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La frontière Inde-Chine, la LAC, sous haute tension

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Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 22 juin 2020, mis à jour le 19 décembre 2023

Depuis le mois de mai, les tensions à la frontière entre l’Inde et la Chine se sont exacerbées et ont culminé le 15 juin lors d’une escarmouche entre des soldats des deux armées qui a coûté la vie à 20 Indiens ; la Chine n’a pas révélé de chiffres à ce sujet. La frontière entre les deux pays n’est actuellement pas délimitée clairement, c’est une limite fluctuante appelée la LAC (Line of Actual Control - ligne de contrôle actuel).

A ne pas confondre avec la LOC (Line Of Control) qui se trouve entre l’Inde et le Pakistan et qui est une ligne de démarcation déterminée lors des accords de Shimla en 1972 et est délimitée clairement sur les cartes publiques.


 

La LAC, un concept qui ne figure ni sur une carte ni sur le terrain

L’Inde et la Chine partage une longue frontière qui suit la chaîne de l’Himalaya et est divisée en trois segments par le Népal et le Bhoutan. Les deux géants d’Asie se disputent depuis l'indépendance de l’Inde des territoires dans cette région. Après s'être affrontés en 1962 lors de la guerre sino-indienne, ils se sont mis d’accord sur un cessez le feu, mais ne se sont pas mis d’accord sur une ligne de frontière précise. Le traité Border Peace and Tranquility Agreement (BPTA) signé en 1993 a entériné une ligne de démarcation floue : la LAC. Selon cet accord, l’Inde et la Chine ont accepté de “respecter et observer strictement la LAC entre les deux parties (strictly respect and observe the LAC between the two sides)”. De plus, il est mentionné que “si nécessaire, les deux parties doivent vérifier et définir conjointement les segments de la ligne de contrôle actuel si elles ont des avis différents quant à leur alignement (when necessary, the two sides shall jointly check and determine the segments of the line of actual control where they have different views as to its alignment)”. Aujourd’hui, les deux pays ont encore chacun un tracé différent de cette ligne.

 

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Credit w:user:Planemad

 

L’ancien conseiller pour la sécurité nationale, Shivshankar Menon, relate dans son livre Choices : “Les deux pays se sont mis d’accord sur un status quo représenté par la LAC, qui ne prend pas en compte tout ce qui a été dit sur le sujet par le passé. C’est la position des deux pays au moment de la signature du traité qui doit être respectée.” 

Sans être délimitée précisément, la LAC sert toutefois de frontière entre l’Inde et la Chine et a permis jusqu'à présent le maintien de la paix dans l’Himalaya. Il n’en existe aucun tracé précis sur une carte validée par les deux pays. Le BPTA ainsi qu’un deuxième accord signé en 1996 précisent que ces derniers doivent à terme définir clairement la LAC, mais le processus est à l'arrêt depuis 2002. Deux autres accords ont ensuite été signés en 2005 et 2013 pour la coopération autour de la LAC (Border Defence Co-operation).

 

La LAC s'étend sur 3 500 km selon les Indiens et sur seulement 2 000 km selon les Chinois et est formée de trois parties : 

  1. L’ouest, entre le territoire de l’Union indienne du Ladakh et la province autonome chinoise du Tibet. La ligne correspond approximativement à celle voulue par la Chine alors que l’Inde revendique une ligne plus au nord.
  2. Le centre, entre les états indiens de l’Uttarakhand et de l’Himachal Pradesh et la province autonome chinoise du Tibet. L’Inde et la Chine sont relativement d’accord sur cette partie.
  3. L’est entre les états du Sikkim et de l’Arunachal Pradesh et la province autonome chinoise du Tibet. L’Inde est favorable à cette délimitation alors que la Chine considère qu’une grande partie de l’Arunachal Pradesh devrait lui revenir.

 

La LAC n'étant pas une frontière au sens propre du terme, les armées des deux pays maintiennent des postes de contrôle tout au long de cette ligne située à une altitude élevée. 



L’incident du 15 juin 2020 dans la vallée de Galwan entre l’Inde et la Chine

Contrairement à la LOC et malgré son statut flou, la LAC n’avait pas enregistré d’incident grave depuis 1975. Cependant, depuis plus de six semaines, des brigades des armées indienne et chinoise se font face sur plusieurs positions le long de la partie ouest de la LAC entre le Ladakh et le Tibet, dont le lac de Pangong Tso et la vallée de Galwan.

