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BERTRAND BUCHWALTER, CONSUL GÉNÉRAL – “Il n’y aurait rien de pire que de revenir avec l’impression de tout connaître”

BERTRAND BUCHWALTERBERTRAND BUCHWALTER
Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 31 juillet 2020

Ancien élève du lycée français Charles de Gaulle à Ankara (1980-1983 et 1988-1991), ancien coopérant en Turquie (2000-2001) et ancien premier secrétaire à l’ambassade de France à Ankara (2005-2009), le nouveau consul général de France à Istanbul, Bertrand Buchwalter, n’a rien d’un “yabancı” (étranger) en Turquie. A l’occasion d’une soirée au palais de France, hier soir, lepetitjournal.com d’Istanbul a rencontré cet amoureux d’Istanbul, père de deux petits Franco-Turcs, nommé à une période clé pour la Turquie contemporaine.

Lepetitjournal.com d’Istanbul : Vous êtes consul général de France à Istanbul depuis septembre 2016. Connaissant votre longue histoire personnelle et professionnelle avec la Turquie, est-ce un poste que vous convoitiez depuis longtemps ? Inversement, quel est le message envoyé par la France en vous nommant, vous, à ce poste et à cette période ?

Bertrand Buchwalter : C’est le genre de poste dont je rêvais, mais je ne le convoitais pas car je n’imaginais pas pouvoir être nommé, là, maintenant. Cela s’est fait pour beaucoup de raisons, notamment parce que je connaissais le pays, un peu la langue, et que dans les circonstances actuelles, Paris a pu penser qu’il était utile d’avoir ces quelques clés pour ce poste compliqué. Certes, j’ai déjà été en poste en Turquie, j’ai même un peu grandi en Turquie. Mais il n’y aurait rien de pire que de revenir avec l’impression de tout connaître ou de tout savoir. En Turquie – et c’est aussi pour cela que j’aime ce pays –, il y a un renouvellement permanent qui exige qu’on renouvelle son regard. C’est la discipline que je m’impose : poser un regard neuf sur le pays, avec pour seule certitude que je sais ce que je ne sais pas. Mais je sais que j’aime la Turquie et cela m’aide dans mon travail quotidien.

Revenons sur vos “jeunes” années en Turquie, les souvenirs que vous en gardez, et comment cette période a influencé vos choix de carrière…

J’ai eu cette chance de grandir un peu en Turquie à des périodes différentes de mon enfance, entre deux et six ans à la fin des années 1970, puis au tout début des années 1980, puis de revenir à l’adolescence à la fin des années 1980 car mon père était en poste à l’ambassade d’Ankara. Deux périodes de quatre puis trois ans à des années très marquantes dans le développement personnel. J’ai parlé la langue très petit avec ma nourrice, que j’ai d’ailleurs retrouvée quand j’étais en poste à Ankara – je suis allé lui rendre visite près de Kastamonu, où elle vit aujourd’hui. La Turquie est un pays qui ne laisse pas indifférent et qui a marqué l’enfant que j’étais et ne m’a jamais abandonné par la suite. Lorsque j’ai commencé mes études universitaires, je ne parlais plus du tout le turc. Adolescent, je ne le parlais déjà plus à Charles de Gaulle à Ankara car il n’y avait pas, à l’époque, de cours de turc dans les lycées français. J’ai eu envie de me remettre au turc et de revenir en Turquie. J’aurais même aimé y faire un échange universitaire mais à la fin des années 1990, cela n’était pas tellement développé. Je suis revenu en tant que coopérant en 2001, à la fois en poste à l’Institut français d’études anatoliennes (IFEA) et à l’université de Marmara, dans le département francophone de sciences politiques administratives.

Quand j’étais à l’IFEA, j’aurais pu poursuivre sur une carrière de chercheur et je me suis d’ailleurs beaucoup interrogé. 2001 a été une année charnière – il y en a eu beaucoup en Turquie. En 2001, c’était la crise mais c’était aussi un moment – comme le sont les crises – de régénération intellectuelle en Turquie, de foisonnement d’énergie. J’ai beaucoup hésité à rester à Istanbul et à commencer une thèse mais finalement, je suis rentré à Paris. J’ai passé le concours du Quai d’Orsay, en choisissant comme langue le turc car mon séjour à Istanbul avait été déterminant pour atteindre le niveau requis pour le concours d’Orient. Mon premier poste en Turquie a été celui de premier secrétaire à l’ambassade de France à Ankara, de 2005 à 2009. 

