Arrivée par hasard en Inde il y a 10 ans, Isabelle Pacaud n'est plus jamais repartie. Aujourd'hui résidente de Pondichéry, elle nous raconte, avec ses mots, son quotidien de "confinée".
Quatrième semaine de quarantaine, la température ressentie a dépassé les 40C°...Que dire sous ces cieux où l'immatériel bouscule allègrement le matériel habituellement. Je me sens calme et tranquille, dans le moment présent, la routine de yoga, méditation et exercices m'ancrent avec force dans un quotidien que la vue de la Baie du Bengale au lever et au coucher magnifie. Pour ce qui est dans la matière, j'avoue que c'est moins romantique.
Que se passe-t-il sous mes fenêtres ou que je ne puisse voir du haut des 4 étages ?
C'est là que les choses deviennent moins cool. Pas nécessaire d'aller plus loin d'ailleurs. Au 66 papamailkoilstreet, un des appartements est loué par une famille de Cashmerii qui n'a pas eu le temps de rentrer chez elle, et pour cause la décision du confinement a été, pour mémoire, mise à exécution en 4 heures ( le chiffre 4 me poursuit aujourd'hui). J'ai à deux reprises fait face à des occupants de l'immeuble scandalisés par la présence de musulmans que l'on ne connait pas, viennent-ils de Delhi? ( ndlr : un rassemblement musulman intégriste en mars a Delhi aurait, selon certains médias, été à l'origine de la propagation du virus..), etc...J'ai eu quelques échanges avec cette famille; le vieux patriarche typique commerçant, comme certains d'entre vous en ont souvent rencontrés, dans une ville touristique du Sud, arpente la terrasse aussi souvent que moi, le matin et le soir. Je me confronte pour la première fois à ce communautarisme, racisme que je connaissais mais pas vraiment de si près, puisque moi-même protégée par ma communauté, mes communautés : ma famille indienne, l'Ashram et l'immeuble (j'y habite depuis 7 ans).
La vie s'organise
Voilà, je veille à la situation avec les moyens du bord. Revenons à ce qui se passe plus loin, à quelques mètres, kilomètres dans ce pays appelé aussi le sous continent indien par son immensité ou ici tout peut devenir démesuré, dans tous les sens d'ailleurs.
De plus en plus de personnes portent des masques, parfois les deux personnes sur une moto...si, si ! Les magasins ont ce qu'il faut, les mesures de distanciation sociale sont respectées. J'ai même trouvé du pain d'Auroville et je pense à investir dans une tablette de chocolat cette semaine...Il semble que certains quartiers ou immeubles soient mis sous séquestre, sans sommation. Je sors une à deux fois par semaine pour humer, pardon ce n'est pas le verbe d'actualité, mais essayer de percevoir ce qui se passe près de chez moi.Quelle ne fût pas ma surprise de trouver deux rues bloquées la semaine dernière en vidant mon compost à deux pas, pour finalement pouvoir librement circuler dans la rue principale. Tout cela n'est pas rationnel...et Indien.
Le confinement est prolongé pour deux semaines encore.
La question de l'information se pose, certains d'entre vous m'ont relatée quelques reportages, des infos qui ne me sont pas accessibles...car il n'y a pas d'info vue de l'intérieur. Le gouvernement exige que les journalistes ne relatent que l'information officielle, afin de ne pas semer la confusion. Et ici, l'officiel c'est la conjonction des Etats et du gouvernement central qui peuvent être contradictoires. Il vaut mieux ne rien savoir peut-être...
Je continue mes cours, toujours par téléphone car la bande passante est chaotique. C'est une expérience bien sûr d'être confinée dans un pays où j'ai choisi de vivre pour explorer, m'imprégner de son essence en étant confinée dans mon appartement . C'est peut-être cela la réponse, l'Inde invite au voyage intérieur. J'y suis...vraiment.