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Une "confinée" à Pondichéry se déconfine doucement (3)

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Écrit par Isabelle Pacaud
Publié le 1 juin 2020, mis à jour le 19 décembre 2023

Arrivée par hasard en Inde il y a 10 ans, Isabelle Pacaud n'est plus jamais repartie. Aujourd'hui résidente de Pondichéry, elle nous raconte, avec ses mots, son quotidien de "confinée". 

 

Se déconfiner doucement

Mon amie Bhawna est partie ce matin par le premier vol de Chennai, à l'ouverture de l'aéroport qui était resté fermé pendant des semaines. Juste le temps d'un lever de soleil par le hublot du vol Indigo, ses paupières lourdes d'une longue nuit blanche se sont fermées, de doux rêves ont supplanté le stress du départ. Un voyage qui semblait pouvoir être remis en cause jusqu'à la dernière minute. Les sempiternelles querelles du gouvernement central et du Tamil Nadu ont failli remettre l'ouverture des frontières entre Etats à plus tard et éteindre l'espoir de cet envol tant attendu. La joie du départ ne cachait pas l'émotion de nos partages animés et nourris de notre interculturalité.

La voici à Chandigarh, la fameuse cité indienne construite par le Corbusier que je rêve de découvrir quand voyager sera possible. Ce sont d'autres voyages, nos lectures théâtrales à voix haute, sur la terrasse le soir, commencées avec Samuel Beckett qui nous avaient naturellement mises en empathie avec Godot. 

 

La vie reprend timidement

Aussi attendue, l'ouverture des débits d'alcool était prévue à 10h aujourd'hui. Des files d’attente timides ont commencé tôt aux abords des magasins spécialisés. Au bord du canal, on pouvait palper une atmosphère un peu spéciale devant la porte et les murs colorés et décorés de beaux kingfisher, du nom de la fameuse bière locale. Pour l'occasion, les marques au sol de distanciation physique étaient fraîchement repeintes, elles pouvaient accueillir les chappals, tongs indiennes de leurs propriétaires en attente sous l'ombre des grands manguiers offrant une fraîcheur précieuse et nécessaire.

Senteurs, le fameux département des parfums de l'Ashram de la rue Saint Gilles ouvre ses portes depuis une semaine déjà, le matin seulement. Les clients sont reçus à la fenêtre et très vite les transactions ont dû se déporter dans un endroit ombragé sur le côté du magasin pour un nouveau comptoir de fortune.Les timides ventes de reprise ne pouvaient supporter la hausse de la température ressentie atteignant 45°C aujourd'hui. Les fruits sont parallèlement de plus en plus gorgés de sucre, les mangues chaque jour plus goûteuses. De nouvelles variétés apparaissent quotidiennement sur les étals informels des trottoirs de la ville.

La lente reprise de la vie économique est corrélée avec le retour à une vie sociale bien malmenée tout au long de ces dernières semaines. Rouler en TVS m'apporte encore un peu de fraicheur, bien que le port du masque ne soit pas toujours compatible avec le climat local. Les visages masqués ne donnent plus accès aux sourires et rendent moins perceptibles les signes de tête qui règlent une bonne part de la communication indienne.

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Ici aussi, on pourrait tomber dans l'illusion que tout va redevenir comme avant, ignorer l'inventivité, la créativité, la mise en œuvre de la solidarité, ce que l'on appelle "charity" ici, suppléant souvent l'Etat défaillant pour les plus vulnérables. C'est ignorer, à l'inverse de Shiva, déité ambivalente et complexe, dieu créateur et destructeur, que l'émergence d'un monde nouveau nous invite à abandonner le monde passé, connu, sécurisant, pour nous tourner résolument vers un avenir dont nous devons accepter la part d'inconnu et plus encore un futur dont nous ignorons les contours.

 

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Pour autant, suis-je prête à renoncer au vol qui bientôt me ramènera au pays ?

 

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