Recep Tayyip Erdoğan a eu beau assurer, dimanche soir, que « les résultats montraient une fois de plus que l’AKP était de loin le premier parti du pays », il n’en reste pas moins que le président turc a essuyé un cinglant revers aux élections municipales.
Certes l’AKP a glané 44,4% des suffrages à l’échelle nationale, 51,7% si l’on ajoute les voix du MHP, le parti ultra-nationaliste turc avec qui il avait noué une alliance, les élections municipales marquent surtout la perte pour le parti au pouvoir d’Ankara et probablement d’Istanbul (le résultat n'était toujours pas officialisé lundi en début d'après-midi), acquises aux partis islamistes depuis 25 ans. Avec Antalya, Mersin et Adana (même si cette dernière était dirigée par le MHP et non l'AKP), ainsi que les villes d’Izmir et d’Eskişehir, déjà aux mains du CHP avant le scrutin, le principal parti d’opposition et son allié l’İYİ Parti contrôlent dorénavant six ou sept des douze principales villes du pays.
Vainqueur de toutes les élections depuis 2002, l’AKP paye les conséquences du marasme économique que traverse actuellement le pays, où le chômage et l’inflation – qui s’élèvent respectivement à 13,5% et environ 20% - ont atteint des niveaux records en 2018. « Erdogan doit comprendre les raisons de cette défaite et il tâchera probablement d'oeuvrer pour garantir un certain niveau de croissance économique jusqu'aux prochaines élections générales » prévues en 2023, explique le politologue Emre Erdoğan (aucun lien de parenté), cité par l’AFP.
D’ailleurs, après avoir affirmé lors d’un discours prononcé à Ankara que l'AKP corrigerait ses « faiblesses » et rappelé qu'aucune autre élection n'était prévue avant 2023, Recep Tayyip Erdoğan a déclaré que les prochaines années de son mandat seraient consacrées aux « réformes économiques », ainsi qu’au combat contre le « terrorisme ».
Deux morts dans une rixe
La campagne électorale pour les municipales aura atteint un degré de tension rarement vu dans une Turquie pourtant habituée aux violences politiques. Durant les semaines précédant les élections, le Président turc a multiplié les intimidations, menaçant de prison Meral Akşener, la dirigeante de la formation nationaliste l’İYİ Parti, accusant injustement des féministes d’avoir sifflé l’appel à la prière pendant une manifestation, ou allant même jusqu’à taxer le chef du CHP, Kemal Kiliçdaroglu, d’être « du côté des porcs » car celui-ci avait évoqué « le terrorisme issu du monde musulman ».
Cette stratégie agressive de l’homme fort de la Turquie lui a valu de nombreuses critiques, y compris de la part d’éditorialistes lui étant habituellement favorables, comme l’a relaté pour RFI Anne Andlauer, l’ancienne rédactrice en chef de lepetitjournal d’Istanbul.
Hier, des rixes ont éclaté dans plusieurs bureaux de vote à travers le pays. Au cours de l’une d’entre elles, à Matalya dans l’est de la Turquie, deux militants du Parti de la félicité (parti de tendance islamiste) ont été tués par balles. Selon son leader, Temel Karamollaoğlu, l’attaque a été menée par le neveu du candidat de l'AKP à Pötürge, une ville de la province de Malatya.