À l’occasion du Forum APAC qui s’est tenu à New Delhi du 27 au 29 novembre cette année, le Petit Journal a eu l’occasion de rencontrer la Présidente des Conseillers du Commerce Extérieur (CCE) de la France, Sophie Sidos-Vicat. Créés il y a 125 ans, les CCE constituent un réseau de 4500 dirigeantes et dirigeants d’entreprise qui, bénévolement, œuvrent au développement de la France à l’international.
En fonction depuis juin 2023, Madame Sophie Sidos-Vicat, par ailleurs vice-présidente de Parfininco, holding du groupe Vicat, est la première femme à être nommée à la présidence des CCE. Elle nous explique un peu plus en quoi consiste son rôle de présidente.
Quelles sont les missions des CCE ? Et vous, quelles sont vos missions en tant que présidente des CCE ?
Ma mission est de faire mieux connaître l’action des conseillers du commerce extérieur de la France. Souvent, on ne connaît pas le rôle de ces 5000 patrons basés dans 152 comités dans le monde entier.
Ces patrons sont volontaires et bénévoles au service de la France.
Ils sont des acteurs de l’économie du monde. Ils paient une cotisation pour être membre de l’association et tous les mois ils se réunissent autour des ambassadeurs quand ils sont à l’étranger, et autour des préfets quand ils sont en France, pour expliquer leurs difficultés d’entreprises françaises dans les pays ou au contraire, leurs facilités.
Le but des CCE est de permettre aux entreprises françaises d’échanger entre elles, et entre patrons français pour essayer d’aller plus vite, de mieux s’imprégner du pays et d‘obtenir plus de parts de marché, et de renforcer l’attractivité de la France.
La difficulté pour le réseau est que parfois, dans nos entreprises à l’étranger, nous avons des patrons locaux. En conséquence, dans certains pays nous n’aurons pas de représentant CCE parce que le patron sera par exemple en Inde, un Indien, ou encore chez L’Oréal au Canada, un Canadien. Or, pour être CCE il faut être français ou européen francophone. Il nous manque donc quelques entreprises parce que ce sont des locaux qui les dirigent.
Ma mission première est donc une mission d’intérêt pour la France. Je travaille au service de la France pour que son rayonnement soit international.
Qu’est-ce que vous souhaiteriez dire au gouvernement français concernant les CCE ?
J’ai la chance d’avoir deux ministres de tutelles qui sont le ministre de l’Economie, des Finances et de l'Industrie de la France, Antoine Armand, et puis la ministre déléguée chargée du Commerce extérieur et des Français de l'étranger, Sophie Primas (L'entretien a eu lieu avant la mention de censure du gouvernement). Cette dernière est venue pour le premier jour de notre forum Asie-Pacifique. Elle est très réactive et très en lien avec les CCE.
Du reste, nous échangeons régulièrement ensemble et avons un dialogue qui nous permet d’avancer ce qui est une véritable chance. Parce que le but des CCE, à part l’attractivité de la France, c’est quand même le commerce extérieur de la France. L’objectif est d’améliorer ce commerce qui est déficitaire. Ma feuille de route consiste à faire en sorte qu’il y ait un vrai partenariat public-privé pour avancer.
Nous les CCE, nous sommes nommés par le Premier Ministre. Nous nous rendons compte qu’en faisant partie de la Team France Export (TFE), nous sommes un acteur de l’Etat indispensable au développement des entreprises. Ce dialogue nous permet de dire par exemple que pour progresser, nous devons exporter plus de produits décarbonés de la France mais pas seulement ou encore que quand nous nous implantons en Inde et que nous construisons des usines en Inde, nous n’avons pas forcément besoin de les construire en France.
Je suis fière de faire partie de cette TFE et je remercie les politiques, parce que quand nous travaillons tous ensemble, c’est tous ensemble que nous arrivons à avancer.
Quels sont les enjeux stratégiques pour les CCE actuellement ?
Mon premier enjeu est de faire augmenter nos effectifs parce que je pense que plus nous devenons nombreux, plus nous sommes connus et plus nous renforçons l’attractivité de la France. Nous étions 4500 CCE à mon arrivée ; nous sommes aujourd’hui 5000. Mon but c’est d’arriver à 6000 CCE, sans pour autant dépasser ce chiffre-là afin de conserver de la fluidité dans nos travaux.
Il conviendrait certainement de renforcer les effectifs de nos comités dans les outre-mers, souvent trop petits. Évidemment, tous ne sont pas concernés à l’instar de la Martinique qui est représentée par un beau comité de 100 personnes.
L’autre enjeu est de n’oublier aucun pays, car la France est présente partout, et de faciliter le dialogue. Nous avons la chance d’avoir une information du terrain en temps réel à tout moment grâce aux groupes WhatsApp, et à nos présidents de commissions regroupant plusieurs pays par zone. Par exemple, Catherine Chauvinc est notre présidente de commission APAC qui regroupe 20 comités sur 22 pays, un rôle essentiel à la coordination des comités pays.
