L’ambassadeur de Chine à Paris, Lu Shaye, était considéré comme le symbole de la diplomatie « des loups combattants ». Selon le Hong Kong Sing Tao Daily du 12 juin, il a été nommé président de l’Association du Peuple chinois pour l’amitié avec les pays étrangers. Il quitte donc la France après avoir tenu des propos particulièrement polémiques.
Une nouvelle diplomatie pour la Chine
L’ambassadeur de Chine en France sur le départ, Lu Shaye, 58 ans, se définit lui-même comme un « loup combattant » ou « loup guerrier », en référence à deux blockbusters nationalistes « Wolf Warrior » de 2015 et 2017, avec pour vedette une sorte de Rambo chinois. La deuxième aventure de cette dilogie met par exemple en scène le héros Leng Feng sauvant ses compatriotes et les étrangers coincés dans un pays africain en guerre civile, alors qu’aucun pays occidental n’intervient. Le « loup guerrier » désigne donc à la fois la grande puissance protectrice chinoise et la diplomatie de l’action.
Lu Shaye symbolise parfaitement cette stratégie offensive dès le début 2019, alors qu’il est ambassadeur de Chine à Ottawa. Il accuse alors les médias canadiens de refléter « l’égotisme occidental et la suprématie de la race blanche ». En récompense de cette défense ininterrompue de l’Empire du Milieu, il est nommé en juin 2019 au poste d’ambassadeur de Chine en France. Il s’agit alors d’une apogée pour un fonctionnaire entré à 26 ans au ministère des Affaires étrangères chinois, qui avait pris en 2015 la tête du Bureau central des Affaires étrangères, directement rattaché au Politburo du PCC.
Des propos polémiques envers la France
Cette liberté de ton sans limite provoque rapidement des tensions avec Paris. Ainsi, le 12 avril 2020, alors que le Covid paralyse l’Europe, le site de l’ambassade de Chine à Paris publie le texte d’un « diplomate chinois anonyme », affirmant que les personnels des Ehpad « ont déserté collectivement laissant mourir leurs pensionnaires ». S’en suit la première convocation de l’ambassadeur par Jean-Yves Le Drian, alors ministre des Affaires Etrangères.
Trois semaines plus tard, une deuxième convocation suit, lorsque le diplomate tweete cette fois une caricature représentant la Mort vêtue du drapeau américain, avec une étoile de David sur sa faux, frappant à la porte de Hong Kong.
Toujours sur Twitter, pourtant interdit en Chine, Lu Shaye traite également en mars 2021 le chercheur français Antoine Bondaz de « petite frappe », de « hyène folle » et de « troll idéologique ». Certains évoquent alors un « effet Bondaz » consistant à attirer l’attention sur quelqu’un en voulant le discréditer.
Polémique récente concernant l’ex-URSS
Cependant, la plus grande polémique survient le 21 avril 2023. Lors d’un entretien sur LCI, Lu Shaye soutient que les pays de l’ex-Union soviétique « n’ont pas de statut effectif dans le droit international parce qu’il n’y a pas d’accord international pour concrétiser le statut de pays souverain ». Cela vaut aussitôt des convocations à chacun des ambassadeurs de Chine dans les pays baltes, une tribune de 80 parlementaires européens dans « Le Monde » demandant à la France de déclarer Lu Shaye « persona non grata », puis un communiqué de Pékin en forme de désaveu, dans lequel la Chine assure « respecter le statut d’Etats souverains des Républiques » issues de la dissolution de l’URSS en 1991.
Cela signifie-t-il une mise en retrait des « loups guerriers » ? En septembre 2021, l’ambassadeur de Chine en Suède, Gui Congyou, avait été rappelé par Pékin après avoir été convoqué une quarantaine de fois par Stockholm. En janvier 2022, Zhao Lijian, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a été muté au département des affaires frontalières et maritimes. Le retour au pays de Lu Shaye apparaît-il donc comme un nouveau mouvement de mise en retrait des loups combattants ?