Chaque jour, ce sont plus de 7,5 millions de passagers qui embarquent dans l’un des 2342 trains de la capitale économique. Ce qui peut sembler comme une aventure pour beaucoup de visiteurs est la ligne vitale de millions de travailleurs qui dépendent des transports publics pour se rendre de leur domicile à leur travail.
Un moyen de transport économique
Il faut dire que c’est l’un des moyens de transport les plus économiques de la ville. Comme nous l’explique Diego, qui pendant un an a fait du train local son mode de transport quotidien :
“J’ai pris le local train tous les jours pour aller et revenir du travail. Le choix de ce mode de transport s’expliquait par de nombreuses raisons. Comparé au mode de transport alternatif (Uber ou chauffeur), le local train était un choix économique, puisque le coût mensuel en première classe est d’environ 300 roupies - soit moins cher qu’un trajet unique en Uber, ou si on veut pousser la comparaison, moins cher que 2 tickets de métro à Paris.”
Gupta, un militant des chemins de fer expliquait au journal The Quint qu’ “une personne voyageant dans un train local de Mumbai gagne un salaire moyen mensuel de 18000 à 25000 roupies.”
Avec ce salaire moyen, même le coût des trains en 1er classe ou AC semble difficile.
“Si vous leur demandez de prendre un laissez-passer AC mensuel à ces taux, ils ne peuvent pas se le permettre. Donc, les personnes voyagent sur les locaux non-AC en s’accrochant sur les portes-pieds. C’est la réalité de Mumbai. Mais ni l’administration ni les politiciens ne la comprennent” explique Gupta.
Le train à Mumbai : un gain de temps certain
Si c’est les raisons économiques sont l’une des principales raisons de prendre le train local, le gain de temps est aussi une grande motivation.
Emprunter les routes en heure de pointe à Mumbai peut rapidement devenir un cauchemar : un trajet de 30 minutes sur Google Map peut rapidement devenir un trajet de 1h00 entre les embouteillages liés aux nombreux véhicules sur les routes et ceux liés aux différents travaux de voirie.
Sandra explique “Je me déplace souvent de Khar à Malad, cela n’a aucun sens de prendre la voiture. Il s’agit d’une ligne directe et lorsque tout se passe bien, j’atteins ma destination en moins de 20 minutes.”
Un témoignage que je corrobore : début juin, un trajet Malad Bandra qui aurait dû durer 35 minutes a ainsi duré 2 longues heures en raison d’une fermeture de route près de l’aéroport à Andheri… Mais en heure de pointe, prendre le train n’est pas de tout repos.
Se déplacer à Mumbai en train : mode d'emploi
En heure de pointe, le train est une expérience parfois effrayante
Les données du GRP montrent que sept personnes meurent chaque jour sur les voies ferrées de Mumbai. En 2024 seulement, 2.468 décès ont été signalés sur les voies ferrées locales, dont 1 553 sur la ligne du chemin de fer central qui se rend du centre-ville à Thane en passant par Byculla, Dadar, ou encore Ghatkopar.
Parmi ceux-ci, 570 décès étaient dus à des passagers tombant de trains locaux.
Les trains à Mumbai ont deux catégories : première et seconde classes. Il existe aussi des wagons réservés aux femmes qui sont généralement moins remplis que ceux des hommes.
Voici mon expérience sur la Western Line, ce lundi à 19h. Alors qu’un aller simple en Uber entre Bandra et Kala Ghoda (à 10 minutes à pied de la station Churchgate) m’a coûté 500 roupies, un ticket en seconde classe ne coûtait que 10 roupies.
Sur les quais, le brouhaha habituel des voyageurs quittant leurs bureaux, profitant d’un snack avant de rentrer chez eux ou d’une dernière conversation avec un collègue.
J’ai de la chance : Churchgate est le terminus. Déjà, de petits groupes se forment à l’endroit où se trouveront les portes. Même en terminus, le train ne reste jamais longtemps à quai, jamais plus d’une minute.
