Marc Cerdan : « Accompagner les Alliances Françaises en Chine et dans le monde »

Les 830 Alliances Françaises couvrent 135 pays 

Vous êtes Secrétaire général de la Fondation Alliance Française. Quel rôle joue cette fondation ?

La Fondation a pour rôle principal l’animation de la communauté mondiale des 830 Alliances Françaises dans 135 pays. Ce sont des associations indépendantes de droit local. Nous veillons à la cohérence de l’ensemble, matérialisée entre autres par une charte commune qui reprend l’histoire, les valeurs, les missions, l’écosystème et les bonnes pratiques de l’Alliance Française. Nous créons entre 4 et 6 nouvelles Alliances Françaises chaque année. La partie régulation se fait par l’attribution du label. Nous nous chargeons aussi de protéger la marque. Sur le volet animation, nous organisons des événements pour renforcer le sentiment d’appartenance, notamment pour les plus isolés. Nous gérons aussi une plateforme numérique globale. Nous sommes une structure légère d’une dizaine de personnes mais supportée par 70 coordinateurs locaux au sein de 6 zones géographiques. Nous sommes en lien avec le Ministère des Affaires étrangères et les postes diplomatiques français dans le monde.

La curiosité de l’autre et le dialogue interculturel

De Damas à Oslo, vous avez un parcours très international. Qu’est qui vous attire dans ce métier ?

J’ai commencé ma carrière par un VSNE en Syrie avec l’Alliance Française de Damas, ce qui correspond à mon goût pour l’international, avant de prendre un poste en Norvège au Service Culturel de l’Ambassade, l’équivalent de l’institut Français aujourd’hui. Puis je suis repassé par la France au sein de la DRAC Nord Pas de Calais sur des projets liés à la musique pendant une vingtaine d’années. Je suis revenu dans le réseau de la France à l’étranger comme directeur l’Alliance Française à Mexique, puis délégué général Amérique du Sud pour la Fondation. Enfin en 2019, j’ai pris ma fonction actuelle. Ce qui me tire c’est la curiosité pour l’autre et le dialogues entre les cultures.

Le français est concurrencé dans le monde

Quels sont aujourd’hui les enjeux des Alliances Françaises dans le monde ?

Aujourd’hui le contexte économique post-covid impacte négativement le réseau qui a perdu 25% d’activité globalement par rapport à 2019. Le pouvoir d’achat a diminué et la langue française est concurrencée dans le monde. Le contexte géopolitique de plus en plus tendu n’aide pas au développement. Nous sommes aujourd’hui aux côtés des Alliances Françaises dont certaines font face à des difficultés économiques ou sur le volet ressources humaines. Nous aidons donc les Alliances à se redéfinir dans certains cas autour de nouveaux projets pour renouer avec les missions de promotion de la francophonie et de dialogue interculturel. Nous insistons énormément sur le couple enseignement-culture qui fait aujourd’hui notre différence. L’approche réseau permet souvent d’avoir une réflexion nationale et internationale en matière de synergies, stratégie, outil ou communication.

La culture et l’éducation remplacent les armes

La diffusion de la langue française est-elle un combat perdu ou au contraire un élément clé du soft power français ?

C’est vrai que si le dialogue entre les peuples que nous incarnons ne va pas toujours de soi, les Alliances continuent leur vie en parallèle. Nos avons par exemple des Alliances Françaises qui fonctionnent en Russie et en Ukraine dont les directeurs se sont retrouvés à Paris pour échanger à la Fondation. Le dernier rapport de l’OEF indique que la langue française baisse en Europe et progresse en Afrique. Paradoxalement, trois pays africains francophones se sont éloignés récemment de la France. Jean-Yves Le Drian expliquait en 2019 que le « soft power » disparaissait au profit du « hard power ». Or les Alliances Française, associations de droit local, ne peuvent rentrer dans cette catégorie. Nous sommes depuis 1883 à l’origine de l’idée, reprise depuis par de nombreux pays, que l’on peut conquérir le monde non pas par les armes mais par la culture et l’éducation, alors que la France avait justement été battue par la Prusse. Depuis, les Alliances se sont répandues partout, les membres de conseils d’administration des Alliances étant souvent des personnalités locales, qui les portent et réinventent à leur manière l’Alliance Française.

En Asie, nous accompagnons en faisant confiance

Quelle est la teneur de votre venue en Asie et à Hong Kong en particulier ?

En Chine, où nous avons rencontré 9 Alliances, y compris Hong Kong et Macao, ce renouveau se ressent car les intérêts locaux rejoignent souvent le dessein global de l’échange interculturel. Ainsi à Pékin, nous allons signer un partenariat pour l’intégration de l’Alliance dans le campus de l’Université BLCU, ce qui change un peu du modèle initial mais ne pose pas de soucis si le cadre commun est respecté. C’est le but de cette tournée que de faire évoluer la charte en accompagnant plus qu’en pilotant pour répondre aux besoins sur le terrain. En Chine continentale, l’Institut Français gère les budgets de la partie culturelle alors que celle-ci est habituellement dans la mission des Alliances Françaises. Il s’agit donc de faire en sorte que la synergie fonctionne au mieux. A Hong Kong, le Festival du Film Français géré par l’Alliance Française est le vieux de la ville, la première au monde en termes de programmation, juste derrière l’Australie pour les entrées. C’est un fort élément de diffusion de la culture francophone qu’il convient de soutenir.

Un message pour les lecteurs du Petit Journal dans le monde ?

Venez à l’Alliance Française ! C’est un réseau très vivant, qui redémarre après le Covid dans beaucoup de pays. C’est un excellent moyen pour vous de rencontrer des locaux et le fait de voir des Français pour les locaux favorise leur acquisition d’une vraie expérience française. C’est le lieu pour le partage interculturel par excellence, alors on vous attend !