Édition internationale

INGRID BETANCOURT – Le jeu de la vérité


L'ex-otage des Farc, Ingrid Betancourt, sort de son silence. Avant la sortie de son livre-confession, la Franco-colombienne a voulu exposer sa version des faits suite à la polémique sur sa demande d'indemnisation et sur ses six ans retenue captive dans la jungle colombienne


Alors que 83% des Colombiens avaient une image favorable d'Ingrid Betancourt (AFP) lors de sa libération il y a deux ans, après six ans passés aux mains de la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), ils ne sont aujourd'hui plus que 13% à partager cette opinion. La raison de ce soudain désamour ? "L'ingratitude" de l'ancienne otage envers le gouvernement colombien qui a permis sa libération. Une polémique a enflé depuis que l'ancienne candidate à la présidentielle de 2002 aurait demandé une indemnisation de 12,5 millions de pesos colombiens, soit 5,2 millions d'euros, à Bogota, qui a vécu cette exigence comme un "coup de poignard".

La vérité selon Ingrid
"Mes anciens compagnons de détention (...) m'ont sollicitée pour engager avec eux une procédure de conciliation auprès des organismes chargés de la sécurité des citoyens. C'est une procédure nouvelle qui (...) pouvait faire jurisprudence et aider d'autres personnes ensuite", insiste Ingrid Betancourt dans une interview exclusive au Parisien- Aujourd'hui en France. "Le simple fait qu'on puisse dire ou penser 'elle attaque ceux qui l'ont sauvée' m'a paru insupportable. J'ai préféré tout stopper", ajoute-t-elle en répétant : "Il ne s'agissait pas d'une affaire de gros sous". Ingrid comptait en effet utiliser cette somme pour alimenter les fonds de sa fondation d'aide aux otages encore aux mains des Farc et d'autres groupuscules. Par peur d'une nouvelle mésinterprétation de ses actes, l'ancienne sénatrice colombienne a préféré refuser la généreuse offre d'indemnisation de Paris. "Dès lors que je renonçais à toute réclamation en Colombie, je n'allais pas accepter de réparations" de l'Etat français, déclare-t-elle.

En proie aux polémiques
Ce n'est pas la première fois que le symbole de la lutte contre la guérilla colombienne fait l'objet d'un scandale. Portée en héroïne des temps modernes à sa sortie en juillet 2008 de la jungle sud-américaine, les révélations successives de ses ex-compagnons d'infortune ont vite entaché sa réputation. Le livre de son ancienne collaboratrice, Clara Rojas, Captive (Plon), avait mis en cause l'attitude infernale de Sainte Ingrid dans le camp et révélé ainsi au grand jour sa part d'ombre. "Oui, il y a eu des moments très difficile entre les otages. Mais c'est parce que nous étions plein de tout ce que la guérilla nous distillait. Pour les Farc, il était important qu'il y ait une désunion entre les prisonniers, une confrontation interne, pour éviter tout risque de révolte ou de fugue collective", se défend-elle. Quant aux ragots, selon lesquels, c'est à cause de son imprudence qu'elle aurait été capturée par les Farc, elle rétorque : "les hommes politiques précédents ont une part de responsabilité dans ce qui m'est arrivé". Ingrid Bettencourt, qui fermait "ses écoutilles" à tous ces mensonges qui l'atteignent profondément, promet d'en dire plus sur ses six ans de détention dans un livre qui paraîtra le 21 septembre prochain : Même le silence a une fin (Gallimard).   

Un retour à la vie "normale" ?

Après deux années d'un relatif silence médiatique, Ingrid Betancourt ne souhaite pas vraiment revenir dans la lumière. En tout cas pas avec la politique : "Je n'y pense pas une seule seconde, c'est exclu." Son plus beau cadeau reste les moments de complicité retrouvés avec ses deux enfants : Lorenzo et Mélanie. Sa fille vivant aux Etats-Unis, Ingrid Betancourt fait des allers-retours entre la France et la patrie de l'Oncle Sam. Cela lui convient bien : "Pendant six ans aux mains des Farc, j'ai eu une existence de nomade, au gré des déplacements continuels de camp en camp. J'ai encore du mal à m'ancrer quelque part." D'autant plus que les Farc l'ont toujours dans leur ligne de mire et la qualifient d'"objectif militaire". "Volontairement, je suis toujours en transit", avoue l'ancienne femme forte de Colombie. Les menaces de mort ne sont pas le seul stress post-traumatique auquel la femme de 49 ans doit faire face. La culpabilité la ronge également : " Je me sens coupable d'être vivante et libre alors que tant d'autres meurent dans l'oubli.". Son nouveau combat passera donc par sa fondation et par la médiatisation de la situation des otages à travers le monde, meilleur moyen selon elle de les protéger.
Damien Bouhours (www.lepetitjournal.com) vendredi 30 juillet 2010

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