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A la rencontre des Suisses de Hong Kong

Bleu Simple Monogramme Carte postale(1)Bleu Simple Monogramme Carte postale(1)
De gauche à droite, Yann, Madeline, Maxim, Filiz et Julie, nos cinq Suisses de Hong Kong.
Écrit par Karine Yoakim Pasquier
Publié le 3 octobre 2021, mis à jour le 3 octobre 2021

Sur les quelque 776 300 Suisses de l’étranger, seuls 1902 vivent à Hong Kong. Pour mieux les connaître, nous sommes aujourd’hui partis à la rencontre de cinq d’entre eux et leur avons demandé comment se passait leur vie loin de leur Helvétie natale. Après un sujet sur les Québecois de Hong Kong, nous poursuivons notre tour des communautés francophones de Hong Kong

Madeline est arrivée à Hong Kong il y a 42 ans et dirige la très célèbre librairie francophone Parenthèse, au sein de laquelle les notes de la radio helvétique Option Musique résonnent régulièrement. Yann est arrivé à Hong Kong en 2019, à la suite d’un stage et travaille pour la célèbre marque suisse Logitech. Filiz, une Fribourgeoise arrivée à Hong Kong en 2019, travaille dans le domaine bancaire, tandis que Maxim, arrivé en 2020 depuis les abords du lac de Neuchâtel, travaille comme horloger. Julie de son côté est une Suissesse de l’étranger. Née à Hong Kong, elle a noué avec son pays d’origine une relation à distance.

Ils nous font part de leurs ressentis face à Hong Kong et à la Suisse.

« En Suisse, contrairement à Hong Kong, rien ne sert de courir… »

Qui êtes-vous, quand êtes-vous arrivé à Hong Kong et qu’y faites-vous ?

Yann : je m’appelle Yann. J’ai un background en business et product innovation et je travaille actuellement pour Logitech, depuis Hong Kong. Je suis dans le product management.

Julie : je m’appelle Julie. Originaire du canton de Fribourg, je suis née et j’ai vécu à Hong Kong, avant de partir étudier le design textile à Paris puis à New York, où j’ai obtenu un diplôme en design industriel. Je suis revenue à Hong Kong 10 ans plus tard, en 2008, pour fonder une société de design appelée Latitude 22N avec mon mari Jesse. Nous avons élu domicile et fondé notre atelier de céramique à Chai Wan ainsi que depuis notre second atelier à Jingdezhen, ville natale de la porcelaine. 

Maxim : je m’appelle Maxim. Je suis arrivé à Hong Kong en janvier 2020 et je travaille comme horloger chez Audemars Piguet.

Filiz : je suis Filiz. Je viens de Fribourg. Je suis arrivée à Hong Kong en octobre 2019, pendant les manifestations… et ça s’est suivi par le Covid, ça a donc été un moment très particulier. J’ai été envoyée par mon entreprise pour les aider dans l’expansion du business en Asie, pour la partie recrutement.

Madeline: je suis arrivée à Hong Kong en 1979. J’y ai retrouvé mon mari et j’ai accepté un emploi en tant que professeur à l’École française. En 1980, ma fille est née. J’ai donc arrêté de travailler et j’ai repris une activité professionnelle en 1989 avec la librairie Parenthèses. Parenthèses venait d’ouvrir. C’était un concept store qui vendait du vin, des magazines bancaires, du chocolat… et des livres. J’ai repris la partie livres et tout le reste est parti peu à peu. Cela fait maintenant 31 ans !

Comment vivez-vous l’éloignement avec la Suisse ? En quoi est-ce différent de Hong Kong ?

Yann : je le vis assez bien malgré le Covid. J’ai pu rentrer cet été. Mais Hong Kong est une ville très variée et dense. Il y a 8 millions d’habitants, ce qui est l’équivalent de la taille de la Suisse, mais sur un territoire 40 fois plus petit. Malgré la pandémie et les difficultés liées au voyage, on a très facilement accès aux montagnes et aux plages. J’ai aussi la chance d’avoir un bon cercle d’amis qui sont dans la même situation et nos liens se sont donc renforcés. C’est une chance.

