La Chine semble toujours attendre de se trouver au pied du mur avant de prendre des décisions qu’elle reporte au lendemain depuis des décennies.
Le 2 avril, Xi Jinping dirigeait la 1ère session de la Commission Centrale des Affaires économiques et financières, tout juste élevée à ce statut afin de lui permettre d’accélérer toute décision concernant la pollution, la lutte anti-pauvreté ou les dettes publiques. A présent, ni lobby ni Conseil d’Etat, ni Comité Central ne peuvent plus faire pression: la Commission a tous pouvoirs pour faire appliquer ses consignes là où elles l’étaient le moins – en provinces. En présence de Li Keqiang et du vice-premier Han Zheng, cette réunion fit feu de tout bois sur la priorité absolue, la dette des provinces, alors que menace le conflit commercial avec les USA.
Le Président Trump, après avoir tiré en mars sa première salve de 3 milliards de $ de taxes sur les aciers et l’aluminium chinois, lance (3 avril) la seconde (50 milliards $) sur les produits high-tech, ceux couverts par le plan "made in China 2025" qui prétend s’approprier les dernières technologies (semi-conducteurs, nanotechnologie) souvent en forçant les multinationales à céder leurs brevets à des rivaux locaux. Face au tsunami de taxes américaines annoncées, la Chine répond du tac au tac. Mais elle sait bien que cela ne suffira pas : dans l’hypothèse de la perte d’une partie de leur marché américain, nombre de consortia chinois auront plus que jamais besoin de subventions de leur province qui, criblée de dettes, ne sera plus en état de les lui fournir. Or cette situation fait risquer une série de faillites « en dominos ». Le remède consiste en une discipline d’investissement des consortia et des gouvernements locaux, auxquels les banques sont interdites de prêter jusqu’à nouvel ordre. Les projets risqués sont interdits et la traque du crédit gris s’exacerbe. Pékin rajoute à sa panoplie répressive un cadre de surveillance rapprochée des cadres locaux responsables…
A Bo’ao (Hainan) le 8 avril se tiendra le Forum pour l’Asie (fondé en 2002 pour l’adhésion à l’OMC), Xi Jinping dévoilera l’"interprétation la plus fiable des mesures […] pour les 40 ans de politique d’ouverture". Une 1ère liste vise les ports francs, créés il y a une dizaine d’années entre Shanghai, Shenzhen, Xiamen et Tianjin, mais qui n’ont jamais décollé faute d’une marge d’autonomie suffisante. Xi devait annoncer l’octroi de privilèges exorbitants, tels la libre circulation des biens, des personnes et des capitaux, l’accès au marché national, et de nouvelles normes financières et commerciales calquées sur celles de l’OCDE. La première de ces zones de style nouveau serait Hainan, désormais titulaire d’une liberté d’entreprise supérieure à celle de Shanghai et même de Hong Kong. Une autre série de mesures, attendue depuis des mois, devrait ouvrir la finance, l’assurance, les intermédiaires de marché, la santé—sous réserve d’inventaire.
A tous ces projets, deux problèmes. L’un est la compatibilité de ces zones franches avec le reste de l’économie: comment survivre à une telle distorsion de concurrence? Pour se protéger des retombées, Hainan préparerait déjà le gel de tout achat de terrain, pour éviter un déménagement de toute la Chine sur son sol insulaire.
L’autre difficulté pour la Chine, sera de convaincre le monde de sa sincérité. Les Etats-Unis ne croient pas en ces bonnes paroles – qui étaient déjà prononcées en 1997 par Zhu Rongji, en 2010 par Wen Jiabao, sans être suivies d’effets.
Pendant ce temps, le protectionnisme belliqueux de Trump le fait remonter dans les sondages: il n’a aujourd’hui nul intérêt à faire marche arrière. Mais alors, les nouvelles mesures promises par Pékin pourront-elles être ressenties comme un authentique changement de cap, assez convaincantes pour calmer les Occidentaux?