La cuisine indienne est connue pour ses saveurs fortes et riches en piquant et on assimile souvent plat indien à piment. Mais, malgré les apparences, le piment n’est pas originaire de l’Inde et y a été importé par les Portugais au XVI siècle. Alors, comment les Indiens assaisonnaient-ils leurs plats auparavant ?
Le piment, originaire d'Amérique latine
Les piments sont originaires de l’Amérique tropicale et sont connus depuis la préhistoire au Pérou. Originellement une plante sauvage, le piment fut cultivé pour protéger les autres cultures des oiseaux (vers 6000 ou 5000 avant J.-C.). Les oiseaux ne sont pas sensibles à la capsaïcine qui est la substance qui rend le piment piquant : ils s'en nourrissent et ne s'attaquent pas aux autres cultures.
Le piment fut rapporté en Europe par Christophe Colomb lors de son second voyage en Amérique qu’il considérait encore comme “les Indes”. On raconte que Christophe Colomb a non seulement confondu l'Amérique avec l’Inde, mais aussi le piment avec le poivre dont il était à la recherche. La culture du piment s'est ensuite propagée d'Espagne en Europe puis en Asie.
Les Portugais apportent le piment en Inde
Le piment arriva en Inde dans les soutes des bateaux portugais au XVI siècle et de là se propagea dans toute l’Asie. Les Portugais, conscients de sa valeur commerciale, auraient probablement favorisé son commerce dans la région.
Cultivé d’abord aux alentours de Goa, là où les Portugais s'étaient installés, le piment s’est ensuite répandu en Inde du sud. Puis, lorsque l'armée du roi Maratha Shivaji s'est déplacée vers le nord pour défier l'Empire moghol au XVII siècle, le piment a également été introduit dans le nord de l'Inde. La légende raconte que la consommation de piments par les Marathas a renforcé leurs pouvoirs de guerriers féroces et que c’est ainsi qu’ils ont pu vaincre l'armée moghole.
Le climat sud-asiatique convient parfaitement à la culture des piments qui constituent aujourd’hui les épices les moins chères disponibles en Inde. Ils font partie intégrante des cuisines d'Asie du Sud et d'Asie du Sud-Est.
Les variétés principales cultivées en Inde ont été importées d'Amérique latine : piment vert, piment rouge, piment rouge long, piment oiseau vert très petit et très piquant et gros poivron doux.
Comment les Indiens “pimentaient-ils” leurs plats avant l'arrivée du piment ?
Tous les Indiens connaissent cette simple vérité : les piments sont les rois de leur cuisine.
Mais, avant la venue des Portugais en Inde avec le piment, personne n'en avait jamais utilisé ! Cela paraît aujourd'hui incroyable !
Auparavant, le Pippali (poivre long) était utilisé pour donner le goût piquant aux plats. Le poivre est originaire du Bengale et au XVI siècle, il poussait également à l'état sauvage sur la côte de Malabar (la côte sud ouest de l’Inde). Selon le marchand français Jean Baptiste Tavernier, le poivre était jeté par poignées dans les “pulaos” musulmans (le pulao est un accompagnement à base de riz). Dans l'une des sections d'Ain-i-Akbari, document du XVI siècle à propos de l'administration de l'Empire moghol sous l'empereur Akbar, il y a une liste de 50 plats cuisinés pour la cour : tous n'utilisent que du poivre pour donner du piquant.
Pourquoi le piment a-t-il rapidement remplacé le poivre noir dans la cuisine indienne ?
Alors que la vigne de poivre noir pousse presque uniquement au Kerala, les piments peuvent être cultivés dans presque toutes les régions indiennes et dans les champs comme dans les potagers. Ainsi, ils sont facilement disponibles partout à bas prix ce qui explique qu’ils aient supplanté le poivre dans les cuisines des foyers indiens.
Dans la plupart des langues indiennes, le nom du piment est simplement une variation du nom antérieur du poivre dans la même langue. Par exemple, en hindi, on dit kalimirch pour le poivre noir et harimirch pour le piment, en tamoul, le mot pour poivre est milagu et pour piment est milagai (= milagu-kai (poivre + fruit)).
L’Inde contemporaine, principal producteur et exportateur de piments mondial
L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (connue sous les sigles ONUAA ou, plus couramment, FAO) classe les piments en deux catégories : les piments frais et les piments secs. L’Inde en est le principal producteur mondial :
L’Inde est le premier exportateur mondial de piments couvrant 50% de la demande. A savoir : l’Inde utilise pour sa propre consommation plus de 80% des récoltes de piment et n’en exporte que l'excédent.
En 2018, le Telangana était le premier état producteur de piments en Inde :
La classification des piments
En 1912, le pharmacien Wilbur Scoville invente une classification des piments du plus doux au plus fort : l'échelle de Scoville qui donne une idée de la force relative des diverses variétés. Ainsi, le piment de Cayenne et le piment langue d'oiseau, le Habanero originaire du nord du Mexique sont très forts, alors que le piment d'Espelette cultivé au Pays Basque (bénéficiant d'une AOC en France depuis 1999) est plus doux. Bien que liée à la teneur en capsaïcine, l'échelle de Scoville est une classification subjective, reposant sur la sensation perçue. Elle ne permet donc pas de quantifier la force des piments. L'utilisation de techniques chimiques comme la chromatographie permet d'apporter une réponse objective.
Parmi les piments les plus forts, on trouve le Bhut Jolokia cultivé dans l’Assam au nord-est de l’Inde.
Boire de l'eau pour atténuer la force d'un piment est inutile car la capsaïcine est hydrophobe. En revanche elle est soluble dans les graisses et la caséine du lait neutralise son action sur les récepteurs de la douleur. Il faut éviter de se toucher les yeux, les lèvres et autres muqueuses en préparant des piments sous peine de sensations de brûlures douloureuses. Par ailleurs la cuisson, même prolongée, n'altère pas non plus cette force, à la différence de ce qui se passe pour l'oignon, l'ail ou l'échalote (source Wikipedia).
Netflix a consacré une série à la cuisine indienne par région : Raja Rasoi aur Anya Kahaaniyan. L'épisode sur la cuisine Rajasthani mentionne les origines importées du piment.
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