Depuis le 18 septembre 2019, et jusqu’au 5 janvier prochain, Picasso est l’invité de marque du Centre d’art Arkas, installé depuis huit ans dans la partie donnant sur la mer du superbe bâtiment historique du Consulat Honoraire de France à Izmir.
Pas moins de 62 oeuvres, prêtées essentiellement par le Musée national Picasso-Paris dans le cadre de l'exposition Picasso - Les arts du spectacle, ont pris place sur deux étages.
Les supports des oeuvres présentées sont variés : peintures bien sûr, mais aussi costumes, décors de scène, lithographies, dessins, linoléum imprimé, ainsi que des notes et textes rédigés de sa main, des photos témoignant de son goût pour le déguisement ou encore des projections de ballets pour lesquels il a travaillé.
Picasso porte un intérêt particulier aux spectacles, tant à la corrida dès son enfance, qu’au cirque, au ballet, au théâtre et à la mise en scène...de lui-même aussi. Jean-Luc Maeso, commissaire de l’exposition, a souhaité réaliser une exposition différente de celles habituellement présentées concernant le maître du cubisme. Elle permet au public de découvrir un Picasso que beaucoup ne soupçonnent guère. « On fait la connaissance d’un Picasso émouvant, parfois facétieux, mais aussi magnifique dans le cadre de son important travail avec les Ballets Russes. En particulier, Parade, composé en 1917 par Jean Cocteau et Erik Satie, qui n’a pas seulement révolutionné l’esthétique du ballet mais l’art dans son ensemble… Dans les costumes de Parade, l’artiste mêle la période cubiste, celle dite rose, et le côté très classique », explique le commissaire.
Outre lesdits costumes, Picasso a également conçu les décors de Parade ainsi que le rideau de scène dont une reproduction est présentée à Izmir, l’original étant exposé au musée Pompidou à Paris. En outre, l’artiste a introduit dans le ballet les Managers, des personnages géants, une touche de fantaisie bien particulière !
Dans la salle de la corrida est notamment exposée sa fameuse tête de taureau créée à partir d'un bout de guidon et d'une selle de bicyclette ramassée sur un trottoir. A son grand ami torero Luis Miguel Dominguín, Picasso disait que s’il n’avait pas été peintre, il aurait aimé être torero…
Pablo Picasso, Corrida la mort du torero, huile sur bois, Musée national Picasso-Paris - Exposition "Picasso Les arts du spectacle", Centre d'art Arkas Izmir
Avant de poursuivre la visite à l’étage supérieur, une grande photographie accrochée en haut de l’escalier évoque la répétition de la farce surréaliste appelée Le désir attrapé par la queue que Picasso aurait, dit-on, écrite en quatre jours et qui évoque les sévices et privations de l’Occupation. La lecture-spectacle est assurée le 19 mars 1944 au domicile parisien de Louise et Michel Leiris par la galaxie du peintre, composée entre autres de Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre, le couple Leiris, Raymond Queneau et Dora Maar. Cette pièce sera présentée pour de vrai des années plus tard par le musée des Invalides et même adaptée pour la télévision en 1988.
Une série de photos exposée à Izmir illustre le goût de Picasso pour se mettre en scène et se déguiser : avec une tête de masque, dans un photomontage en infante Felipe Próspero, en « homme au mouton » avec de la terre sur le visage, etc.
Une salle est consacrée à Tricorne, autre collaboration de l’artiste avec les Ballets Russes où l’on admire les extraordinaires costumes issus de la collection de l’Opéra national de Paris, les maquettes consacrées à la réalisation desdits costumes ainsi que des extraits du ballet projetés dans la pièce voisine.
Une autre salle accueille des oeuvres composées pour Pulcinella et Mercure, deux ballets pour lesquels Picasso a également créé décors, costumes, voire rideau de scène pour le second. Ainsi qu’à Cuadro Flamenco, une suite de danses andalouses des Ballets Russes également décorées et habillées par le maître.
La galaxie Picasso a droit à une salle entière. Dora Maar, la muse de l’artiste, y est au centre, sur le tableau Portrait de femme au chapeau bleu avec à sa droite des oeuvres évoquant sa relation amicale, faite de hauts et de bas, avec Jean Cocteau qui durera jusqu’à la mort du poète aux multiples talents. A gauche, les visiteurs découvrent l’artiste espagnol Julio Gonzáles qui a appris la sculpture à Picasso.
La file d'attente à l'extérieur du centre d’art Arkas donne le ton... Plus de 45 000 visiteurs de tous âges et de tous horizons ont déjà rendu visite à Pablo Picasso. Afin de pouvoir profiter dans des conditions optimales de cette présentation exceptionnelle montée dans le cadre du projet Picasso Méditerranée initié par le Musée national Picasso de Paris pour une durée de 3 ans et qui s’achève en février prochain, seules 60 personnes peuvent franchir le seuil toutes les 40 mn.
Des ateliers spécifiques sont organisés en parallèle pour les enfants de 5 à 10 ans avec visite guidée préalable de l’exposition puis travaux créatifs de dessins et de peinture.
Après avoir fait plus ample connaissance avec le monde de Picasso, une visite s’impose à deux pas de là. En effet, l'Institut français d'Izmir présente, en écho à cet événement culturel de taille, une oeuvre conçue pour l'occasion par l'artiste Bernard Pras.
Cinq jours de travail ont été nécessaires au plasticien français aidé de deux étudiants turcs pour créer Dora, une composition originale inspirée d’un des célèbres portraits de Picasso et réalisée à partir d’objets du quotidien trouvés dans les marchés aux puces et au bazar d’Izmir.
Par le passé, Picasso a été mis à l’honneur par le musée Sakip Sabancı d’Istanbul de fin novembre 2005 à fin mars 2006 lors d’une exposition intitulée Picasso à Istanbul grâce aux prêts de la collection privée du petit-fils de l’artiste préservée par la Fondation Almine et Bernard Ruiz-Picasso pour l’Art à Bruxelles.
Picasso et la scène, Centre d’art Arkas d’Izmir - visible jusqu’au 5 janvier 2020, les mardis, mercredis et vendredis de 10 h à 18 h, les jeudis, samedis et dimanches jusqu'à 20 h - entrée libre
Ateliers pour les enfants : samedi de 10 h à 11 h (5-7 ans) et 11 h 30 - 12 h 30 (8-10 ans)
http://www.arkassanatmerkezi.com/Fr/
“Dora” de Bernard Pras - Institut Français d’Izmir - visible jusqu’au 31 décembre 2019 du lundi au samedi de 10 h à 18 h - entrée libre
https://www.ifturquie.org/fr/izmir/
Article à retrouver sur le blog de Nathalie Ritzmann.