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Jean, la "maman" des buffles de Hong kong

jean leung s'occupant des buffles à Hong Kongjean leung s'occupant des buffles à Hong Kong
Écrit par Didier Pujol
Publié le 2 mai 2021, mis à jour le 2 mai 2021

Vous l’avez sûrement aperçue, lors de vos balades sur la plage de Pui O, donnant à manger aux buffles d’eau présents dans la zone de marécage, Jean Leung, souvent vêtue d’une chemise à carreaux et de bottes, a dédié sa vie aux soins de cette espèce en voie de disparition. Rencontre avec la femme qui murmurait à l’oreille des buffles.

« Sauver les buffles de l’extinction programmée » 

Tout a commencé il y a 12 ans, quand cette résidente de Shap Long à l’époque trouve un mâle blessé dans son jardin. Jean explique : « Ngau Ngau, ainsi que je l’appelle désormais, avait une patte cassée les os étaient sortis de leur axe et une vilaine blessure envahie par les mouches. Il semblait souffrir terriblement et surtout la plaie ouverte était infectée. Je ne savais absolument pas quoi faire, mais quelque chose devait être tenté. J’ai donc essayé de l’approcher en utilisant un parapluie pour me cacher, jusqu’à pouvoir saupoudrer la blessure de désinfectant. Au bout de plusieurs jours, la plaie avait meilleure allure, mais il a fallu plusieurs semaines pour que l’animal puisse à nouveau se tenir debout. Après son retour dans le troupeau de Pui O, Ngau Ngau a malheureusement continué de boiter. Comme la présence des femelles l’excitait et qu’il ne pouvait les féconder, car chaque fois qu’il se dressait sur ses pattes arrières, il tombait, le vétérinaire du gouvernement a fini par le stériliser. Aujourd’hui, je suis restée fidèle à la promesse que j’avais faite à Ngau Ngau de m’occuper de lui s’il s’en sortait et je le nourris chaque jour." 

« Chaque buffle a son nom »

Lorsque Jean se déplace sur le terre-plein de Pui O, elle crie « Limping, Bibi, Bambi, Siu Wan...». Les animaux s’élancent vers elle au premiers accents de sa voix. « Ils me connaissent bien désormais, car certains sont là depuis de nombreuses années et ils accourent parfois au seul son de ma portière qui se ferme, espérant profiter de fruits frais. D’autres sont arrivés seulement il y a un an, déplacés d’autres secteurs comme Sai Kung, dans le cas de plaintes d’habitants ou parce qu’ils avaient perdu leur mère. Je les nourris pendant la période de l’hiver quand l’herbe n’est pas assez abondante, en principe de novembre à avril, mais récemment à cause des campeurs qui s’installent en dehors du site de camping officiel, la surface accessible aux buffles diminue drastiquement. L’herbe pousse mal sur les zones occupées par les tentes et autres véhicules et les animaux ont peur à cause du bruit. De plus, les feux de camp détruisent irrémédiablement la possibilité pour l’herbe de pousser. Aussi, cette année, je dois continuer de les nourrir au-delà d’avril, ce qui est un très mauvais signe.»

Jean est accueillie par ses protégés tandis que les campeurs s’installent pour le week-end en arrière plan :

« Le gouvernement fait très peu »

« Que ce soit au niveau de la protection des espaces naturels ou des soins apportés aux buffles, le gouvernement de Hong Kong est très peu impliqué. Il faut savoir que les terrains où paissent les animaux sont en majorité la propriété de groupes privés qui sont connus pour la spéculation immobilière à Hong Kong. Il n’est donc pas envisagé de créer un quelconque écoparc. En fait, les villageois voient surtout les buffles comme une nuisance et les incursions dans leur territoire sont de plus en plus nombreuses chaque année, par construction de bâtiments ou bétonnage de terre-pleins. Récemment, un responsable sur Pui O et un autre sur Mui Wo ont été nommés par le gouvernement pour éviter les incursions des animaux près des routes et appellent à l’occasion le vétérinaire du service Agriculture et Pêche qui a pour consigne de stériliser tous les animaux mâles. La conséquence est qu’aujourd’hui, plus aucun mâle de Pui O ne peut se reproduire. Cette année est la première année sans nouveau-né si bien que l’espérance de vie d’un buffle étant de 19 ans, il n’y aura plus de buffles ici avant vingt ans. »

jean leung apportant de la nourriture aux buffles d'eau de Lantau
Jean doit désormais nourrir les animaux au-delà de l’hiver du fait de l’extension du camping sauvage à Pui O

« La protection est la responsabilité de chacun »

Le buffle d’eau a été amené à Hong Kong par l’homme pour aider les travaux agricoles quand les îles étaient encore couvertes de rizières. Suite au développement industriel, l’agriculture de subsistance a disparu et les animaux sont retournés à l’état semi-sauvage. Ils font pourtant partie du patrimoine écologique et historique de Hong Kong et participent à la biodiversité. Or chaque année voit leur nombre diminuer. « L’année dernière nous avons perdu 19 animaux et l’année précédente encore 17, soit de mort naturelle, car sur 10 naissances seuls un ou deux nouveau-nés survivent, soit du fait des intempéries, avec les typhons. Les gens doivent prendre conscience qu’en empiétant sur les rares espaces dont les buffles disposent encore, ils accélèrent la disparition de ces animaux. Je suis particulièrement remontée contre le camping sauvage qui envahit illégalement des herbages utilisés par les buffles. Aujourd’hui, ce sont ces comportements individuels qu’il convient de changer, car en agissant de façon responsable, nous pouvons aussi influer sur les politiques globales qui finissent par faire écho aux préoccupations du public. Bien que je continue à faire ce travail de manière bénévole en plus de mon métier d’agent immobilier, je crains que cela ne suffise plus. La prise de conscience doit être plus large. »

Contact Jean Leung : ICI

En écrivant cet article, nous espérons également au Petit Journal attirer l’attention sur le danger que représentent les mobilisations de masse sur les derniers espaces de nature présents à Hong Kong. Soyez responsables et respectueux de l’environnement, là où vous trouvez.

 

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