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“Les derniers oiseaux” sont passés par la prison T Tipi d'Ümraniye

Les derniers oiseaux T Tipi d'ÜmraniyeLes derniers oiseaux T Tipi d'Ümraniye
Photo NR
Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 7 février 2016, mis à jour le 21 mars 2018

A quatre reprises durant la dernière semaine du mois de janvier 2016, la pièce de théâtre “Les derniers oiseaux” - “Son Kuşlar” - adaptée de l'œuvre du même nom écrite par Sait Faik Abasyanık, adaptée par F. Aylın Tez et réalisée par Turgay Tanülkü, a été jouée devant les détenus de la prison-modèle T Tipi d'Ümraniye à Istanbul, réputée notamment pour les pièces montées et présentées sur place depuis plusieurs années par des prisonniers ainsi que pour ses différentes activités culturelles

Le rôle principal est tenu par le célèbre acteur de cinéma, de feuilletons télévisés et de théâtre Turgay Tanülkü, qui a lui-même été derrière les barreaux en 1970 à la prison Ulucanlar à Ankara, passage dont il parle lorsqu'il s'adresse à son public avant le début de la pièce : “J'avais un espoir ; si un jour je deviens acteur de théâtre, je reviendrai en prison.”

 

Cette pièce très humaniste évoque de façon simple mais juste et percutante la vie mais surtout les états d'âme des détenus dans les années 70-80, la nostalgie de la vie extérieure lorsqu'on est emprisonné : le printemps et l'odeur des fleurs, l'automne en voyant tomber les feuilles mortes, la neige, les chants des oiseaux, l'odeur et la chaleur du thé et du café, les odeurs, celles de ceux des êtres aimés lorsqu'ils repartent, tout ce qui était familier avant... et qui manque après...

“Les derniers oiseaux” est un projet social et culturel d'une durée de trois ans réalisé en collaboration entre la Direction Générale des Théâtres Publics et celle des Maisons d'Arrêt et de Détention. Il a permis depuis 2015 de présenter cette pièce à 60.000 prisonniers dans 75 prisons turques de 25 villes de Turquie. 

La première représentation a eu lieu le 14 février 2015 dans la prison Sincan à Ankara. Depuis, toutes les semaines, la troupe se rend dans une autre maison d'arrêt et la représentation du 29 janvier à Ümraniye a été la 155ème.

Une prison “ouverte”

En novembre dernier, la pièce a été présentée aux femmes détenues dans la prison de Bakırköy à İstanbul, où se trouvent notamment 225 étrangères originaires de 52 pays différents. A l'heure actuelle, en plus d'activités sportives et socioculturelles – telles que la gymnastique, le basketball, le badminton, la danse folklorique, la miniature, le papier marbré, le théâtre, etc. –  18 cours de formation professionnelle (aide-cuisine, plonge, coiffure, soins du corps et maquillage, graphisme et projet assisté sur ordinateur, comptabilité informatique…)  sont dispensés dans cet établissement pénitentiaire. Chaque personne, lorsqu'elle sort de prison, est munie d'un certificat qui lui permet de trouver facilement du travail. De même, des cours de turc pour les étrangers et des cours d'anglais sont proposés.

Mi-janvier 2016, c'est à la prison “ouverte” de Maltepe à Istanbul que “Les Derniers Oiseaux” ont été présentés durant quatre jours aux détenus. Cet établissement qui figure parmi les 54 prisons de ce type en Turquie – dont une pour femmes à Bozkurt/Denizli – constitue une transition et un tremplin important d'adaptation et de réinsertion entre les maisons pénitentiaires classiques dites fermées, et le retour à une vie normale et active pour les détenus ayant reçu une condamnation maximale de cinq ans.

Sur place, la vie quotidienne des prisonniers se déroule dans un univers semi-ouvert sans barreaux. Ils travaillent dans un des ateliers de literie, de ferronnerie, d'entretien et de lavage de véhicules, de construction et de peinture, au lavomatique, à la boulangerie, en cuisine, au laboratoire photo... ou encore à l'extérieur, comme par exemple dans le magasin situé dans l'enceinte du palais de justice de Kartal.

La liberté par le théâtre

Ce système repose sur la confiance et le travail des détenus, leur donne une formation et constitue pour eux une chance de se reconstruire : une solution efficace, tant socialement qu'économiquement qui mériterait d'être plus développée en Europe.

Quant à la prison T Tipi d'Ümraniye, c'est la seule prison en Turquie à monter et présenter des pièces de théâtre avec des détenus. En février 2011, 25 prisonniers y ont présenté la pièce “Duvarların Dili” écrite et réalisée par le détenu Hakan Metin Mercan, après adaptation du court-métrage “Anı Yaşamak”, prix spécial du jury au festival du film d'Izmir.

“Bana bir şeyhler oluyor”, autre pièce écrite par le réalisateur turc Yılmaz Erdoğan a été présentée par des détenus de la prison d'Ümraniye en décembre 2012. En janvier et février 2015 a été présentée la comédie musicale en deux actes de Sinan Bayraktar “Definename”, réalisée par Mihriban Çumralı, Gonca Cilasun et Duygu Urgan.

En guise de conclusion sur les oiseaux privés d'ailes et auxquels on réapprend à voler en Turquie à travers le travail mais aussi les arts et en particulier le théâtre, le club de théâtre de la prison T Tipi d'Ümraniye prépare avec l'actrice et réalisatrice Pınar Gordie une adaptation du roman “Pirinç Hanı” d'Özkan İrman, qui sera présentée dans les tous prochains mois.

Nathalie Ritzmann (www.lepetitjournal.com/Istanbul) lundi 8 février 2016

 

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