En novembre dernier, Trump s’était couvert de ridicule en adressant sur Twitter ses vœux de bonne année aux Sikhs, aux Jains et aux Bouddhistes à l’occasion de Diwali. Il oubliait ainsi près d’un milliard de personnes en omettant la communauté hindoue.
Pourtant, Diwali est l’une des fêtes les plus populaires au sein de cette communauté. Chaque année, pendant cinq jours, bougies, lanternes, guirlandes illuminent les rues. Trump ignore toujours qu’une deuxième erreur s’est glissée dans ses tweets. Il n’aurait pas dû assimiler la fête des lumières à la nouvelle année. « C’est plus compliqué que cela. Par exemple, en Inde, seuls les Gujaratis fêtent la bonne année pendant Diwali et ce, pendant une seule journée », précise Neeta Kolkhatar, journaliste indienne. Sur ce point, difficile d’en tenir rigueur au Président américain alors que la majorité des hindous l’ignore également.
Samedi dernier, c’était au tour des Marathes de fêter la nouvelle année, appelée Gudi Padwa en langue régionale. A Bombay, la procession la plus importante prenait place à Girgaon, à la sortie de la station de train de Charni road, dans le sud de la ville.
Une foule de 100 000 personnes a assisté à ce qui s’apparente plutôt à un grand "spectacle". Au programme : un défilé de 200 femmes en tenue traditionnelle sur d’imposantes Royal Enfield (les motos indiennes), une parade de chars avec tableaux-vivants, des fanfares et des prouesses acrobatiques.
Et également une explosion de couleurs avec une dominante de safran, couleur sacrée de l’hindouisme. Nul doute, Gudi Padwa n’est pas seulement un spectacle mais une véritable plongée au cœur du nationalisme hindou.
La droite hindoue radicale est aux premières loges. On la retrouve sur les stands du Bharatiya Janata Party (BJP), le parti au pouvoir, du Shiv Shena et du Maharashtra Navnirman Sena (MNS).
Sa recette ? "Faire de ce rassemblement un événement politique. Y convier pêle-mêle des divinités hindoues et des héros nationaux. Ces partis d’extrême-droite se réapproprient de manière éhontée certains de ces héros. Hier, ils les détestaient, aujourd’hui, ils les récupèrent » explique Neeta Kolkhatar.
Plusieurs participants ont ainsi revêtu bijoux et déguisements rendant les divinités hindoues plus vraies que nature. Ainsi, Khrisna recouvert d’or et flûte au bec s’est prêté à d’innombrables selfies avec la foule.
D’autres ont préféré incarner des héros nationaux tels que Chhatrapati Shivaji, le célèbre chef marathe qui a libéré la région du joug des Moghols. Sur la place centrale, une immense affiche à son effigie fait face à celle de Bal Thackeray, grande icône de l’extrême-droite marathe hindoue. Pas très surprenant lorsque l’on sait que Bal Thackeray doit le nom de son parti politique, le Shiv Sena – armée de Shivaji - au célèbre chef.
Un peu plus loin, Gandhi parfaitement reconnaissable. Le déguisement a été préparé avec soin : longue étoffe blanche, lunettes rondes et perruque "imitation crâne chauve". Il est assis paisiblement sur l’un des chars, occupé à filer le coton avec son traditionnel rouet. Ce nationalisme hindou ambiant n’a pas l’air de l’inquiéter. Pourtant, se retrouver à quelques pas du BJP devrait le gêner. Ce parti n’est autre que la vitrine politique du RSS, organisation extrémiste à laquelle avait adhéré son assassin Nathuram Vinayak Godse.
Une cohabitation paisible et étonnante donc. Nouvelle surprise lorsqu’on y croise le Docteur Ambdekar, rédacteur de la Constitution indienne. Comment le pourfendeur du système des castes peut-il trouver sa place aux côtés des partis politiques pro-hindous ? Ambdekar se montre néanmoins discret. Contrairement à Gandhi, pas de tableau-vivant mais seule une petite photo en noir et blanc lui est consacrée.
Seul semble manquer à l’appel le parti du Congrès. Pourtant, Shailesh Raichura, l’un des organisateurs assure que tous les partis politiques sont présents. Et d’ajouter que "ce rassemblement n’a rien de politique". Difficile de le croire alors que le nom de Abhinandan Varthaman est déployé sur de grandes banderoles. Ce commandant retenu captif par l'armée pakistanaise après l’attaque de Pulwama de février dernier est devenu un héros national. A quelques jours des élections, il semblerait que soient à nouveau exploités à des fins électorales les derniers affrontements avec le Pakistan.
Pourtant, les participants sont unanimes, les élections n’ont nullement influencé le déroulement de ce rassemblement annuel. Pour ces derniers, il s’agit simplement du « nouvel an hindou qui a lieu chaque année ». De quoi faire à nouveau bondir la journaliste indienne Neeta Kolkhatar : « il s’agit non pas du nouvel an hindou mais d’un nouvel an pour certaines communautés hindoues. Certains en profitent pour en faire un événement nationaliste hindou » explique-t-elle avec amertume.
Merci à Vipul Patel pour ces magnifiques photos.