Selon les estimations de l’OMS, plus de 2,2 milliards de personnes présentent une déficience visuelle dans le monde. Avec une dépendance aux indices non visuels, notamment le toucher, la situation des personnes malvoyantes est devenue plus difficile en période de COVID.
Lepetitjournal.com est allé à la rencontre de Shirley, directrice des services de rééducation de la Hong Kong Society for the Blind et de Jean Lin, qui nous raconte son quotidien en tant que personne malvoyante.
Peux-tu nous parler de la Hong Kong Society for the Blind?
Shirley: notre société a été créé il y a presque 65 ans, nous offrons toutes sortes de services pour les personnes malvoyantes tels que la rééducation, la formation professionnelle, le soutien scolaire, la culture numérique…afin de maximiser les capacités des personnes malvoyantes.
Quels sont les principaux défis pour une personne malvoyante à Hong Kong?
Jean: trouver une adresse dans la rue, surtout la nuit. J’ai des applications pour m’aider à lire mais quand ça ne marche pas je finis par demander de l’aide à quelqu’un. Je suis toujours la folle en train de crier dans la rue ! J’habite à Discovey Bay et parfois c’est difficile de savoir dans quelle langue parler pour demander de l’aide. Il y a aussi la difficulté à trouver un emploi quand on ne veut pas se cantonner à être opératrice téléphonique ou masseuse.
La technologie au service des personnes malvoyantes
Quels progrès ont été faits ces dernières années?
Shirley: la formation aux nouvelles technologies a été vitale pour s’adapter à cette société qui évolue très vite. L’éducation se fait maintenant avec l’aide de ces dispositifs, et le plus grand progrès a été tout ce qui touche aux applications et aux différents softwares qui offrent les mêmes opportunités à tous.
Y a-t-il un accès facile à l’éducation pour une personne malvoyante à Hong Kong?
Jean: l’éducation devient difficile pour ceux qui ne comprennent rien à la technologie, même un truc simple comme manipuler un smartphone devient compliqué, pour eux c’est très difficile de s’adapter car maintenant beaucoup se fait par le biais de ces technologies.
Est-il facile de trouver un emploi lorsque on a une déficience visuelle?
Shirley: beaucoup d’employeurs pensent qu’embaucher une personne malvoyante est couteux ou difficile et la plupart ne prennent pas le risque, mais en fait c’est très facile, pour quelqu’un qui travaille sur un ordinateur il faut juste installer un software, ce n’est pas du tout onéreux et il est possible de recevoir une aide du gouvernement.
Comment la technologie contribue-t-elle au quotidien d’une personne malvoyante?
Jean: on utilise toujours des écouteurs avec le portable car tout se fait par audio. On peut lire le journal, regarder la météo, aller sur youtube, envoyer et recevoir des messages, utiliser les réseaux sociaux, même lire les émoji, je peux presque tout faire… sauf regarder une photo ! j’ai une app qui me dit les couleurs, je l’utilise quand je fais la lessive. Mais il faut du temps pour s’habituer à naviguer sur son portable de cette manière.
L’impact du COVID pour les personnes malvoyantes à Hong Kong
Y a-t-il un accès à la culture et au sport pour une personne malvoyante à Hong Kong?
Shirley: bon nombre d’installations à Hong Kong ne sont pas adaptés pour les personnes malvoyantes, et on essaie de changer cela, ce matin on était au centre culturel de Sai Wan Ho pour tenter de mieux adapter les locaux aux personnes malvoyantes. La difficulté pour certains sports c’est le besoin de facilitateurs, par exemple, la course avec un guide. Mais il reste encore beaucoup à faire en matière d’installation, il faut travailler de concert avec le gouvernement pendant la construction des nouveaux terrains de sports et centres culturels.
Quel est l’impact du COVID pour une personne malvoyante?
Jean: pour ceux qui vivent seuls c’est le fait d’être isolés, ça a été un choc émotionnel, ils étaient tantôt terrifiés, tantôt déprimés. Ils ne sortent plus, ils ne bougent plus, beaucoup parmi nous deviennent gros!
Shirley: cela va de choses très simples comme mettre son masque dans le bon sens aux choses vitales comme se soigner. C’était le cas d’une personne malvoyante qui a attendu longtemps avant de demander de l’aide pour se faire accompagner chez le médecin.
Fausses idées à propos de la déficience visuelle
Quelles sont les idées reçues à propos de ce handicap?
Shirley: beaucoup ignorent qu’une personne malvoyante est capable d’utiliser son portable, un de mes collègues vient de perdre la vue et il s’est fait gronder dans le métro par une femme qui croyait qu’il la fixait, il a essayé d’expliquer qu’il ne voyait pas mais on lui a rétorqué: "alors comment ça se fait que vous utilisez votre portable?" Quelques personnes malvoyantes n’utilisent pas de canne car ils discernent certaines formes mais leur vision n’est pas assez bonne pour esquiver quelqu’un et ça peut créer des conflits.
Quel conseil donneriez-vous à une personne voyante qui interagit avec une personne malvoyante?
Shirley: il y a des gens qui font trop attention avec une personne malvoyante à ne pas dire les mots "voir ou regarder" et se sentent mal à l’aise en utilisant certaines expressions, comme "on se voit plus tard", du moment que vous les traitez avec respect il n’y a pas de quoi s’inquiéter. Proposez votre aide et soyez à l’écoute, voilà ce qui est important.
Jean: demandez si on a besoin d’aide mais surtout demandez quel type d’aide, parfois les meilleures intentions n’ont pas l’effet recherché. On m’offre souvent un siège dans le métro, parfois je préfère rester debout et on dirait qu’on veut me forcer à m’asseoir, à d’autres moments je finis par être désorientée tellement on me fait pivoter dans tous les sens.
Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui est en train de perdre ou a perdu la vue?
Shirley: contactez-nous, nous connaissons bien les besoins des personnes malvoyantes. Il est normal d’être effrayé lorsqu’on a perdu la vue et nos services sont conçus pour vous aider.
Jean: venez à des endroits comme celui-ci (HKSB) où on vous aidera à suivre votre routine habituelle. Acquérez des compétences et élargissez votre cercle social. Communiquez toujours avec vos amis pour ne pas être isolé et n’ayez pas peur de demander de l’aide.
Avant de partir, Shirley me fait visiter leurs locaux, on se balade dans la bibliothèque entre les rangées de livres pour finir dans la salle de cinéma où se font des projections avec audiodescription. Au fond de la salle, des douzaines de paquets remplis de masques, de désinfectants et toutes sortes de produits pour faire face au virus. "Ces dons viennent des habitants de Hong Kong" me dit Shirley "ils sont très généreux".
Pour être sûr de recevoir GRATUITEMENT tous les jours notre newsletter (du lundi au vendredi)
Ou nous suivre sur Facebook et Instagram