 

montagnes suisse hong-kong
Hong Kong et la Suisse, deux pays idéaux pour la randonnée

 

Julie : n’ayant jamais vécu en Suisse je ne vis pas l’éloignement avec difficulté. Je me sens chez moi à Hong Kong. En revanche, il me prend de rêver d’aller aux champignons dans les Préalpes de temps à autre (c’est ma maman qui m’a initiée), d’aller cueillir des baies et plantes sauvages en forêt ou encore d’aller m’attabler en terrasse au bord du lac de Neuchâtel, pour y déguster de bons filets de perche tout en sirotant un bon verre de blanc suisse. Pour moi la Suisse, c’est un pays que je découvre et que j’apprends à mieux connaître au gré de mes visites. J’aime y aller pour voir ma famille, mes amis, être au contact de la nature, visiter un maximum de musées et pour y apprendre l’histoire de mon pays d’origine et sa culture. La plus grande différence pour moi, et qui demande toujours quelques jours d’adaptation lorsque je me rends en vacances en Suisse, c’est d’apprendre à prendre son temps, que rien ne sert de courir, et surtout de devoir s’adapter aux horaires suisses. Les commerces ne sont pas ouverts jusqu’à 22 h comme ici. La Suisse est aussi très matinale et à 13 h 30 les restaurants ferment déjà leurs portes pour l’après-midi avant de reprendre leur service vers 17 h. À l’inverse, Hong Kong foisonne d’énergie du matin au soir. 

Maxim : globalement, je vis très bien l’éloignement avec la Suisse. Ce qui me manque le plus — comme tout le monde — c’est la famille et les amis. Je pense que c’est ce qui est le plus difficile à vivre, maintenant après quasiment 2 ans sans les avoir vus, mais à part cela, peu de choses me manquent.

Filiz : étonnement, la première année, je l’ai très bien vécu. Tout est nouveau quand on arrive dans un nouveau pays. Il faut s’acclimater, se faire des amis, trouver ses points de repère donc la première année est passée sans mal du pays. Mais les derniers six mois, l’éloignement a été plus présent. Je pense plus à la Suisse. Certaines choses commencent à me manquer, comme les grillades l’été au bord du lac, avec ses amis, les montagnes, les vues dégagées. Tout est différent à Hong Kong par rapport à la Suisse : la nourriture, le climat, les gens. Les gens ici sont plus froids qu’en Suisse, un peu plus mécanique, les gens ne discutent pas dans le quotidien. Même si les Suisses sont réservés, ils prennent par exemple le temps de discuter entre eux au supermarché ou dans la vie quotidienne. La façon de vivre est aussi très différente : à Hong Kong, les gens aiment aller se promener dans des mall ou manger au restaurant. En Suisse, c’est moins courant.

 

montagnes suisses paysage
Les montagnes suisses et leurs vues dégagées manquent à Filiz

 

Madeline: pour moi, ce qui est resté difficile, c’est le manque des saisons. On a la chance à Hong Kong d’avoir une saison chaude et une saison bien fraîche. Mais j’adore le printemps et l’automne… et il me manque des couleurs, des odeurs et de la verdure. Je viens du Jura, où le vert des forêts et des pâturages est très présent et cela me manque. Mais mon activité professionnelle me passionne depuis 30 ans. De ce fait, quand je reviens en Suisse, au bout de quelques semaines, c’est Hong Kong qui me manque. Je ne suis pas née citadine. Hong Kong a toujours été une ville bruyante et surpeuplée — ce qui n’est pas du tout le cas de la Suisse — il a fallu s’y habituer. Ça a été le plus difficile, mais cela s’apprend.

« Depuis Hong Kong, je cuisine des Röstis pour garder le lien avec la Suisse. »

Comment parvenez-vous à maintenir le lien avec votre Suisse natale ?

Yann : Je suis en contact une fois par semaine avec ma famille. Parfois j’appelle mes amis. Whatsapp aide à maintenir le lien. J’aime les appeler quand je fais une hike ou que je suis à la plage pour leur partager ce que je vis.

Julie : Ayant grandi à Hong Kong, c’est grâce à mes parents que j’ai tissé un lien avec la Suisse. Parfois, je me branche sur la Radio suisse romande quand je travaille à l’atelier. Maman me recommande des livres d’auteurs suisses comme Martin Suter via lequel j’ai découvert de nombreux artistes Suisse au travers de son ouvrage « Le dernier des Weynfeldt ». Je lis aussi des articles du Temps et j’aime entendre mes parents parler de leur Suisse natale, de leurs souvenirs d’enfance et de leurs vies avant Hong Kong. Sinon, même si je n’aime pas le fromage, on se retrouve aussi en famille et avec des amis pour manger une raclette ou une fondue… je mange les accompagnements. Parfois, je cuisine des plats qui me transportent en Suisse et que mes grands-parents mijotaient pour moi lors de mes vacances chez eux. Les Rösti, bien évidemment, mais aussi une soupe d’avoine ou encore un curry a la Suisse, comme je l’appelle, qui n’a rien a voir avec un curry, simplement un émincé de poulet avec des fruits secs, du curry en poudre et de la crème a la place du lait de coco.
C’est aussi au travers de mon mari, originaire des États-Unis, que je découvre la Suisse. Avide de neige et de glisses, les pistes suisses l’ont fait rêver depuis sa plus tendre enfance et ensemble on conçoit nos voyages et visites au pays afin d’en découvrir le plus possible à deux.