Les comités fournissent beaucoup de travail bénévole au service de la France, qui n’est pas toujours mis en lumière ou apprécié. Toutefois, il y a une volonté de renforcer la reconnaissance envers les CCE.
Je dois saluer notre Président Emmanuel Macron qui a invité à l’Elysée l’année dernière les 152 présidents de comités. Cette année nous ferons une visioconférence avec tous nos Présidents de comités. J’espère qu’à nouveau le Président nous fera l’honneur de nous inviter à l’Elysée l’année prochaine car ce type d’événements démontre l’importance des CCE et nous fait avancer.
Quelles étaient vos attentes vis-à-vis du forum APAC ?
J’avais beaucoup d’attentes et d’appréhension parce que l’Inde est un pays très important dans lequel la France a énormément investi, à savoir 14 millions d’euros. Donc j’espère aussi que les Indiens investissent en France.
Notre Président Emmanuel Macron a fait plusieurs voyages en Inde. Au cours de son premier voyage en 2018, il y a passé plus de trois jours avec son épouse, Brigitte Macron. Ce temps passé est très significatif pour les CCE. Lui et son épouse ont visité le Taj Mahal, lieu historique et splendeur de l’architecture de l’Inde. Ce lieu revêt également une dimension sacrée puisque la construction de ce mausolée a été commanditée par l’empereur Shah Jahan en hommage à sa défunte épouse. C’est à mon sens un symbole très fort qu’a renvoyé la visite d’Emmanuel Macron dans ce lieu.
Par ailleurs, le voyage qu’il a fait avec le Premier Ministre Narendra Modi traduit la profondeur et la force de leur relation. Du reste, je remercie Narendra Modi pour la lettre de parrainage qu’il a adressée à notre forum. Elle illustre les relations que la France et l’Inde entretiennent. Cette relation bilatérale fait que nous investissons beaucoup en Inde parce que nous croyons en ce pays.
L’Inde peut croire en la France et investir aussi en France.
C’est le message de ce troisième et dernier jour du forum qui est la journée de l’attractivité : les entreprises indiennes sont invitées à faire des partenariats et du commerce avec les entreprises françaises. Cette journée illustre cette dimension cruciale de notre mission des CCE qui est d’attirer les entreprises étrangères en France. Je crois que la mission est accomplie quand notre réseau apporte de l’appui aux entreprises françaises qui viennent en Inde mais aussi aux entreprises indiennes qui viennent en France.
L’imprégnation public-privé se manifeste aussi par le fait que beaucoup d’anciens ambassadeurs qui étaient présents au forum sont aussi CCE maintenant. Ils connaissent notre réseau et savent qu’il est primordial pour avancer. Je pense à la table ronde d’ouverture en présence d’Alexandre Ziegler, directeur de la Division Défense à Safran et ancien ambassadeur de France en Inde, et de Maurice Gourdault-Mantagne, ambassadeur, qui traduit ce partenariat public-privé dans nos relations. Cette continuité est importante et permet de voir que grâce à la bienveillance et aux conseils de nos anciens, nous avançons encore plus rapidement.
En résumé, j’éprouve en ce dernier jour du forum une grande satisfaction envers ce comité Inde qui a énormément travaillé avec le comité Asie Pacifique. Il s’agit d’une totale réussite puisque plus de 450 chefs d’entreprise étaient présents.
Le niveau des interventions a placé la barre très haut pour le prochain forum qui sera organisé. Ce forum a aussi été l’opportunité d’évoquer les femmes. Nous ne les voyons pas suffisamment à la tête d’entreprises en Inde. Elles ont été mises à l’honneur entre autres par une exposition photos de 15 parcours de femmes sous la lentille de Lalit Verma.
L'essor de l'Intelligence artificielle
Ce forum a également témoigné de la volonté de mettre en avant l’intelligence artificielle. Le logiciel Wordly a permis tout au long du forum la traduction du français vers l’anglais (et inversement) en temps réel des différentes interventions. Ces dernières seront mises en ligne sur YouTube sous la forme de plusieurs séries d’épisodes courts afin de réentendre les discours très riches auxquels nous avons assisté.
L’intelligence artificielle sera d’ailleurs au programme du Sommet pour l’action sur l’Intelligence Artificielle en France au mois de février prochain porté par notre président Emmanuel Macron. Une occasion de voir que nous pouvons expérimenter des idées en Inde et les développer en France.
Enfin, je remercie le Petit Journal qui suit particulièrement les CCE à travers le monde. Vous étiez présents avec nous au Ministère de l’Economie il y a quelques mois, vous étiez présents aussi au dernier forum Ambition Africa. C’est bien de vous avoir avec nous et nous sommes fiers de continuer ensemble ce travail de diffusion de l’information à travers le monde avec des médias de qualité.
Et nous remercions aussi Madame Sidos-Vicat pour sa disponibilité et son implication.