Comme le dit Diego “Concrètement, c’est une expérience à la fois similaire et différente des métros ou trains français. Similaire car aux heures de pointe, il y a foule, surtout dans les wagons non-réservés aux femmes, et on passe souvent le trajet debout et assez proche des autres passagers. Différente car le train roule les portes ouvertes et les passagers ont tendance à monter et descendre du train avant qu’il ne s’arrête.”
Un constat réalisé à ses dépens, où lors d’un de ces premiers trajets restant proche de la sortie pour ne pas rater mon arrêt, il a vu une véritable marée humaine prendre le train d’assaut en gare de Dadar avec lui en première ligne.
“Avec l’expérience et en sachant où se positionner dans le wagon, dans une revisite urbaine du Tetris, on s’en sort sans trop de mal.”
Dans le wagon des femmes, le tetris débute dès les premiers instants où, toutes celles qui sont à peine entrées demandent aux chanceuses assises quelle sera leur station de descente afin de “réserver” la place de celles qui partiront les premières. Les femmes qui montent dans les stations suivantes, sûrement fatiguées de cette bataille quotidienne, semblent moins souriantes et coopératives. Dans les trains, les places assises sont chères et certaines sont prêtes à tout et parfois des disputes éclatent. Pour sortir comme pour monter dans le train, il faut être prêt à jouer des coudes et faire preuve de rapidité.
Monia témoigne “ il m'est déjà arrivé de prendre le train à plusieurs reprises au moment de rushs, correspondant aux débuts ou fins de journée. À ces moments-là, et si la station est particulièrement fréquentée à ces pics horaires, comme Andheri, Dadar, Thane... Il est parfois difficile de sortir du train... Les mouvements de foule peuvent être très intenses. Ils reflètent la lutte que vivent les personnes qui prennent le train au quotidien aux heures de pointe. Le fait qu'il y ait énormément de monde, que les wagons soient parfois plein à craquer et qu'il n'y ait pas de portes, entraîne effectivement des drames. Certains usagers, pour pouvoir aller au travail, n'hésitent pas à faire aussi passer leur sécurité au 2nd plan...
Sarah en a aussi fait l’expérience et préfère éviter le train aux heures de pointe pour cette raison.
“Il faut physiquement pousser pour réussir à entrer ou sortir du train. Il y a parfois un vrai danger. Cela peut faire peur. Il m’est même arrivé de ne pas pouvoir sortir à ma station en raison de la foule”.
Diego raconte “Concernant la sécurité, je n’ai pour ma part jamais assisté à un incident, bien qu’ils soient très nombreux sur le réseau. Cela peut s’expliquer par le fait que mon itinéraire, bien que très emprunté, n’est pas le plus congestionné de la ville, et que les trains passent à intervalle très régulier, donc il m’arrive d’attendre le train suivant quand le premier est excessivement rempli.”
Lundi 9 juin, au même moment où je prenais la Western line, 13 personnes sont tombées d'un train sur la Central Line entre Mumbra et Mumbai central en tombant d'un train. 5 personnes sont décédées.
En dehors des heures de pointe, une expérience à vivre
Malgré de nombreux incidents, la plupart recommandent ce mode de transport :
“Le train ici est toujours une aventure et j'adore ce moyen de transport” (Monia)
“Prendre le train est d’une facilité incroyable” (Sarah)
“Depuis le train, on peut observer la ville sous un nouvel angle, sentir ses odeurs et ressentir son climat, sans avoir la frustration d’être bloqué dans le trafic. L’expérience en devient quelque peu grisante” déclare Diego avant de conclure
“Dans une ville comme Mumbai où l’on prend sans cesse des Uber ou taxi pour se déplacer, nous rendant dépendant du trafic et d’une application, une action aussi simple que prendre le train revêt une certaine forme de liberté et d’indépendance.”
Lepetitjournal Inde souhaite à tous un bon voyage en train. C'est une expérience à vivre au moins une fois...
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