La plus haute juridiction de Hong Kong a marqué un tournant historique en reconnaissant les droits au logement et à l'héritage des couples de même sexe. Dans une décision rendue le 26 novembre, la Cour d'appel finale a jugé « discriminatoires et inconstitutionnelles » les règles qui excluaient les couples de même sexe des avantages réservés aux couples hétérosexuels, notamment en matière de succession et d'accès au logement public. Cette avancée, saluée comme une victoire pour la communauté LGBTQ+, corrige une inégalité qui empêchait ces couples de postuler ensemble pour un logement sous le status de “foyer ordinaire”.
Un jugement qui va faire jurisprudence
Le président de la Cour d'appel, Andrew Cheung, a rendu un arrêt soulignant l’unanimité des juges dans le rejet des recours gouvernementaux contre des décisions antérieures. Ces recours visaient à maintenir des politiques discriminatoires pour l'achat, la location et l'accès aux aides au logement à l’égard des personnes LGBTQ+.
C'est Nick Infinger, un résident de Hong Kong, qui en 2018 avait contesté en justice la politique qui empêchait son partenaire et lui-même d'accéder à un logement locatif public, sous prétexte qu’ils ne formaient pas une « famille ordinaire ».
Les cinq juges ont estimés que les exclusions des couples LGBTQ+ des programmes de logements publics et subventionnés étaient « inconstitutionnelles ». Cette decision a également rejeté l'argument du gouvernement selon lequel seuls les partenaires de sexe opposé avaient la responsabilité légale de se soutenir financièrement.
Monica Carss-Frisk, avocate représentant le gouvernement, a tenté de défendre ces politiques en affirmant qu'elles visaient à promouvoir la « procréation » au sein des couples hétérosexuels. Une justification rejetée par le président de la Cour M. Cheung, qui déclare :
« Pour les couples mariés de même sexe qui n'ont pas les moyens de louer un logement privé, la politique d'exclusion du gouvernement pourrait bien signifier qu'ils sont privés de toute possibilité réaliste de partager une vie de famille sous le même toit. »
Arrêt sur l'héritage des couples LGBTQ+
En parallèle, la Cour a également rendu un jugement concernant les plaintes de Henry Li et son défunt mari, Edgar Ng, qui se sont heurtés à des discriminations en matière d’héritage. Après leur mariage en Grande-Bretagne en 2017, Ng a acheté un appartement subventionné à titre de domicile conjugal avec Li. L'Office du logement a toutefois déclaré que M. Li ne pouvait pas être ajoutée en tant qu'occupant en qualité de membre de la famille de Ng, car les partenaires mariés de même sexe n'entrent pas dans la définition du terme « conjoint ». M. Ng craignait donc qu'en cas de décès intestat, ses biens ne soient pas transmis à M. Li.
Les juges Joseph Fok et Roberto Ribeiro ont souligné, dans un deuxième arrêt concernant l'héritage également rendu le 26 novembre 2024, l’absence de justification valable pour le traitement différencié des couples de même sexe. Ces décisions s’inscrivent dans un mouvement plus large pour les droits LGBTQ+ à Hong Kong, notamment pour les couples mariés à l'étranger, dans une région où les discriminations institutionnelles restent fréquentes.
Un contexte de changement progressif
En septembre 2023 déjà, bien que la Cour ait refusé d'accorder le droit au mariage aux couples de même sexe, la Cour avait déjà statué le 5 septembre 2023 que le gouvernement devait établir un cadre juridique pour reconnaître les partenariats entre personnes de même sexe. Ce délai, fixé à deux ans, impose désormais à l’exécutif de proposer une solution légale avant septembre 2025.
En parallèle, des progrès ont été réalisés pour les personnes transgenres. En 2023, la Cour avait statué qu’un individu pouvait modifier le sexe inscrit sur sa carte d’identité sans avoir à subir une opération chirurgicale. Toutefois, les militants déplorent que les politiques gouvernementales n’aient toujours pas été alignées sur cette décision.
Si les récentes décisions judiciaires représentent une avancée majeure pour les droits LGBTQ+ à Hong Kong sur le modèle des récentes décisions prisent à Taiwan, elles rappellent aussi que le chemin vers une pleine égalité reste semé d'embûches dans une bataille constante entre la branche judiciaire et un exécutif conservateur.