Senthil a créé l’Institut français Le Triomphe, voilà 23 ans et il en est à la fois le directeur et un des enseignants.


Premiers pas dans l’apprentissage du français
À la fin de ses études, Senthil Nathan a cherché du travail et sa tante lui a conseillé d’apprendre le français pour se rendre ensuite en France, rejoindre son oncle marié à une Française. Il pourrait ainsi trouver une situation professionnelle qui lui donnerait « une vie plus belle » que ce qui l’attendait en Inde.
À l’époque, Pondichéry ressemblait encore à une petite ville de province française et beaucoup de Français venaient y passer plusieurs mois chaque année, tout le monde se connaissait. Donc, rien d’exceptionnel à imaginer pour quelqu’un de bilingue que de partir faire carrière en France.
Le père de Senthil travaillait alors comme fonctionnaire dans une banque de Pondichéry et sa mère s’occupait du foyer.
Senthil a donc suivi les conseils de sa tante et prit des cours particuliers avec un professeur du lycée français. Lorsque celui-ci a pris sa retraite, Senthil se sentait prêt à intégrer l’Alliance française.
La langue française, une conquête difficile à faire
« J’étais nul, parce que pas suffisamment talentueux pour suivre l’enseignement dispensé à l’Alliance. »
Au bout de quelques années passées à l’Alliance, Senthil constate que ses acquisitions dans la langue française restent médiocres. Les méthodes d’enseignement, ou le cadre, ne lui convenaient sans doute pas.
À la même période, dans la même rue, un professeur de l’Alliance, Victor, ouvre un cours de soutien dans l’apprentissage du français. Il y accueille une vingtaine d’étudiants.
Senthil, pugnace, rejoint le cours et il s’opère alors pour lui une sorte de déclic : l’apprentissage de la langue française sur le mode de la conversation, peut être de façon plus personnalisée, calé à du vocabulaire de la vie quotidienne, prend enfin sens pour lui. Il réussit à parler avec aisance et à maîtriser les formes grammaticales et la conjugaison.
Après plusieurs mois, il peut passer ses certifications avec succès et réussit l’examen du DELF B2 (Diplôme d’Études en Langue Française), à l’Alliance française, seule habilitée à faire passer ces certifications et diplômes.
Diplôme en poche, Senthil cherche du travail et entre comme serveur dans un restaurant très fréquenté par les Français. Il se souvient qu’il n’était « pas très bon dans son emploi », peut-être pas très motivé non plus et lorsque régulièrement il revient chez ses parents, il aide son père, alors à la retraite, avec plus d’entrain dans ses activités agricoles.
Une orientation professionnelle inimaginable.
Victor, que Senthil reconnaît comme un maître et dont il dit qu’il est son mentor, a l’opportunité de partir en France pour poursuivre sa vie professionnelle.
Il cherche alors quelqu’un pour prendre en charge les 20 étudiants envers qui il est engagé. Il souhaite que Senthil prenne le relais après son départ. Il a sans doute repéré chez lui à la fois la capacité à perpétuer sa méthode d’apprentissage et des compétences pédagogiques. Pendant un temps de transition, Senthil travaille comme professeur avec le soutien de Victor, puis la passation se fait et Senthil devient responsable de l’apprentissage de la vingtaine d’étudiants.
« Par la suite, j’ai compris que tous les étudiants ne peuvent pas comprendre et suivre les manuels de l’Alliance française, c’est pourquoi j’ai inventé une forme d’apprentissage différente, plus adaptée. ».
Senthil a utilisé sa propre expérience, pour offrir à des étudiants pour qui le système d’apprentissage de l’Alliance française ne correspond pas, une proposition pédagogique spécifique. Il a écrit deux manuels de français qui illustrent sa méthode.

C’est ainsi que naît l’Institut Le Triomphe et que l’éventail des possibilités d’apprentissage du français à Pondichéry, s’enrichit.
Comme l’exprimait Laurent Jalicoux, actuel directeur de l’Alliance française au Petit Journal voilà quelques mois, «il existe plusieurs institutions privées pour l’apprentissage de la langue française à Pondichéry, c’est un marché concurrentiel sain».
Comment fonctionne cet institut pour d’apprentissage du français?
« Nous recevons plus de 200 élèves par an, sur des sessions de cinq mois. Nous donnons des cours du niveau DELF A1 et A2, jusqu’au niveau B1. La méthode que nous utilisons est adaptée aux étudiants, elle leur permet de communiquer en peu de temps, avec un bagage minimum de vocabulaire français. En trois mois ils acquièrent le niveau A1 »
L’Institut reçoit des élèves à partir de douze ans sans limites d’âge. Les plus jeunes sont inscrits par leurs parents afin de renforcer leurs compétences en français et d’obtenir de meilleures notes à l’école. Ils apprennent très vite.
Des stages sont organisés, pendant les vacances scolaires pour des enfants plus jeunes. Ce qui est un investissement sur l’avenir, selon Senthil « avec les années nous avons gagné la confiance des parents et du public ».
Pour rappel, en dehors de l’anglais, le français est la première langue étrangère enseignée, environ 700000 personnes apprennent le français en Inde.
L’Institut fonctionne avec 4 classes d’environ 15 élèves chacune, ce qui permet à tous de s’exprimer et de dialoguer en français. Cinq professeurs accompagnent ces étudiants, trois pour les débutants et deux pour les cours « avancés », à savoir Senthil et Keerthana qui nous accueillent. L’épouse de Senthil assure le secrétariat et la comptabilité.