Quel est votre niveau de turc aujourd’hui ? Votre épouse – turque – est-elle aussi votre “professeur particulier” ?

Il est moins bon que quand j’ai quitté la Turquie en 2009 mais j’essaie de multiplier les occasions de le parler. On ne parle pas beaucoup turc à la maison car avec mon épouse, on parle français. Mais avec nos enfants qui grandissent en Turquie et mon épouse qui leur parle turc, j’entends davantage le turc à la maison. Nous sommes très contents qu’ils puissent aussi grandir dans leur autre pays.

Parmi vos missions, la sécurité des Français est une priorité. Récemment, le consulat des Etats-Unis à Istanbul a fait évacuer les familles de son personnel. Après l’annulation des fêtes du 14 juillet cet été et les événements survenus depuis, est-ce une question qui s’est posée pour le consulat français ? qui se pose aujourd’hui ?

Non, la question ne s’est pas posée et la question ne se pose pas. Chaque pays a des protocoles différents. Les Américains ont pris cette décision sur la base d’informations qui leur étaient parvenues et qui les concernaient au premier chef. Il n’y a d’ailleurs pas eu de mouvements similaires dans la communauté expatriée américaine. C’est une décision qu’ils réévaluent tous les trente jours, comme le veut la procédure, et qu’ils vont continuer de réévaluer à la lumière de l’évolution de la situation. Ce qui est important pour nous, c’est d’avoir pu en informer la communauté française. Nous l’avons fait dès le lendemain de la diffusion de cette information par les autorités américaines. C’était aussi l’occasion de réitérer les consignes de sécurité que nous diffusons depuis un peu plus d’un an. En ce qui nous concerne, le dispositif de sécurité et le niveau d’alerte restent élevés. Il faut bien sûr, dans ce contexte, continuer d’être prudent, sans tomber dans l’anxiété ou dans la crainte généralisée.

Au-delà de ces consignes de sécurité, que dites-vous aux Français qui hésitent à venir en vacances ou à s’installer en Turquie ?

Nous avons plusieurs niveaux de vigilance pour les conseils aux voyageurs, qui vont du vert au rouge en passant par le jaune et le orange. La Turquie, sans compter la frange frontalière avec la Syrie ou le sud-est, est longtemps restée en vert. Au cours de l’été, nous l’avons fait passer en jaune. C’est un niveau de vigilance renforcé qui ne doit pas être compris, comme cela est bien indiqué sur le site du ministère des Affaires étrangères, comme un conseil de ne pas se rendre en Turquie, Il y a d’ailleurs beaucoup de pays qui sont des destinations touristiques et qui sont aussi en jaune – je pense par exemple au Brésil. Il est clair qu’il y a eu une chute de la fréquentation touristique générale en Turquie et une chute de la fréquentation des Français. Pour ceux qui souhaitent venir, rien ne s’oppose à ce qu’ils voyagent dans une grande partie de la Turquie, en prenant bien sûr les mesures de précaution et de prudence minimales que l’on prend dans de nombreux pays aujourd’hui dans le monde.

Quand il s’agit de protéger les emprises françaises, la coopération avec les Turcs est incontournable. Comment se passe-t-elle actuellement ? N’y a-t-il pas eu une désorganisation après la tentative de coup d’État de la mi-juillet ?

La Turquie a vécu cette nuit-là un traumatisme considérable et on aurait pu penser que le niveau de protection qui nous était garanti allait baisser. Cela n’a pas du tout été le cas. C’est ce qui frappe et force l’admiration. On l’a aussi vu après l’attentat majeur qui a frappé l’aéroport Atatürk [le 28 juin 2016, NLDR] : le lendemain, l’aéroport était en état de fonctionnement. S’agissant des forces de sécurité, qui ont été pour certaines en première ligne lors de la nuit du 15 au 16 juillet et dont certains membres ont payé de leur vie leur engagement pour défendre la démocratie, les choses sont revenues à la normale très rapidement. La sécurisation des emprises consulaires étrangères est du ressort du pays d’accueil, mais il n’y a jamais eu de désorganisation. Les Turcs ont toujours assumé leurs responsabilités et nous leur en sommes très reconnaissants. Cette coopération avec les autorités turques est capitale. Dans la rue Tomtom, dès le matin, les policiers turcs sont là pour sécuriser à la fois l’entrée de l’école française, mais aussi le consulat général d’Italie et le palais de Hollande.

