En 2018, 230 millions de jeunes étudiaient hors de leur pays d’origine. Quid de ces étudiants internationaux et de leur mobilité en période de confinement et fermeture des frontières ? Derrière une problématique académique, puis sociétale se cache aussi le juteux marché des frais d’inscription des étudiants internationaux et les retombées économiques pour les pays d’accueil. La COVID, bien plus qu’une simple crise sanitaire, menace à présent d’ébranler également le secteur de l’éducation supérieure.
L’Inde, un acteur clé du marché
L’Inde, qui envoie 330 000 étudiants à l’étranger chaque année est scrutée par tous : il s’agit d’un marché prioritaire pour nombre d’institutions, dans tous les pays. C’est le deuxième pays le plus dynamique en terme de mobilité étudiante après la Chine.
Prenons l’exemple des Indiens venant étudier en France. Au nombre de 3 000 en 2018, la France ambitionnait d’en recevoir 10 000 en 2020 (education.newstank.fr), selon le cadre fixé par Campus France.
Déjà en 2014, un rapport du gouvernement (Campus France) notifiait l’apport économique des étudiants étrangers en France. Citons cette note : “Alors que le coût des étudiants étrangers pour le budget de l’Etat peut être évalué à 3 milliards d’euros environ, l’apport des étudiants à notre économie se monte à 4,65 milliards d’euros dont : 3 250 millions € en consommation quotidienne de biens et services, 563 millions € en frais d’inscription et de scolarité, 364 millions € en dépenses de transport aérien auprès d’opérateurs français.”
Les diplômés, une fois rentrés chez eux, viendront également grossir les rangs du réseau France Alumni qui densifie les réseaux économiques français à l’étranger, travaillant main dans la main avec le réseau des chambres de commerce françaises à l’étranger. France Alumni a été créé par le ministère des Affaires étrangères et Campus France, comme une plateforme internationale, cosmopolite, offrant un réseau aux alumnis ayant étudié en France afin de densifier les réseaux d’affaires.
Les conséquences de l’arrêt de la mobilité
L’arrêt temporaire des mobilités étudiantes va ainsi fragiliser l’économie française et le système universitaire. Car, si l’université française est peu onéreuse pour les Français, les étudiants étrangers paient quant à eux des frais de scolarité plus conséquents. Depuis 2019, ils sont passés à 2 770 euros au lieu de 170 euros pour une année de licence et à 3 770 euros à la place de 243 euros pour un master. Ceux-ci sont destinés à renflouer les caisses de l’université et permettre d’assurer plus de bourses pour les plus précaires. Le Premier Ministre a défendu cette réforme, vivement critiquée, pour "faire financer les bourses des moins fortunés et des plus méritants en faisant payer les étudiants étrangers qui en ont les moyens".
Encore une fois, un effet domino peut en résulter : les conséquences de la COVID sur l’ouverture de l’espace Schengen pour septembre et les modalités de cours en université entraîneront-elles une forte baisse d’étudiants étrangers ? Un manque à gagner ? Moins d’argent à redistribuer ? Et une politique de bourses réduites pour 2021 ?
La réponse des universités
Les universités s’adaptent à la crise, avec plus ou moins de réactivité.
Voici les principaux défis auxquels elles font face :
Certaines n’hésitent pas à puiser dans leurs ressources, pour maintenir les bourses et aider les étudiants en détresse pour parer à l’urgence. Les salariés du comité de direction de l’université australienne La Trobe n’ont pas hésité à amputer leurs salaires de 20% et à puiser dans les bénéfices de l’université pour créer un fond d’urgence et soutenir leurs étudiants les plus fragiles, ceux notamment qui ne pouvaient plus exercer de petits boulots et se retrouvaient sans revenus.
La résistance s’organise également pour les rentrées futures. Si l’annulation de la rentrée d’avril, en Nouvelle Zélande, USA et Canada a surpris tout le monde par sa rapidité, la rentrée de juillet en Australie s’organise. Le premier semestre se fera intégralement en ligne avant que les étudiants ne puissent rejoindre le campus en janvier 2021. Transférer l’intégralité des cours et examens en ligne n’est pas de tout repos : il s’agit de repenser les travaux pratiques, de sécuriser les plateformes et de s’assurer de la fiabilité des examens.
En effet, l’accueil des étudiants internationaux, même différé ou en ligne, est crucial pour les établissements. En Ontario, province bilingue du Canada, la Francophonie subventionne certains programmes si la parité franco/anglaise est respectée. Une nouvelle donne mondiale de mobilité pourrait gravement affecter ces établissements, qui verraient leur offre de formation se modifier ou leurs tarifs augmenter. Au Québec également, certains CEGEP (un CEGEP est un établissement d’éducation supérieure au Québec) remplissent leurs classes avec 80% d’étrangers : la mobilité stoppée, cela conduirait à fermer certaines classes, ce qui aurait aussi un impact pour les Québécois et leur secteur de l’emploi : c’est l’effet domino dévastateur et pernicieux de cette mobilité bloquée.
Le secteur, chamboulé, voit aussi de nouvelles normes et de nouveaux acteurs surgir. Par exemple, les étudiants, pour accéder à une université étrangère doivent justifier de leur niveau d’anglais. Généralement, ils passaient un test IELTS ou TOEFL dans un centre accrédité. Suite à la fermeture de ces centres, TOEFL a par exemple, après environ 5 semaines, créé une édition à domicile. Duolinguo, dont les tests d’anglais en ligne n’étaient pas reconnus par les institutions vient de faire son entrée dans la cour des grands : seul test à pouvoir se passer en ligne les premières semaines, les écoles l’ont massivement homologué.
Qu’en pensent les étudiants ?
Si certains étudiants internationaux voient la possibilité d’obtenir un diplôme prestigieux étranger tout en restant chez eux, la majorité recherchant avant tout l’expérience que représente la vie à l'étranger ne sont pas intéressés par les cours en ligne. La majorité préfère décaler leur rentrée scolaire à 2021.
Les étudiants souhaitent en effet s’intégrer dans un pays, en vue d’y travailler. Se pose alors la question des visas « Stay Back » : certains pays, comme la France, l’Australie, le Royaume Uni, permettent aux étudiants qui obtiennent leur master sur le territoire d’y rester ensuite travailler. Si le diplôme est obtenu en ligne, cette option s’appliquera-t-elle toujours ?
L’éducation en ligne, bonne ou mauvaise idée ?
La question de la pertinence de l’éducation en ligne reste aussi ouverte : serons-nous dirigés demain par des cadres dits internationaux mais ne connaissant du monde que leur simple écran de Zoom ? Quels en sont les risques ?
Soutenir l’éducation supérieure et la mobilité s’avère primordial, car nous formons les dirigeants de demain, qui assureront la finance verte, les projets solidaires, la coopération internationale et le maintien de la paix du monde d’après. Comme disait Nelson Mandela : “L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde”. Si l’aviation, les banques, le soutien aux PME paraissent essentiels, ne négligeons cependant pas les secteurs qui feront de demain le monde plus juste et plus solidaire que nous souhaitons tous.
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