Dans le petit coin librairie d’un magasin de vêtements de Pondichéry, nous avons découvert deux albums merveilleux d’Anushka Ravishankar, des textes dont on pourrait dire qu’ils swinguent et enchantent les oreilles et les yeux.


Nous avons donc demandé à cette écrivain de bien vouloir répondre à quelques-unes de nos questions.
Peut-être les parents de jeunes enfants la connaissent-ils, puisqu’elle est éditée en Inde, mais aussi en France par les maisons d’édition Syros et Actes Sud. Si ce n’est déjà le cas, n’hésitez pas à partager avec vos petits un joyeux moment de lecture !
Le parcours d'une passionnée de littérature
Anushka Ravishankar est née en Inde en 1961, elle a suivi des études de mathématiques et a choisi d’écrire pour les enfants, après la naissance de sa fille.
Lisiez-vous des livres quand vous étiez enfant et adolescente ? Vos parents ou un membre de votre famille vous ont-ils lu des histoires ?
Je ne me souviens pas qu'on m'ait fait la lecture quand j'étais enfant. Mais j'ai beaucoup lu par moi-même dès mon plus jeune âge. J'ai toujours eu la tête dans un livre.
Les parents et les enseignants, en Inde, encouragent-ils les enfants à aimer lire ?
Ils le font maintenant. Par contre, je ne sais pas s'ils les encouragent à « apprécier » la lecture. Ils veulent que les enfants lisent uniquement parce que c'est bon pour eux et c’est dommage.
Aviez-vous un livre ou un auteur préféré à l'époque ?
Les livres à notre disposition étaient pour la plupart britanniques et américains – Enid Blyton était très populaire. Les livres que je me souviens avoir lus encore et encore sont Le Rêve de Jo March (Little Men) de Louisa May Alcott et la série Les 5 détectives (the famous five) d'Enid Blyton.

Aimiez-vous écrire, petite ?
Oui, j'avais l'habitude d'écrire des poèmes rimés émouvants sur toutes sortes de sujets et j'espère bien que personne ne les lira jamais !
Vous avez étudié les mathématiques, mais à la naissance de votre fille, vous avez commencé à écrire des livres pour les jeunes enfants. Quel chemin vous a mené des mathématiques à l'écriture ?Qu'est-ce qui a déclenché ce changement ?
Je travaillais dans le domaine des logiciels informatiques, et j'aimais beaucoup mon métier. Cependant, c'était une vie assez stressante, difficile à concilier lorsqu’on vient d’avoir un bébé. Lorsque j'ai commencé à lire des livres pour enfants avec ma fille, j'ai réalisé que je voulais moi aussi écrire des livres pour enfants. J'ai donc changé de carrière et je n'ai jamais regardé en arrière.
Comment votre famille a-t-elle réagi à ce changement de carrière ?
Ils étaient d'accord. Ma fille était très contente !
Une inspiration au quotidien
Avez-vous lu vous-même des histoires à votre fille ? Était-elle votre première lectrice ?
Je l'ai fait, jusqu'à ce qu'elle ait environ quatre ans et qu'elle commence à lire des livres toute seule. Oui, elle a toujours été ma première lectrice. Je lui fais toujours lire mes histoires parce qu'elle est une excellente lectrice. Un peu partiale, peut-être, mais elle exerce malgré tout son sens critique.
Écrivez-vous uniquement pour les jeunes enfants ? Pourquoi ?
J'aime écrire pour les 6-8 ans. Je ne peux pas vous expliquer pourquoi, peut-être parce que je trouve que les enfants de cette tranche d’âge sont amusants.
D'où tirez-vous vos idées ? Qu'est-ce qui vous inspire ?
De partout : des événements réels dans ma vie ou dans celle de ma fille, des choses que j'ai lues ou vues et parfois, d'un endroit mystérieux dans ma tête, où des pensées et des idées dont je me souviens sont stockées.

Votre style d'écriture est très personnel et bien adapté aux très jeunes enfants, un peu comme les comptines. Comment avez-vous développé votre style ?
Je ne pense pas en ces termes. J'écris simplement comme j'aime écrire. J'aime le son des mots, j'aime le rythme et les rimes, donc je les utilise beaucoup dans mon écriture.
En France, les contes pour enfants sont souvent didactiques. C'est également le cas de vos livres. Par exemple"Catch That Crocodile !" est une histoire drôle et légèrement dérangeante qui se termine par un clin d'œil avec l’exemple d’une femme beaucoup plus intelligent que plusieurs hommes.

Vous souhaitez faire passer des messages dans vos stories ?
Je n'ai pas l'intention d'être didactique, et ce message n'était pas du tout intentionnel. Je pense que le message, s'il y en a un, est que nous devons être gentils avec les animaux lorsqu'ils s'égarent dans notre habitat, et ne pas répondre par la violence. C'est aussi la première fois que quelqu'un trouve l'histoire troublante ! J'en suis désolée. Et non, je ne veux jamais faire passer un message. Je commence par une histoire et le message se fait tout seul ou pas.
Utilisez-vous l’anglais délibérément, étant donné que c'est la seule langue commune à tous les Indiens ?
J'utilise l'anglais parce que c'est la langue dans laquelle j'ai été éduquée, c’est la langue dans laquelle je lis et pense. Ce n'est pas un choix délibéré, c'est la seule option que j'ai. Je ne parle malheureusement pas aussi bien une autre langue.
Les illustrations sont magnifiques. Comment êtes-vous entrée en contact avec les illustrateurs, étant donné qu'ils ne sont pas tous indiens ?
C'est l'éditeur qui s'en charge.
En règle générale, les auteurs n'ont pas leur mot à dire sur qui illustre leur travail.
En raison de ma longue association avec Tara books, ils me demandent mon avis, mais la décision finale leur appartient. Et je fais totalement confiance à leur instinct.