Qu’est-ce qui est mis en place pour les Français de retour du djihad, dont on sait qu’ils sont de plus en plus nombreux à vouloir rentrer en France en passant, pour certains, par les représentations françaises en Turquie dont le consulat ? Êtes-vous amené à intervenir ?

Cette réalité-là est connue. En fonction de ce qui se passe sur le terrain en Syrie et en Irak, il peut y avoir des retours. On connaît le nombre de Français qui sont engagés sur le terrain et qui se retrouvent malheureusement dans les rangs de Daech. Il y a une réponse d’ensemble qui implique tous les acteurs de l’Etat, en France et à l’étranger – dont nous faisons partie. Dans le cadre de cette réponse globale, nos attributions sont consulaires – l’assistance que l’on doit aux Français au titre de la protection consulaire.

Parlons des relations économiques bilatérales : dans le contexte actuel particulièrement morose, l’heure est-elle encore à l’initiative, ou essaie-t-on plutôt de préserver et consolider ce qui existe ?

Il n’y a pas du tout de désengagement de la part des entreprises françaises qui ont fait depuis longtemps le choix de la Turquie. Pour toutes celles qui l’ont fait, c’est un choix gagnant. Plus d’une centaine d’entreprises françaises ont des filiales en Turquie et emploient plusieurs dizaines de milliers de Turcs. Parce qu’elles ont l’expérience, parce qu’elles sont là pour certaines depuis longtemps, elles savent qu’il y a des cycles, des hauts et des bas. Mais elles savent aussi que leur engagement dans la durée en Turquie, compte tenu de toutes les promesses que continue de receler le marché turc, est un pari gagnant sur le long terme. Sur l’ensemble de ces entreprises, il y a beaucoup de “success story” et très peu d’entreprises qui se sont retirées du marché turc.

Notre objectif est ambitieux, c’est celui que s’étaient fixé le président de la République française et son homologue turc en janvier 2014, lors d’une visite officielle en Turquie. Il est de porter nos échanges annuels à 20 milliards d’euros. Aujourd’hui, nous sommes à 12-13 milliards. Il y a eu une bonne année 2015. Nous n’avons pas encore les chiffres de l’année 2016, et elle ne sera peut-être pas forcément un aussi bon cru. Ce qui compte, c’est l’engagement dans la durée sur un marché qui est capital car il est à la croisée de beaucoup de chemins et qu’il compte 80 millions de personnes.

Certes, les grandes entreprises installées ici n’ont pas l’intention de partir. Mais concernant les petites et moyennes entreprises, pour lesquelles cela devient très dur de vendre le marché turc, y a–t-il des dispositions prêtes à être développées ?

Bien sûr, et c’est d’ailleurs la raison d’être de Business France. Il est clair que dans des conditions comme celles que nous connaissons aujourd’hui, ces entreprises doivent être convaincues. Il y a tout un travail de pédagogie qui ne revient pas qu’aux autorités françaises ou aux différents acteurs de la filiale française. C’est aussi un travail que font les autorités turques. Prenez un exemple qui n’est pas du domaine commercial au sens strict: avec l’ambassadeur, nous sommes allés récemment à la Foire d’art contemporain d’Istanbul. Cette année, en termes de présence de galeries étrangères, ce n’était pas un excellent cru et le nombre de galeries françaises était moins important que l’année dernière. Pourtant, nous étions en contact avec les trois galeries françaises présentes, et elles ont extrêmement bien vendu. Entre 50 et 60 % de ce qui a été montré a été vendu. La galerie française Lelong a vendu sa plus belle pièce le premier jour, et c’était la pièce la plus chère de la foire. Il y a donc une prime à ceux qui font le choix de la Turquie, y compris dans des circonstances qui peuvent paraître difficiles. C’est aussi aux petites et moyennes entreprises – quand beaucoup de leurs concurrents étrangers, pour des raisons objectives ou subjectives, peuvent être découragés par le marché turc – de voir qu’il y a des places à prendre sur ce marché.

Concernant le lycée français et ses problèmes anciens et bien connus – manque de place, de personnel… Là encore, dans le contexte actuel, peut-on attendre des développements ?