Le 15 juin 2020, cette tension s’est exacerbée et des troupes indiennes et chinoises se sont affrontées dans la vallée de Galwan sur une position située à plus de 4000 m d’altitude. L'armée indienne déplore 20 morts et de nombreux blessés tandis que l'armée chinoise n’a pas révélé si elle avait subi des pertes. Les hommes se seraient battus à main nue et avec des barres de fer et les décès seraient en partie dû à des chutes dans la rivière en contrebas. C’est l’incident le plus meurtrier depuis la guerre sino-indienne de 1962. 

Selon les accords de 1996 et 2005, les soldats postés des deux côtés de la LAC “ne doivent pas ouvrir le feu, ni causer de dégradations, ni utiliser des produits chimiques dangereux, ni mener des opérations de bombardement ou utiliser des fusils ou des explosifs dans un rayon de deux kilomètres autour de la ligne de contrôle (neither side shall open fire, cause bio-degradation, use hazardous chemicals, conduct blast operations or hunt with guns or explosives within two kilometres from the line of actual control)”. C’est pourquoi les affrontements se font souvent à main nue ou avec toutes sortes d’outils qui ne sont pas des armes. 

Suite à l’incident, le 19 juin, le ministre des Affaires Étrangères chinois a déclaré que la vallée de Galwan avait toujours été incluse dans son côté de la LAC. L’Inde, qui s’est d’abord insurgée, a ensuite affirmé par la voix de son Premier Ministre, Narendra Modi, que le pays n’avait pas subi d’incursion sur son terrain. Le parti de l’opposition, le Congress, a accusé Modi de se rendre aux Chinois.

 


 

Cependant, selon des sources gouvernementales, le ministre de la Défense indien a déclaré lors d’une rencontre avec les officiers de son armée qu’il leur donnait entière liberté pour une réponse adéquate au comportement agressif de la Chine. 

 

Ms. Rao, ancienne ministre des Affaires étrangères indienne, a récemment déclaré que la situation n'était pas surprenante et que la Chine avait, dans plusieurs différends territoriaux, laissé intentionnellement ses prétentions ambiguës. “Le tracé chinois a changé plusieurs fois et nous n’avons jamais pu voir une de leurs cartes.” Selon elle, les récents événements mettent en lumières les défis auxquels l’Inde doit faire face sur ses frontières. “Si le problème dure depuis si longtemps et qu’il n’y a pas de règlement en vue, il faudra probablement encore une ou deux autres générations pour le régler” a t-elle affirmé.


 

Que font l’Inde et la Chine sur ces territoires inhospitaliers ?

La Chine a construit une autoroute longue de plus de 2 000 km qui relie la région autonome du Xinjiang à la région autonome du Tibet. Cette route traverse l’Aksai Chin, un territoire gagné par la Chine lors de la guerre sino-indienne de 1962 et revendiqué par l’Inde. D’autre part, la route n’est pas très éloignée de la LAC.

 

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L’Aksai Chin

 

L’Inde est en train de terminer une route de 255 km qui longe la LAC et permettra de relier été comme hiver la capitale du Ladakh, Leh aux postes militaires stratégiques de l’ouest de cette ligne de démarcation et à l'aéroport militaire le plus haut du monde : la route Darbuk-Shyokh-Daulat Beg Oldie (DSDBO). Cet aéroport (Daulat Beg Oldie - DBO) est très proche de l’Aksai Chin. 

La vallée de Galwan aujourd'hui au centre de l'actualité surplombe la route DSDBO indienne et la Chine pourrait avoir revendiqué ce territoire afin de pouvoir surveiller les travaux et même intervenir si besoin pour les ralentir.



Le vendredi 19 juin, le ministre des Affaires Etrangères chinois a demandé à l'Inde la convocation d'une réunion entre les commandants des armées des deux pays afin de calmer les tensions qui se sont accumulées. Selon Livemint, il n'est pas certain que l'Inde accède à cette requête puisqu'elle considère que la Chine n'a pas respecté les règles de la LAC. Cependant, Livemint souligne qu'il est fort possible que les deux pays organisent une réunion entre diplomates de haut niveau dans le cadre du mécanisme de consultation et de coordination des affaires frontalières entre l'Inde et la Chine (Working Mechanism for Consultation and Coordination on India-China Border Affairs - WMCC) très rapidement pour tenter de restaurer le calme le long de la LAC. 

 

 


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