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Mon séjour à Shanghai depuis Hong Kong

Foisonnante, ample, olympienne, voici la belle Shanghai où je me suis rendu une semaine à partir de Hong Kong. Le joyau de l'Est, qui partage avec Hong Kong le rôle de carrefour entre l'Orient et l'Occident, a construit une synergie unique par son architecture audacieuse, sa scène artistique vibrante et son dynamisme économique, entre histoire et modernité.

vue de shanghai pudongvue de shanghai pudong
Une vue de Pudong, l'imposant quartier d'affaires au cœur de la capitale économique chinoise. - Freeman Zhou/unsplash
Écrit par Baptiste Salis
Publié le 6 juin 2023, mis à jour le 6 juin 2023

Shanghai, entre rêve et réalité

Huit jours à Shanghai. Une occasion pour moi d’en découvrir quelques facettes. Je le savais au fond de moi depuis bien longtemps, particulièrement alors que la fin de mon année à Hong Kong approchait, il fallait que je me rende à Shanghai. Touché d’abord, enfant, par Le dernier Empereur de Bernardo Bertolucci, qui accorde une petite, mais inoubliable, place à Shanghai, lorsque Puyi, le jeune empereur déchu, qui vit alors une truculente vie mondaine dans les milieux occidentaux des concessions, passe par le sulfureux Shanghai des années folles, où l’argent règne en maître, et dans son sillage les jeux, la drogue, les plaisirs. Et marqué ensuite, dans un genre bien différent, par Shanghai Triad de Zhang Yimou, où l’on suit le « prince du crime » calqué sur Du Yuesheng, le plus grand bandit de la Chine du XXème siècle, membre éclatant de la triade de la « Bande Verte », emblématique du Shanghai des années 1920 et 1930. Puis les photos, les archives, les reportages, qui font de cette ville un héritage vivant, une image d’Épinal qu’on ne peut s’empêcher de vouloir soi-même toucher du regard.

A mon arrivée, la Nanjing Road avait pris sa robe étincelante : néons, leds, gigantisme des bâtiments qui s’enchaînent, petits commerces en enfilades, et, élément à relever, une forte présence policière. Shanghai est avant tout la capitale économique d’un pays d’1,4 milliards d’habitants, et cela se voit. Le deuxième élément qui surprend en arrivant, et qui se confirmera tout au long de mon séjour, c’est la faible présence occidentale. J’ai pu en croiser quelques-uns, pour la plupart des touristes, mais bien peu. Etonnant peut on se dire, pour une ville modelée par la présence occidentale dans les concessions.

L'ancienne Concession Française de Shanghai

L'ancienne Concession Française m’a, je dois le dire, fasciné. C’est avec le traité du Huangpu en 1844, que les Français s'installent à Shanghai, profitant de l'ouverture forcée de la Chine aux échanges après la première guerre de l'Opium. Jusqu’en 1946, la concession se développa à un rythme spectaculaire. Sur l’ancienne avenue Joffre, des platanes ont été plantés au début du XXème siècle et tandis que le tramway reliait les quelques 7 kilomètres entre l'Est et l'Ouest, la ville a vu progressivement se généraliser l'automobile.

En marchant le long de cette ancienne Avenue Joffre, rebaptisée Huaihai Road, on ne peut qu’être captivé par les imposantes façades de l'époque française. J'ai rapidement pris une petite rue adjacente, autrefois appelée rue Henry, désormais connue sous le nom de Xinle Road. Cette rue animée est bordée de boutiques de mode, de cafés et de galeries d'art, transpire une atmosphère assez bourgeoise-bohème, aux airs parisiens et aux rumeurs de Chine. Mais ce qui m’emmenait ici était avant tout le Mansion Hotel, construit en 1932 et célèbre pour avoir été le clubhouse de l’éminent Du Yuesheng, chef de la Bande Verte du Vieux Shanghai. 

normandie appartment shanghai
Les "Appartements Normandie"  à l'Ouest de la concession.

En poursuivant ma promenade, dans un silence doux et printanier, qui contraste beaucoup avec l’image que l’on se fait de cette mégapole en arrivant, je me suis aventuré dans les étroites allées, les lilongs, bordées de "Shikumen", ces maisons shanghaiennes combinant style chinois et éléments occidentaux. Le terme "shikumen" signifie littéralement "porte de pierre", du fait des entrées qui caractérisent ces maisons.