Combien de livres avez-vous écrits ?
Plus de 45 : des albums ou des livres illustrés, des romans pour les jeunes lecteurs, des récits de contes populaires, des livres sur l’artisanat, des livres sur la science, etc.
Comment vos livres sont-ils distribués en Inde ?
C'est le travail des éditeurs. Une fois le livre écrit, mon travail est terminé !
Le travail des maisons d'édition
Avez-vous un réseau d'autres écrivains pour enfants ?
Je n'appellerais pas cela un réseau, parce que c'est très professionnel. Mais j'ai beaucoup, beaucoup d'amis qui écrivent des livres pour enfants, qui les illustrent et qui les éditent.
Vous avez travaillé pour Tara Books, une maison d’édition indienne innovante dans le domaine de la littérature jeunesse. Comment cela a-t-il influencé votre écriture ?
J'ai commencé à écrire quand je travaillais chez Tara Books, en tant qu'éditeur. Ce n'était pas tant une influence qu'une rencontre entre esprits similaires. Nous avons constaté que nous avions les mêmes préoccupations et le même sens de l'humour farfelu. Donc ça a très bien marché !
Tara Books était-elle votre seule maison d’édition ?
Mes albums sont toujours publiés en exclusivité par Tara Books. Mais mes livres ont été publiés par Scholastic India, Karadi Tales, Puffin India et bien sûr, DuckbillBooks (qui est maintenant une branche de Penguin Random House India).
Qu'est-ce qui vous a inspiré ? Avez-vous rencontré des difficultés au cours du processus ? Ne publiiez-vous que des auteurs indiens ? Pourquoi l'avez-vous vendu à Penguin Random House India ?
Nous avons créé Duckbill Books parce que nous voulions publier le genre de livres que nous pensions que les enfants indiens devraient être capables de lire. Nous avons eu les problèmes habituels de vente, de distribution et financiers. Nous avons publié des livres se déroulant en Inde, donc oui, principalement c’étaient des auteurs indiens, mais pas exclusivement.

La littérature de jeunesse en Inde
J'ai acheté deux de vos livres dans une boutique qui n'est pas une librairie à Pondichéry. Il n'y en avait que deux.
J'ai remarqué que la littérature jeunesse ici à Pondichéry est très pauvre : les textes sont banals, tout comme les illustrations. Je fais référence aux illustrations de personnages de dessins animés américains ou asiatiques.
Que pensez-vous de la littérature jeunesse en Inde ? Y a-t-il d'autres auteurs indiens qui écrivent pour les enfants ? Comme dans d'autres pays, il y a des mythes et des légendes ici. Comment sont-ils transmis aux enfants ? Par quels supports ?
La littérature jeunesse en Inde se porte très bien maintenant. De nombreux livres nouveaux et passionnants sont publiés et il y a un grand nombre d'auteurs merveilleux qui écrivent pour les enfants et des illustrateurs incroyables.
Y a-t-il des bibliothèques publiques où les enfants peuvent emprunter des livres ? Étant donné que j'ai payé 325 roupies pour chaque livre, quelles familles peuvent s'offrir ces livres ? Peut-on les trouver dans les écoles ?
Les bibliothèques publiques ont généralement des livres écrits dans la langue locale. En anglais, il y a des livres pour tous les budgets, donc ceux qui sont intéressés peuvent les acheter. La plupart des écoles ont des bibliothèques, oui.
En France, vos livres sont publiés chez Actes Sud, ce qui prouve que les histoires écrites pour les enfants ne connaissent pas de frontières. Seriez-vous en mesure de réviser la traduction ?Avez-vous une idée du succès de vos livres en Europe ?
Certains de mes livres ont rencontré un grand succès. Je ne suis pas capable de vérifier si la traduction est fidèle au texte original, mais je suis sûre qu'elle est correcte ! Les livres publiés par Actes Sud ont été assez bien accueillis.

Enfin, pensez-vous que la lecture précoce est particulièrement importante pour le développement des jeunes enfants ?
Comme je ne suis pas éducatrice, la seule réponse que j'ai à cette question est que plus un enfant lit tôt, plus tôt on peut l'initier au plaisir de la lecture ! Le développement est un bonus.
Qu'est-ce qui fait un bon livre pour enfants ?
Il n'y a pas de recette miracle qui fonctionne pour tout le monde. Chaque enfant est différent, donc un bon livre pour un enfant peut ne pas être un bon livre pour un autre. Tout ce qui compte, c'est que le livre raconte une bonne histoire de la meilleure façon possible.
Avez-vous des conseils pour les écrivains en herbe ?
Intéressez-vous au monde qui vous entoure, cultivez l'empathie et lisez, lisez, lisez !
Écrivez-vous toujours et avez-vous des projets littéraires ?
Oui, j'écris toujours, et j'ai plusieurs projets à différents stades de préparation.
Nous remercions chaleureusement Anushka Ravishankar d’avoir pris du temps pour répondre à nos questions, ainsi qu’Isabelle Bonsignour, ancienne directrice de la publication et responsable éditoriale pour le Petit Journal Inde, qui a supervisé les traductions en anglais et français.
Pour la Maison d’édition de Chennai Tara Books, voir l’article du Petit Journal de Catherine Simonnet : Littérature indienne 7: sept albums indiens pour petits et grands.
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