La particularité à laquelle tient Senthil c’est que les professeurs, même entre eux, discutent en français et que les élèves débutants peuvent ainsi entendre sonner la prononciation de cette langue. Dès les premières heures de cours, ils sont invités à répondre et poser des questions en français. Ainsi, rapidement ils possèdent un petit bagage de vocabulaire qu’ils peuvent déjà utiliser à l’extérieur, dans la vie courante et dans leur travail avec des clients francophones. L’écrit vient assez vite dans les apprentissages, la grammaire et la conjugaison suivent dans un second temps.
Par ailleurs le dimanche, pour les étudiants de niveau avancé, des extraits de films ou vidéos en tamoul, ou français sont projetés. L’objectif est de les faire discuter, d’exercer leur aisance dans la langue et d’utiliser plus de vocabulaire.
Selon Senthil un atout important c’est que les enseignants sont trilingues : tamoul, anglais, français. Ils peuvent donner des explications dans les trois langues, à tous les étudiants indiens quelle que soit leur État d’origine.
La cotisation est de 1700 roupies par mois, soit pour cinq mois d’étude du niveau débutant au niveau A2, 8500 roupies, soit 85 euros.
Qui sont les étudiants qui viennent à l’Institut ?
À l’Institut Le triomphe, beaucoup d’étudiants travaillent dans des entreprises françaises de Bangalore, certains, conscients de leurs lacunes en français, viennent « pour être guidés ». D’autres sont étudiants à l’université et souhaitent poursuivre des études supérieures en France après leur licence, bien sûr certains jeunes souhaitent travailler dans le tourisme et d’autres ambitionnent de devenir professeurs de français.
Selon Senthil, le ratio (nombre d’élèves souhaitant apprendre le français et nombre de professeurs de français compétents), est cruellement déséquilibré. Il manque des professeurs.

Il n’existe pas de formation de professeurs d’enseignement de langues étrangères en Inde, certains professeurs enseignent le français avec un niveau Delf A2. Dans le meilleur des cas, les professeurs ont suivi des cours à l’université dans le département d’étude du français, mais une grande majorité d’entre eux se forme sur le tas.
« Nous sommes en lien avec un réseau d’entreprises françaises à Chennai et Bangalore, qui régulièrement me contactent pour proposer du travail à nos étudiants, sur internet pour de la vente en ligne, les suivis de commandes. Ces potentiels emplois, améliorent de façon substantielle leur qualité de vie et leurs espoirs, puisqu’ils sont beaucoup mieux rémunérés, de l’ordre de 30000 roupies par mois. »
Environ 1000 entreprises françaises sont présentes en Inde et emploient près de 350000 salariés indiens, parmi celles-ci, des salariés sont encouragés à apprendre le français pour les besoins de leur poste.
Les étudiants de Senthil s’ils le souhaitent, peuvent être préparés aux examens du DELF A1 et A2, jusqu’au Niveau B1, tous ne cherchent pas à obtenir une reconnaissance de leurs compétences, sanctionnée par un diplôme français. Le diplôme délivré par l’Institut, reconnu en Inde et à l’international peut être suffisant, sans avoir à payer l’inscription au DELF.
Pourquoi avoir choisi le nom d’Institut Le triomphe ?
« Le triomphe parce que c’est un synonyme de succès. Nous avons des étudiants qui maintenant travaillent en France et reviennent pour dire merci. Ils gagnent un bon salaire et ils viennent dire que leur vie a changé grâce à l’enseignement reçu à l’Institut» .
Le Petit Journal remercie chaleureusement Senthil pour sa gentillesse et sa disponibilité, Colette sa bonne fée française pour nous avoir mis en relation et Keerthana pour son aide et nous lui souhaitons bonne chance dans ses études universitaires.

Sur le même sujet













