

Sotigui Kouyaté a présenté Little Sénégal lors du Festival du Film francophone d'Athènes. Aux allures de documentaire, ce film retrace l'histoire d'Alloune, sage africain qui part à la recherche de ces ancêtres jusqu'en Amérique, dans un quartier de Harlem. Rencontre avec Sotigui qui incarne le personnage principal du film
Sotigui Kouyaté (Photo LPJ Athènes)
LPJ : Vous êtes un grand acteur africain reconnu par l'Occident, vous avez été footballeur professionnel, mais vous dites être, avant tout, "griot", qu'est-ce que cela signifie ?
SK : On ne devient pas griot, on est griot. Cela fait partie de moi, c'est ce que je suis, mon être. Il y a une très grande méconnaissance du griot en Occident. On est griot de père en fils, et je tiens à souligner que c'est un métier à part entière comme les forgerons ou les boulangers. Lorsque les colons sont arrivés chez nous, en voyant les griots, ils les ont traités de paresseux, de bavards et leur ont reprochés de vivre aux crochets des autres. Il n'ont pas compris que l'outil de travail du griot, c'est sa parole. En Afrique, il n'y a pas d'écrits alors le griot fait office de mémoire collective. De tout temps, ils ont été les conseillers des rois et ils sont également les maîtres de toutes les cérémonies qui rythment la vie d'une communauté.
LPJ : Vous habitez Paris, comment est-on griot à Paris ?
SK : Tout d'abord je n'ai pas coupé les ponts avec l'Afrique, j'y retourne très régulièrement. Ensuite, je transmets à mes enfants leur histoire et celle de leur peuple. C'est très important d'avoir des racines. Une phrase dit "les jours où tu ne sais plus où tu vas, souviens-toi d'où tu viens, et tu ne seras jamais perdu."
LPJ : Le thème de Little Sénégal semble vous avoir été destiné. Quelle a été votre réaction à la lecture du scénario de Rachid Boucharef ?
SK : Nous avons eu deux rencontres avec Bouchareb avant le tournage. Il a adapté le scénario à mes remarques, en tout cas à celles qui lui semblait justes. J'ai ensuite volontiers accepté ce travail.
LPJ : La condition des Africains et Afro-américains est-elle celle décrite dans le film ?
SK : Ce film est important pour moi en plusieurs aspects. J'ai parfois rencontré en Afrique, des afro américains à la recherche de leurs origines. Mais je n'avais jamais vu, le phénomène inverse, c'est à dire quelqu'un partant d'Afrique pour aller en Amérique sur les traces de ses ancêtres. Ce point de vue est original. Par ailleurs, ce film dénonce les problèmes d'intégration entre noirs et noirs. Il montre la part de responsabilités de chacun. Les afro-américains aux Etats Unis portent une double blessure. D'abord, ils ne sont pas réellement intégrés, ils sont juste acceptés. Ensuite, ils sont confrontés aujourd'hui à l'arrivée, en Amérique, des Africains, qui leur prennent leur travail car ils travaillent au noir. Cela crée une tension qui va jusqu'à la haine et génère de la violence.
LPJ : Est ce le cas en France ?
SK : Ce n'est pas la même chose en France, il y a des violences entre noirs et blancs mais pas entre noirs et noirs ou très peu . Little Senegal touche à tous ces problèmes et tente, par la sensibilisation, de créer une ouverture entre ces deux communautés.
Propos recueillis par Delphine Millet Prifti (LPJ Athènes) 7 avril 2006


































