Malgré les mesures prises par la Banque centrale, la chute de la livre turque ne cesse pas et bat des records historiques de niveaux les plus bas depuis plusieurs jours face au billet vert et à l'euro. Un sujet croqué par le caricaturiste Mert Dolapç?o?lu pour le journal satirique Penguen.
La livre turque (TL) dégringole, bat depuis plusieurs jours des records à la baisse et souffre aussi de la comparaison avec le dollar américain, qui a repris de la vigueur depuis l'élection de Donald Trump. La monnaie turque a perdu près de 10% de sa valeur contre le dollar depuis le début de l'année. Hier, elle a ainsi atteint son plus bas niveau historique, s'échangeant à 3,89 contre un dollar. C'est aussi la première fois qu'elle dépasse le seuil de 4,0 TL pour un euro depuis l'introduction de la nouvelle livre en 2005. Et cela malgré les mesures d'urgence prises par la Banque centrale. Un sujet préoccupant, sur les lèvres de tous les économistes turcs et sous les coups de crayons de certains caricaturistes comme Mert Dolapç?o?lu pour l'hebdomadaire satirique Penguen:
-"Je ne m'attendais pas à une telle hausse du dollar?"
-"Regardez le sujet de conversation de mon fils de 4 ans? Il me stresse?"
-"Si tu veux mon avis, selon moi, l'or est le meilleur investissement. Qu'avez-vous fait de l'or reçu à ma naissance ? L'avez-vous vendu ?"
-"Nous ne l'avons pas vendu, nous ne l'avons pas vendu? Reste calme?"
En Turquie, il est de tradition d'offrir une pièce d'or à la naissance d'un enfant. C'est à cette coutume que le jeune garçon fait ici référence. La préoccupation de ce dernier traduit l'inquiétude généralisée en Turquie, face à la chute de la monnaie nationale. Certes, la dévaluation de la livre turque ne date pas d'hier ?elle a été divisée par plus de deux depuis 2012-, mais elle s'est accélérée depuis plusieurs mois.
La livre turque, victime collatérale de la crise politique
Les attentats à répétition en 2016, la tentative de coup d'Etat de juillet, le ralentissement de l'économie, l'extension de l'état d'urgence et l'incertitude politique liée à la volonté du président turc de réformer la Constitution pour renforcer ses pouvoirs exécutifs sont autant de facteurs qui, selon les experts, pénalisent la devise.
Pour soutenir la monnaie, en décembre dernier, le président Recep Tayyip Erdo?an a exhorté ses concitoyens qui possèdent des devises étrangères à les convertir en livre turque ou en or. "Que ceux qui ont des devises étrangères sous le matelas les convertissent en or et en livres turques", a-t-il clamé lors d'un discours.
Mardi, le vice-Premier ministre Nurettin Canikli a estimé que l'économie turque était surtout visée par des "sabotages". "Il s'agit bel et bien d'une attaque. Elle n'a aucune chance de réussir", a-t-il affirmé, citant une étude de l'agence de notation Moody's, qui prévoit une importante baisse des bénéfices des banques en 2017. Le gouvernement avait déjà critiqué Moody's en septembre dernier, après son abaissement de la note de la Turquie en catégorie spéculative. Le 20 juillet, cinq jours après le putsch manqué, l'agence S&P avait elle aussi déjà abaissé la note du pays à BB, avec une perspective négative.
Les tentatives de la Banque centrale pour enrayer la chute de la devise
La Banque centrale a réagi à la chute historique de la livre turque et a tenté, mardi, d'enrayer ce phénomène en baissant le ratio de réserves de change dans les établissements bancaires du pays, afin d'injecter 1,5 milliard de dollars dans le système financier. Mais cette décision d'urgence n'a visiblement pas eu les résultats escomptés et les analystes estiment qu'elle est insuffisante. Dans son communiqué, mardi, la Banque centrale a annoncé qu'elle prendrait des mesures supplémentaires si nécessaire, afin de maintenir la stabilité des prix et la stabilité financière. Celle qui a laissé les taux en suspens le mois dernier devrait donc faire l'objet de nouvelles pressions de la part des marchés financiers avant sa prochaine réunion, le 24 janvier.
Evolution de la livre turque par rapport à l'euro ces douze derniers mois (graphique Boursorama)
En novembre dernier, la Banque centrale avait déjà tenté d'enrayer la chute de la livre turque, en relevant son taux d'intérêt de référence de 50 points de base contre les "préconisations" de Recep Tayyip Erdo?an, qui réclame régulièrement la réduction les coûts d'emprunt afin de stimuler la croissance économique. Cette augmentation du coût de l'emprunt était une première en Turquie depuis trois ans.
Evolution de la livre turque par rapport au dollar ces douze derniers mois (graphique Boursorama)
Solène Permanne (http://lepetitjournal.com/istanbul) jeudi 12 janvier 2017