Ces ensembles d’habitations alignées, espaces clos autour de ruelles interconnectées, est apparu en raison de la spéculation immobilière qui a marqué le Shanghai de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle. Pas d’anarchie, de constructions chaotiques, mais un ensemble cohérent. Cent fois, mille fois, je me suis arrêté pour me perdre dans le dédale de ces rues, observer les dames âgées étendre leur linge, les hommes à leur jeu de mahjong autour d’une table de fortune et le gardien de la précieuse entrée du pâté de maisons, tirant sur sa cigarette en discutant avec quelques habitués. 

Lilong Shanghai
L'intérieur d'un lilong.

Art Déco et célébrités à Shanghai

En redescendant un peu et en empruntant l’ancienne rue Lafayette (Fuxing lu), on remarque facilement le foisonnement architectural français. Les influences de l'Art Déco sont là : symétrie, formes superposées, géométrie rectiligne, ornements stylisés. Mes pas m’ont ensuite emmené à Tianzifang, quartier touristique et artistique, assez bohème là aussi, à l’ambiance villageoise d’un ancien lilong rénové. Bars, restaurants, souvenirs, minces ruelles dans lesquelles se rencontrent commerçants habitués au négoce avec les étrangers et habitants du quartier rentrant chez eux, dans leurs petites impasses closes. On s’y rend en descendant le Fuxing Park, ou « parc des Français », écrin de verdure au cœur de la ville, où vous pourrez observer les statues de Marx et Engels qui ont remplacé les nymphettes dénudées de la période européenne. A l’ouest de l'ancienne concession, j’ai finalement exploré les lilongs de Wukang Road, réputés avoir été le lieu de vie d’écrivains, d’artistes et d’intellectuels. L'occasion de passer devant les fameux "appartements Normandie", construits en 1924.

Vieille ville et jardin traditionnel à Shanghai

Rarement comme à Shanghai j’ai ressenti, paradoxalement, une unicité dans le contraste : Tout est à la fois paisible et vivant. Chacun est à sa vie, à ses affaires, mais peu se pressent véritablement, et la tendre atmosphère est celle d’une petite ville française. J’enchaînais avec une promenade dans la vieille ville, à proximité du Jardin Yu. Le jardin Yu est facilement accessible par la ligne 10 du métro shanghaien, qui vous mènera à Cheng Huang Miao et vous coûtera une misère. Malgré le prix élevé de l’entrée pour Shanghai, il vaut le déplacement. Edifié en deux décennies au XVIème siècle par Pan Duan, qui souhaitait faire plaisir à son père alors officiel de haut rang des Ming, il s'est lentement dégradé avant d'être remis en état à la fin des années 1950.

vieux shanghai
Aux abords du Jardin Yu, à Cheng Huang Miao (Temple du dieu de la ville).

Et on ne peut naturellement parler de Shanghai sans parler du Bund, sur lequel j’ai souvent achevé mes journées de découvertes, attendant que les lumières de Pudong et des bâtiments d’héritage colonial s’éteignent, observant un dernier instant leurs lueurs. C’est un lieu dont on s’imprègne. Des bâtiments coloniaux de style victorien et néoclassique, mêlés aux ensembles Art déco, tels que le Peace Hotel et la Custom House. Le bonheur pour moi à Shanghai, étudiant à Hong Kong, c’était donc flâner, écouter le silence des rues bordées de végétation, ou le brouhaha tenu des badauds sur le Bund, observant Pudong, majestueux quartier des affaires où règne la Perle de l’Orient. Les bâtiments coloniaux français et britanniques créent une combinaison d’architecture unique.

Cuisine shanghaienne

Il faut en venir à parler d’aventures culinaires. Il vous faudra goûter le xiǎolóngbāo, toute une expérience culinaire dont on tombe vite sous le charme. Préparés avec de la farce de viande, des légumes et du bouillon, tout cela emballé dans une raviole, ces « raviolis de Shanghai » ressemblent aux dim sum hongkongais, mais sont plus larges et contiennent de la soupe au milieu, qu’il faut boire grâce à un trou formé avec sa baguette. J’ai également pu goûter le qingzheng yu, poisson à la vapeur mariné aux épices. Mais il faut aimer les plats épicés au goût fumé, la sensation est spéciale, mais rapidement on ne regrette pas son choix et on en redemande. Enfin, le traditionnel porc braisé, sucré et caramélisé. Les habitants de Shanghai apprécient les repas en famille ou entre amis, souvent dans des restaurants locaux, mais moins fréquemment qu'à Hong Kong, où manger dehors est une habitude. 

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