 

cuisine gastronomie suisse
La cuisine, un moyen de rester en contact avec son pays

 

Maxim : comme tous les étrangers, on remercie Whatsapp. C’est un peu le seul moyen de garder contact avec la famille. Et sinon, j’essaie d’envoyer quelques colis avec des petits cadeaux de temps en temps. Ça fait toujours plaisir.

Filiz : heureusement, les nouvelles technologies permettent de voir ses proches en Suisse. J’ai fait plus d’un an de relation à distance et la caméra a beaucoup aidé. Sinon, je poste de temps en temps sur Instagram ce que l’on vit et cela aide à garder le lien.

Madeline: la langue me permet de maintenir le lien. Je travaille en milieu parfaitement francophone. Même mes collègues hongkongaises parlent français. Et je garde un lien avec la Suisse en y retournant 2 fois par an, avant le Covid — au printemps et en automne. Et j’ai gardé des amis, qui ont pu venir me voir à Hong Kong. Du coup, lorsque je suis en Suisse, Hong Kong reste présente, puisque c’est un souvenir commun avec mes proches.

Du Rivella à la fondue en passant par l’Absinthe et les chips au paprika, il est possible de manger suisse à Hong Kong

Avez-vous de bonnes adresses pour les Suisses ou les fans de la Suisse à Hong Kong ?

Julie : Amatrice de bons vins, je recommande The Swiss Wine Store. Damien Fleury, son fondateur, est passionné et nous fait découvrir les vins suisses souvent méconnus, car peu exportés. Je suis aussi gaga des chips Zweifel au paprika que je ramène de Suisse dans mes valises. Étant donné que nous ne voyageons plus depuis 2 ans je les commande de temps à autre au Swiss House Shop qui les importe à Hong Kong.

 

chips au paprika spécialité suisse
Les chips au paprika, une institution en Suisse

 

Maxim : pour les plus sportifs, je vous recommande de boire un Rivella à la Spiagga, un bar suisse à Stanley — et pour les moins sportifs, une vraie absinthe servie à la fontaine au Varga Lounge à Soho.

Filiz : j’ai testé le Chalet suisse à Tsim Sha Tsui. On y a mangé la fondue. Ce n’était pas la meilleure fondue au monde, mais c’est une fondue correcte. J’ai aussi testé la raclette de Monsieur Chatté, au restaurant et à la maison, en livraison. Au restaurant, ils n’avaient pas la technique pour griller le fromage, donc j’ai été un peu déçue — mais à la maison c’était vraiment sympa. Je le conseille vraiment.

Madeline: il y a des cafés-rencontres pour les Suisses, via la Swiss association. Ils organisent régulièrement des événements pour les femmes, notamment. Et puis, il y a le Swiss Chalet à Kowloon, où j’emmène plutôt des Hongkongais qui adorent en général la fondue. Et pour la première fois cette année, je suis allée fêter le premier août [la fête nationale suisse] avec l’Association suisse !

« Mes amis en Suisse imaginent qu’on mange tous des trucs bizarres à Hong Kong... »

Comment vos amis suisses parlent-ils de Hong Kong ?

Yann : dernièrement, Hong Kong a été sous les projecteurs au niveau des médias. On a donc pas mal de feedback de la part des amis qui s’interrogent et se font du souci concernant la situation à Hong Kong. Après, ça reste quelque chose qui leur est assez inconnu, surtout pour ceux qui n’ont pas eu la chance de voyager en Asie et ils ne se rendent pas bien compte de ce qu’est Hong Kong et ce qu’est la Chine.

Julie : comme d’une ville qui foisonne où tout va très vite, trop vite peut-être, une ville dense ou ils n’imaginent pas que 70 % du territoire est verdoyant et sans immeuble et que l’on peut s’y promener sans se heurter a la foule. 

 

Hong Kong paysage randonnée
Les Suisses n’imaginent pas que Hong Kong est si proche de la nature

 

Maxim : une des choses qui revient le plus, c’est qu’ils imaginent qu’on mange tous des trucs bizarres alors que globalement on peut aussi trouver des Mac Donald, KFC et Five Guys. Mais sinon, ils s’imaginent que — comme dans d’autres villes — il n’y a que la ville alors qu’en réalité nous sommes entourés de nature, de plages et de verdure. Ils ont de la peine à s’imaginer une telle densité de buildings avec la nature tout autour.

Filiz : ils sont toujours très étonnés de voir la nature de Hong Kong. Récemment, j’ai posté une photo où j’étais sur le Peak, qui est à côté de chez moi. Ça les a vraiment étonnés d’imaginer que je pouvais être sur le Peak en 15 minutes. Ils imaginent que Hong Kong, ce n’est que des buildings. J’ai également posté des images de Cheung Chau et ils ont vraiment été étonnés des paysages. Beaucoup aimeraient venir me trouver et voudraient goûter la cuisine et découvrir les paysages.

