Entre tradition et innovation, Hong Kong s’impose comme un laboratoire unique où convergent diversité culturelle, nouvelles technologies et enjeux éducatifs mondiaux. Pour mieux comprendre les tendances et défis de ce secteur, nous avons échangé avec Michael Maneska, chef d’établissement du Lycée Français International de Hong Kong, Rachel Chan, cofondatrice d'Esperanza, une association connectant startups EdTech et partenaires locaux, ainsi que Christian Masset, fondateur de Peak Communication.
Une offre de formation qui se transforme
Michael Maneska, qui dirige cette année le Lycée Français International, décrit un établissement qui reflète parfaitement l’évolution de Hong Kong : « C’est un établissement fabuleux, le plus ancien établissement international de Hong Kong, avec 3 000 élèves répartis entre les filières française et internationale. » Mais au-delà des succès – Le Lycée français classé première école française au monde en 2024 sur le plan académique – Michael souligne que l’école traverse, comme tout le secteur, une période de transition.
La pandémie et les changements politiques ont eu un impact durable. « Nous avons vu des familles partir pour Singapour, Shanghai ou ailleurs, mais la demande locale reste forte », explique-t-il. Une tendance intéressante : l’arrivée d’élèves issus de familles locales ou d’expatriés ayant vécu à l’étranger, en quête d’une éducation ouverte sur le monde. « Ces familles recherchent des établissements internationaux où leurs enfants peuvent s’épanouir dans un environnement multiculturel et multilingue », ajoute-t-il.
Hong Kong cherche également à attirer davantage d’étudiants internationaux grâce à la création de la marque "Study in Hong Kong". Selon les propositions du chef de l’exécutif John Lee dans son dernier discours de politique générale, le gouvernement souhaite développer la ville comme un hub international pour l’enseignement supérieur. Cette stratégie inclut la promotion mondiale des établissements locaux, l’organisation de conférences et d’expositions internationales sur l’éducation, et une collaboration accrue entre les institutions locales et étrangères.
Des établissements internationaux où leurs enfants peuvent s'épanouir dans un environnement multiculturel et bilingue
L’influence des technologies dans l’apprentissage
L’intelligence artificielle (IA) bouleverse les pratiques éducatives, et Hong Kong n’échappe pas à cette révolution. Comme le souligne Michael, « l’IA est tellement répandue chez les jeunes qu’il est essentiel de l’intégrer dans l’enseignement, non pas comme une menace, mais comme un outil. » Il met en avant l’importance d’aider les élèves à développer leur esprit critique face à ces nouvelles technologies : « ChatGPT permet d’aller plus loin dans l’analyse, mais il faut apprendre aux élèves à confronter les idées et à faire leur propre bilan. »
Du côté des startups, Rachel explique le travail d'Esperanza. « Nous identifions des solutions edtech éprouvées dans le monde entier, nous les présentons à Hong Kong et nous les mettons en relation avec des partenaires locaux et internationaux. Par exemple, nous avons mis en relation Mandarin Matrix, basée à Hong Kong, avec le groupe Jio en Inde, ce qui les a aidés à lancer leurs activités sur ce marché ». Selon elle, la technologie peut rendre l'apprentissage plus attrayant, personnalisé, inclusif et efficace. répondre aux besoins spécifiques des apprenants et des éducateurs, en particulier dans les pays en développement. Nous n'avons pas d'autre choix que de continuer à apprendre pour rester pertinents dans un monde « VUCA » (volatile, incertain, complexe et ambigu). . »
Christian Masset, expert en formation professionnelle et fondateur de Peak Communication, partage son expérience : « En formation, la technologie peut être utile pour certains aspects comme l’analyse des performances ou la thérapie de la peur du contact social. Mais dans des contextes comme la communication et le développement personnel, c’est l’humain qui doit rester au cœur. Lorsque j’accompagne mes clients, mon objectif est de faire ressortir leur authenticité et leur impact, car c’est cela qui les rend mémorables. »
La montée en puissance des formations en ligne et des certifications modulaires (micro-certifications) est également une tendance majeure. L’Employees Retraining Board (ERB) de Hong Kong, par exemple, prévoit d’étendre son offre de cours en ligne et d’introduire des programmes plus flexibles pour permettre aux professionnels de se former rapidement sur des compétences spécifiques tout en restant en emploi.