Nous sommes dans le temps long. Je me rappelle, adolescent, avoir assisté à la cérémonie de baptême du lycée Charles de Gaulle d’Ankara, qui ne s’appelait pas comme cela avant. A l’époque, le lycée n’était pas en gestion directe, il était géré par une association de parents d’élèves comme l’est Pierre loti, et ma mère était présidente de l’association. Elle avait ramené à la maison les plans du futur lycée Charles de Gaulle… qui finalement est sorti de terre 20 ans après. Ce sont des chantiers complexes et difficiles car ils sont au croisement de logiques juridiques, administratives, de permis de construire… Le lycée a atteint une taille critique, c’est l’un des plus grands lycées de l’AEFE  (Agence pour l’enseignement français à l’étranger) de cette partie de l’Europe du Sud. Je m’y suis rendu et nous sommes en contact régulier avec les proviseurs. Je crois qu’il est important, maintenant qu’on a atteint cette taille critique, d’améliorer l’existant et de voir comment on peut le faire. C’est aussi le rôle de l’association des parents d’élèves avec laquelle nous sommes en contact. Ce sera un travail d’assez longue haleine.

On parle beaucoup des relations Turquie-UE, Turquie-Allemagne… mais on parle peu de la relation franco-turque actuellement. Il n’y a pas eu de visite de chef d’État ou de gouvernement depuis début 2014 et les visites ministérielles ont été courtes et peu médiatisées. La France est-elle moins impliquée dans sa relation avec la Turquie que d’autres partenaires européens ?

Le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Marc Ayrault, était à Ankara il n’y a pas très longtemps et le ministre turc de l’Economie, Nihat Zeybekci, était à Paris très récemment. Les relations ne sont pas distendues. Le ministre turc de l’Economie a vu Michel Sapin et le secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur, Matthias Fekl. Il y a eu la visite de Jean-Marc Ayrault et un flot de visites de parlementaires. Il y a une relation multidimensionnelle qui reste très vivante, donc je ne partage pas ce constat du caractère distendu des relations. Il n’y a pas non plus d’indifférence de la part des différents acteurs. Regardez la richesse de la programmation culturelle, l’intensité des échanges… Le 15 décembre, j’ai souhaité qu’on organise une soirée au palais de France pour les étudiants français en échange Erasmus, notamment pour combattre ces impressions parfois infondées. Nous avons 250 étudiants français présents dans les différentes universités turques. Nous ferons aussi signe aux étudiants turcs qui reviennent d’Erasmus en France, et aux jeunes volontaires, aux VIE. Quand j’étais à Istanbul en tant que coopérant en 2001, j’ai vu le premier étudiant Erasmus à Marmara, il était seul. Je constate qu’un étudiant Erasmus, quel que soit le pays où il va en échange, est énormément marqué par ce pays. Ces 250 étudiants français ont un effet multiplicateur pour les relations franco-turques. Ces personnes, qui pour beaucoup apprennent le turc et reviendront en Turquie, seront peut-être les VIE de demain, puis les chefs d’entreprise et chefs des filiales françaises d’après-demain, ou nos directeurs de l’IFEA, nos diplomates d’après-demain…

Reste que cette année, plusieurs universités françaises ont annulé les échanges avec la Turquie…

Oui et c’est pour cela aussi que je tenais à organiser cet événement… Pour montrer que quoi que l’on en dise, les étudiants sont toujours là et fiers d’être là. La perception peut être différente à Paris ou dans les différentes universités de province qui ont fait ces choix et qui ne sont pas forcément conformes à la réalité du vécu des étudiants et de la situation sur le terrain. Je crois qu’au contraire, dans la situation actuelle, il faut augmenter ces échanges. Les décisions appartiennent aux universités mais il faut qu’elles les prennent avec le meilleur niveau d’information possible. Notre rôle est de les éclairer.

Votre prédécesseur, Muriel Domenach, avait imprimé sa marque en lançant plusieurs événements devenus des rendez-vous annuels (Soirée Seni seviyorum, Nuit du ramadan, Journée portes ouvertes, soirées gastronomie, droits des femmes)… Comment comptez-vous imprimer votre propre marque ?