Madeline: mes amis suisses sont presque tous venus me voir à Hong Kong. Ils sont donc plutôt intéressés et conquis. Ils en parlent positivement et ont tous aimé venir ici. Ils se sont sentis très perturbés par les récents événements…

« Mes amis hongkongais connaissent mieux la Suisse que moi. Ils m’impressionnent. »

Et vos amis de Hong Kong, que savent-ils de votre région natale ?

Yann : Je résumerais ça en 5 mots : argent, montres, chocolat, montagnes et fromage. Les gens idéalisent beaucoup la Suisse. Ils la voient comme un très beau pays. Personnellement, je trouve qu’au niveau du dynamisme, Hong Kong n’a rien à envier à la Suisse…

Julie : évoluant dans le monde de l’art et du design mes amis artistes de Hong Kong parlent souvent de Bâle et de sa foire d’art contemporain Art Basel que la plupart ont visitée au moins une fois. Du coup, ils connaissent tous la fondation Beyeler ainsi que les galeries et musées aux alentours de Bâle. Plutôt que de chocolat et de montre on parle de Le Corbusier, de Giacometti — artiste favori de mon mari Jesse — ou encore de Peter Zumtor. Nos amis céramistes en revanche connaissent bien Carouge pour son parcours carougeois qui promeut les arts du feu ou alors du musée Ariana à Genève. 

Lorsque je parle de mes origines suisses, beaucoup aussi réagissent du tac au tac et me parlent de Montreux et de son festival de jazz à la renommée internationale. 

Maxim : ils connaissent énormément la Suisse. Beaucoup y ont étudié. Pratiquement tous y sont passés pour des vacances. J’avoue que parfois ils la connaissent mieux que moi et ont vu des choses que je n’ai jamais vues dans mon propre pays. Ils m’impressionnent.

Filiz : pas grand-chose. Ils savent que c’est de là que vient le meilleur fromage du monde, qui est évidemment le Gruyère ?. Ils savent qu’il a beaucoup de vaches dans notre canton — nos vaches blanches et noires sont réputées mondialement. Ils ont vu quelques photos de la région, notamment de la ville de Gruyère. Et ils savent aussi que c’est très cher… ils sont souvent surpris par le prix du train ou du restaurant, par exemple.

 

fondue spécialité suisse
La fondue, un plat mondialement connu

 

Madeline: mes collègues sont venues en Suisse. Elles ont visité mon village, près de Neuchâtel. Nous sommes allés aux champignons, avons mangé de la fondue. Elles connaissent et elles savent même parler avec l’accent neuchâtelois et connaissent certaines expressions. Les clients, quant à eux, remarquent que j’ai un petit accent.

Il est difficile de rencontrer des Suisses à Hong Kong

Comment rencontrer des Suisses à Hong Kong ?

Yann : je vais être honnête. Je connais vraiment très peu de Suisses. J’essaie de garder mes distances avec les personnes suisses ou francophones. Je préfère m’immerger dans de nouvelles cultures, une nouvelle langue, découvrir de nouvelles valeurs et pour ce faire, je préfère ne pas trop me rapprocher du milieu francophone.

Julie : aucune marche à suivre pour moi. Les rencontres avec des Suisses sont souvent le fruit du hasard. Mais si l’on cherche vraiment à côtoyer des Suisses a Hong Kong alors je suggère d’adhérer a la Swiss Association qui propose beaucoup d’activités, des rencontres et partage les événements locaux qui ont un lien avec la Suisse. 

Maxim : ce n’est pas facile, mais je suppose qu’en soirée ou lors des événements du petit Journal, c’est faisable.

Filiz : je les cherche toujours. Où sont-ils ? Je n’en ai pas rencontré beaucoup pour être honnête. Je n’ai pas fait beaucoup d’événements lors de la Chambre de Commerce Suisse par exemple, ou organisés par le Consulat. Mais j’ai fait quelques événements internationaux, et je n’y ai presque jamais rencontré de Suisse. Je ne sais pas si c’est juste le hasard ou si nous sommes très peu nombreux. Même dans mon équipe, au travail, je suis la seule Suisse. Par contre, j’ai quelques amis que j’avais rencontrés en Suisse et qui vivent désormais à Hong Kong aujourd’hui !

Madeline: à part les associations, je ne sais pas vraiment. Ce n’est pas évident. Il y a certaines institutions qui organisent des événements, comme le Swiss Business Council et la Swiss Association.

 

Un grand merci pour leurs témoignages!

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