L'attrait de Hong Kong facilite le recrutement
Le recrutement des enseignants à Hong Kong reflète également les défis globaux du secteur. « Le vivier d’enseignants n’est plus ce qu’il était », explique Michael, en faisant référence à la pénurie de professeurs en France et aux restrictions liées au détachement des titulaires. Cependant, il note que le visa de travail à Hong Kong est plus accessible qu’aux États-Unis, ce qui attire des enseignants variés, souvent séduits par la ville. « Hong Kong est extrêmement séduisante, et beaucoup d’enseignants viennent pour un an… et restent bien plus longtemps ! »
La diversité des profils des élèves, souvent bilingues ou trilingues, influe également sur l’approche pédagogique. « Nos élèves passent du français à l’anglais ou au chinois avec une facilité déconcertante. Cela pousse nos enseignants à aller vite et à s’adapter à des attentes élevées », confie-t-il. Rachel, de son côté, met en avant l’importance des compétences humaines à enseigner dans un contexte multiculturel : « Collaboration, empathie, esprit critique – ce sont ces qualités qui permettront aux talents de demain de s’épanouir. »
Par ailleurs, le gouvernement de Hong Kong a annoncé plusieurs initiatives pour répondre à la pénurie de talents dans la région, avec une projection de 180 000 postes vacants dans les cinq prochaines années. Parmi ces mesures, on trouve la réforme des dispositifs d’admission des talents, comme l’ajout de 13 universités de renom à la liste du Top Talent Pass Scheme et l’extension de la durée de validité du visa pour les talents à hauts revenus, passant de deux à trois ans.
Vers une pédagogie inclusive à Hong Kong
L’inclusivité et le bien-être des élèves deviennent des priorités depuis la pandémie. « Nous avons tous pris conscience de l’importance du bien-être », affirme Michael. Après les confinements, qui ont parfois duré des mois dans d’autres régions du monde, les élèves et enseignants ont dû réapprendre à vivre ensemble. « L’école n’est pas seulement un lieu d’apprentissage académique, mais un endroit où les jeunes apprennent à vivre avec les autres », insiste-t-il.
Pour Christian Masset, l’avenir de la formation repose sur une combinaison d’innovation et de fondamentaux humains : « Nous préparons les professionnels à des défis complexes et des opportunités inédites. Cela passe par des outils modernes, mais surtout par le développement de leur confiance en eux, leur clarté d’expression et leur capacité à marquer leur audience. »
Rachel Chan partage cette vision et souligne le rôle crucial de l’apprentissage tout au long de la vie. « Apprendre nous permet de rester jeune, vraiment. Nous devons encourager chacun à continuer à se former, à rester curieux et à développer ses compétences. » Elle espère qu’à Hong Kong pourra renforcer son rôle en tant que hub éducatif mondial.
Un futur éducatif entre tradition et innovation
Le secteur de l’éducation à Hong Kong reste marqué par un équilibre subtil entre tradition et innovation. « Nous préparons nos élèves à des métiers qui n’existent pas encore, à résoudre des problèmes qui n’ont pas encore été posés », conclut Michael. Pour cela, l’éducation doit s’appuyer sur des compétences clés comme la créativité, l’empathie et l’esprit critique, tout en intégrant les outils technologiques.
Quant à Rachel, son conseil aux acteurs du secteur est simple mais essentiel : « Grit. Le changement culturel ne se fait pas du jour au lendemain. » Mais avec sa capacité à évoluer rapidement et sa richesse culturelle, Hong Kong semble bien placée pour relever les défis de l’éducation du 21ᵉ siècle.