Je voudrais rendre hommage à l’action de Muriel Domenach, que j’apprécie beaucoup et qui en trois ans ici a fait un travail remarquable, qui m’a laissé une superbe équipe, et qui a mis la barre très haut. C‘est un défi pour moi. Muriel Domenach a imprimé sa marque en étant à l’initiative et en allant vers tous les secteurs de la société. Je suis déterminé à poursuivre sur cette voie, à aller vers tout le monde, tous les secteurs de la société turque sans a priori. Les événements qu’elle a organisés, comme la Nuit du ramadan, ont réussi à réunir des gens d’horizons très différents qui, parfois, ne se parlent plus et ne se fréquentent plus. Elle a aussi fait un travail sur la question des femmes. Je serai dans la continuité, soucieux de faire fructifier ce précieux héritage et de continuer à marcher dans ses pas avec des rendez-vous comme la journée pâtisserie et un événement sur les femmes autour du 8 mars. J’ai voulu faire cet événement sur les étudiants Erasmus et j’espère que cela deviendra un rendez-vous un peu institutionnalisé. L’année dernière, à l’initiative de l’ambassadeur, il y a aussi eu la création du réseau des Alumni que l’on doit continuer à faire vivre. C’est un très grand réseau d’étudiants, fort d’une dizaine de milliers de personnes qui ont étudié soit en français soit en France. A l’approche de la journée internationale des droits de l’homme, le 10 décembre, il y a eu et il y aura plusieurs événements sur cette thématique, comme la projection d’un film sur la Syrie à l’Institut français ou, le 7 décembre, la projection d’un film sur les mariages forcés en Turquie qui avait eu beaucoup de succès en 2014. Nous allons également avec certains collègues étrangers, consuls généraux, organiser ce qui pourrait être un événement autour de la journée internationale des droits de l’homme.

Quand on vous dit “culture turque”… A quoi songez-vous immédiatement et quels sont vos coups de cœur du moment?

Je ne saurais par où commencer, mais commençons avec la cuisine turque – tradition très différente de la cuisine française mais avec en même temps ce goût pour ce qui est bon et pour passer du temps à table et en bonne compagnie. J’ai grandi en mangeant des börek et des köfte ! Il y a l’intemporel, comme l’œuvre de Yaşar Kemal, la poésie d’Orhan Veli et de Nâzım Hikmet. J’étais l’autre jour au concert des 50 ans de scène de Zülfü Livaneli. Il se trouve qu’un peu par hasard, j’ai grandi avec ses chansons car on partait d’Ankara pour aller à Antalya en écoutant ses chansons sur la route. Beaucoup sont adaptées de textes français mais aussi de textes de Yaşar Kemal et Nâzım Hikmet. C’était une belle soirée. Il y avait une génération entière de chanteurs turcs, que je ne connaissais pas tous d’ailleurs, qui ont chanté ses chansons. Il y a aussi la jeune littérature, avec Hakan Günday que je suis en train de lire. Cette jeune littérature turque a plein de choses à dire – je pense aussi à Ece Temelkuran ou Aslı Erdoğan. Il existe une scène et une littérature turque foisonnante et qui est bien traduite en français.

Quels sont vos endroits préférés à Istanbul et en Turquie ?

J’ai cette chance incroyable de vivre à Beyoğlu dans ce lieu chargé d’histoire. Je n’y aurais jamais pensé quand j’étais à l’IFEA.En 2001, je vivais à Cihangir comme beaucoup de Français, dans un Cihangir un peu différent d’aujourd’hui. C’est ce qui me frappe et ce à quoi je suis très sentimentalement attaché, car on est à la fois un peu perdu des années après, mais on retrouve aussi ses marques car des interstices n’ont pas changé. Cihangir reste un quartier ouvert et chamarré. J’y ai plein de souvenirs. Avec les enfants, on ne va pas forcément très loin mais j’ai une affection particulière pour la mosquée Rüstem Paşa près du Bazar égyptien, pour le mausolée d'Eyüp et pour des quartiers comme Kuzguncuk et Kanlıca. Et les îles des Princes, bien sûr. On arrive déjà à s’extraire de la ville en montant dans le vapur et quand on arrive sur les îles, on est ailleurs.

En Turquie, j’aime beaucoup d’endroits. Je fais partie de ceux qui apprécient Ankara pour les bons souvenirs que j’y ai et parce que c’est une ville assez agréable à vivre avec de beaux parcs. Mais s’il fallait choisir, je retiendrais la péninsule de Datça.


Soirée du 6 décembre 2016 au Palais de France
 

Propos recueillis par Anne Andlauer et Eric Taver (http://lepetitjournal.com/istanbul) mercredi 7 décembre 2016

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Publié le 6 décembre 2016, mis à jour le 31 juillet 2020

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