erdoğan a fait emprisonner de nombreux journalistes en Turquie et pense peut-être que ses pulsions de censure peuvent s'exercer aussi dans des pays où la presse est libre. L'hubris du maître d'Ankara connaît visiblement peu de limites. Il sera déçu : nous ne lâcherons rien », a répliqué le directeur du Point, Etienne Gernelle, dans un édito publié le même jour.

Le dossier que consacre le périodique à l’intervention turque en Syrie comporte quatre articles principaux. L’un d’eux est un long reportage décrivant la situation au Rojava (Kurdistan syrien) où des milices pro-turques se livrent à des exécutions sommaires et où l’armée turque bombarde sans relâche la ville de Rasal-Ain, y compris durant le cessez-le-feu. « Cette bataille a tué plus de 250 civils et jeté sur les routes 200 000 personnes », assure le journaliste, citant le Croissant rouge kurde.

Phosphore blanc

La fin de l’article décrit le calvaire d’un garçon de 13 ans, amené d’urgence à l’hôpital de Tell Tamer, « brûlé de la ceinture jusqu’au cou (photo, attention image choquante), […] tétanisé par la douleur, les yeux révulsés ». Selon son père, l’enfant se trouvait au domicile familiale, à Rasal-Ain, lorsqu’une bombe s’est abattue sur le quartier. « Toute la rue s’est enflammée, il y avait des morts et des gens en feu qui couraient partout », raconte-t-il. Le corps calciné de l’enfant soulève une question importante : la Turquie emploierait-elle des armes interdites, notamment des bombes au phosphore blanc ? Les Forces démocratiques syriennes (FDS) l’assurent, mais aucune preuve n’a été apportée à ce jour.

Dans un autre article du dossier, le magazine revient sur le pacte supposé entre Ankara et d’anciens membres d’Al-Qaeda et de Daech. Intégrés dans des « légions » de l’Armée syrienne libre (ASL), ces mercenaires se livreraient sans vergogne et dans l’impunité à des pillages, des tortures et des exécutions sommaires.

L’auteur du papier cite en exemple le groupe d’Ahrar al-Charkiya, accusé d’avoir assassiné la politicienne Kurde Hevrin Khalaf, et qui avait déjà pris part à la bataille d'Afrine 2018. En guise de remerciement, leur chef, Abou Hatem Chakra, un chef religieux passé par l’Etat islamique en Irak, a été décoré en février dernier par la Turquie « pour son rôle dans la protection des propriétés ».

jonathan grimmer lepetitjournal istanbul journaliste
Publié le 29 octobre 2019, mis à jour le 11 janvier 2021

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