Les grandes surfaces connaissent des fortunes diverses en Chine. Cela vaut aussi bien pour les marques européennes que pour les américaines ou les chinoises.
Recomposition européenne
Dans les affaires comme dans les espèces animales ou végétales, il existe une sorte de sélection naturelle qui fait disparaître les entreprises moins adaptées à un marché pour les remplacer par de plus performantes. Ce phénomène, que Joseph Schumpeter appelait la destruction créatrice, s’applique particulièrement au secteur des supermarchés et des hypermarchés en Chine.
Si l’on ne prend que les enseignes européennes, force est de constater que les deux acteurs historiques français ont dû rebrousser chemin ces dernières années. Carrefour, autrefois bien implanté, a cédé 80% de ses activités chinoises à Suning en 2019. Auchan a pour sa part vendu tous ses magasins à Alibaba en 2020. Dans le même temps, les Anglais Tesco et Marks and Spencer et l’Allemand Metro ont aussi dû céder tout ou partie de leurs activités en Chine.
Cependant, les Européens n’ont pas complètement disparu. En effet, l’Allemand Aldi, qui a ouvert ses premiers magasins en juin 2019, connaît aujourd’hui une grande réussite avec 53 points de ventes. La clé du succès tient notamment à ses multiples partenariats avec les géants du commerce en ligne. On peut ainsi retrouver des produits Aldi sur Ele.me, JD Home ou encore Meituan, le plus grand service de nourriture en Chine.
Recomposition américaine
Dans le même temps, une recomposition similaire semble s’effectuer parmi les enseignes américaines présentes en Chine. Historiquement, il s’agit d’un bastion du géant Walmart. Arrivé en 1996 grâce à une double implantation à Shenzhen, il possède aujourd’hui 283 Supercenters et 49 Sam’s Club dans l’Empire du Milieu. Cependant, ses dernières initiatives n’ont pas toutes été couronnées de succès. En témoigne la récente vente, en août 2024, de ses actions dans JD.com, dont il a été l’actionnaire de référence pendant huit ans. Certes, en décembre 2024, Walmart s’est allié avec Meituan dans la vente en ligne, mais il semble avoir un train de retard dans ce secteur face à Taobao, la plateforme d’Alibaba ou Pinduoduo, le propriétaire de Temu.
Dans le domaine des grandes surfaces, Walmart est par ailleurs maintenant concurrencé par un compatriote en Chine. Costco séduit en effet de plus en plus de consommateurs chinois avec des produits que l’on ne trouve pas ailleurs. Si l’ouverture de son premier magasin à Shanghai, en 2019, avait provoqué une cohue indescriptible, l’inauguration tout aussi suivie de son sixième hypermarché, le 12 janvier 2024 à Shenzhen, a pu montrer la puissance de cette enseigne américaine basée sur le principe du « membership ».
Recomposition chinoise
Il n’en reste pas moins que dans cet eldorado des enseignes étrangères, les marques chinoises gardent souvent l’avantage de la connaissance de la clientèle. Yonghui, créé en 2001, compte ainsi 966 supermarchés aujourd’hui, dans 562 villes. Wumart, lancée en 1994 à Pékin, possède pour sa part plus de 2000 magasins de plusieurs formats dans le pays et réalise plus de 70% de son chiffre d’affaires dans la vente en ligne.
Mais là aussi les acteurs locaux de référence sont de plus en plus concurrencés. Ainsi, aujourd’hui, l’enseigne la plus en vue est Pangdonglai, qui possède seulement 30 points de ventes dont 7 grands hypermarchés, tous dans le Henan. Mais il s’agit des magasins les plus rentables de Chine, chacun d’entre eux générant plus de chiffre d’affaires que ceux de Walmart. De nombreux clients n’hésitent pas à faire trois heures de route pour se rendre à Xuchang, où ces magasins propres et bien achalandés sont devenus une véritable attraction.
L’histoire n’est pas sans rappeler celle de Shaxian Snacks, dans le domaine de la restauration. En trente ans, ce qui n’était qu’un simple restaurant du village de Yubang dans le Fujian est devenue une multinationale présente à New York, Tokyo, Londres ou encore Paris. Avec une telle cote de popularité, Pangdonglai peut envisager un destin similaire.