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Benjamine Oberoi et "l'émancipation des Indiennes par l’emploi et le microcrédit"

Benjamine Oberoi est la lauréate catégorie Impact social, remis par Malakoff Humanis, des 12e Trophées des Français de l’étranger. Vivant en Inde depuis une quarantaine d’années, cette passionnée continue de travailler à l'émancipation des femmes et au développement des populations locales, notamment en zone rurale.

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Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 19 mars 2024, mis à jour le 22 mars 2024

 

Benjamine Oberoi, infatigable passionnée

Il y a 35 ans, Benjamine Oberoi, alors étudiante en doctorat de sciences de l’éducation, est arrivée à Bangalore pour l’équivalent de l’époque du service civique. Ce premier pas dans le domaine des ONG, la fera rester en Inde jusqu’à ce jour. Découvrez son portrait dans le podcast Les Français du monde:

 

 

 

Après avoir été consultante pour le développement d’ONGs internationales, Benjamine a fondé l’association Objectif France-Inde (OFI) et son pendant local Casa Foundation. Elle s’est alors engagée avec passion et détermination auprès des femmes vivant dans la précarité. Depuis 15 ans, avec l’aide de ses partenaires associatifs indiens, elle soutient l’activité de groupes d'entraides de femmes (Self Help Groups SHGs) et aussi le développement et la protection des zones rurales en Inde. Une organisation rodée qui a fait ses preuves en sortant des milliers de personnes de la pauvreté et pour laquelle elle vient de recevoir le Trophée des Français de l’Etranger 2024, catégorie Impact social, remis par Malakoff Humanis.

 

 

Comment fonctionne l’ONG Objectif France-Inde ?

Benjamine Oberoi : Aujourd’hui, je travaille depuis Bangalore avec trois autres membres de l'équipe sur le montage de projets, la formation des ONG, et OFI accueille chaque année une dizaine de jeunes en services civiques qui aident sur les projets éducatifs des ONGs locales partenaires. Par choix et conviction profonde, OFI n'a pas d'action en propre, son but est vraiment d’accompagner les ONGs indiennes et les populations locales vers l’autonomisation. Quand j'ai débuté ce travail social, je n’imaginais pas pouvoir être un intermédiaire entre les donateurs et les ONGs locales. Une grande fondation suisse m’a poussée à développer ces services : je ne défendrais jamais un parti plus qu’un autre et surtout les financeurs savent qu’ils peuvent me faire confiance, je ne demanderai jamais plus d’argent que ce dont le projet a besoin. Je connais les programmes des gouvernements et je sais naviguer entre les différents acteurs, ce qui est très intéressant pour les fondations d’entreprises, les fondations familiales et les ONGs en France qui souhaitent apporter un financement.

Le gouvernement indien parfois s’inspire de notre travail et développe les mêmes projets. C’est un signe de qualité et de succès. C’est important pour nous de créer des modèles qui soient réplicables par d’autres. OFI forme d’ailleurs beaucoup de petites ONGs et les aide à grandir.

Nous avons principalement trois domaines d'intervention : l'éducation (6000 enfants extrêmement vulnérables pris en charge), l’émancipation des femmes (170 000 femmes organisées en groupes d’entraide) et l’environnement dans le cadre du développement rural (100 watershed - bassins-versants).

OFI recherche toujours des financements pour ses projets et c’est pour cela que nous avons besoin des entreprises françaises et européennes avec leurs CSA (Contribution solidarité autonomie) et leur RSE (responsabilité sociétale des entreprises). Au final, si l’investissement de départ est de 20.000 euros en termes de valeur, il y a un effet boule de neige et cet investissement de départ peut quintupler car d’autres donateurs participeront au financement. C’est une vraie fierté car nous sommes l’une des rares ONGs françaises qui s’occupe de l'émancipation des femmes par le biais de l’emploi et du microcrédit.

Nous remportons de réels succès dans ces domaines : sur les groupes d’entraide dans les régions où OFI collabore avec les ONGs locales, le taux de remboursement est de 100% ! Grâce à cela le gouvernement indien soutient ces projets car il sait que les groupes d’entraide rembourseront. 

Aujourd’hui, OFI finance les travailleurs sociaux qui s'occupent des formations à la suite desquelles les femmes obtiennent des microcrédits. Si elles remboursent, et elles le font toutes, alors elles reçoivent de plus grosses sommes, ce qui leur permet de devenir autonomes et de faire grandir leurs projets. Il est important d’aider les ONGs locales sur le long terme. Un village passe en dessous du seuil de pauvreté en trois ou quatre ans. Et, en réalité, c’est un temps court pour développer un projet.

 

Quand femmes et microcrédit vont de pair

 

Pourquoi avoir choisi de travailler en Inde du Sud ?

C’est là où j'ai commencé et où j'ai une plus grande connaissance du terrain. L’Inde est tellement grande et il y a tellement de disparités culturelles, géographiques, politiques et de langues… Il est plus simple et plus efficace de travailler sur une zone dont nous connaissons le fonctionnement. OFI intervient aussi au West Bengal car nous avons repris le travail de l’ONG qu’avait fondée Dominique Lapierre, décédé en 2022 (auteur du livre “La Cité de la Joie”). Les projets sont similaires à ceux d’OFI en Inde du Sud. Nous accompagnons les ONGs locales dans leur organisation, dans le montage, le suivi et l’évaluation des projets.

 

cartographie des projets OFI
Cartographie des projets de l'OFI

 

Après 40 ans au service du développement social, des envies de ralentir ?

Ce que j’aime dans ses projets c’est leur diversité. La diversité de partenaires me permet de rencontrer des personnes absolument passionnantes.

Même aujourd’hui, je continue d’apprendre : au fil des années j'ai pu, par exemple, développer mes connaissances sur l’agriculture notamment l’agriculture biologique et sur la récupération des eaux de pluies. J’apprends sur la prévention des violences faites aux femmes, sur les moyens d'émancipation par l’emploi, sur ce que nous pouvons développer pour aider les enfants des rues ou les personnes en situation de handicap. 

Néanmoins, je suis aujourd’hui en train de former une personne en France qui va s’occuper de la relation aux donateurs et qui connaît bien l’Inde. Et, en Inde, OFI emploie un responsable de projet qui est extraordinaire et un excellent formateur. J’essaie de lever le pied mais plus je lève le pied, plus nous avons de personnes qui nous font confiance et plus OFI grandit.

Je reste passionnée et je transmets aussi notre passion pour ce travail et ses engagements.

Qu'est-ce que ce Trophée Impact social des Trophées des Français de l'étranger représente pour vous ?

Quand j’ai appris que j’avais remporté le prix, je n’en ai pas dormi de la nuit ! Que d'émotions !

Pour moi ce qui est important, c’est que ce travail soit reconnu et montrer que c’est peu d’investissement pour un maximum d’impact.

Beaucoup de notre travail consiste à autonomiser les populations locales pour qu’elles prennent leurs responsabilités, on les accompagne pendant quelques années et elles savent d'elles-mêmes continuer à se développer, à créer des revenus avec les microcrédits. Les femmes que nous aidons sont très encadrées notamment dans leurs micro-activités.

Le trophée permet de donner de la crédibilité à notre travail et j’espère qu’il nous apportera de la visibilité pour que nous puissions continuer à aider tous ces projets.

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