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Histoire du lait à Hong Kong

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Une vache frisonne sur la tasse de votre thé au lait
Écrit par Patricia Herau-Yang
Publié le 16 avril 2020

Les pionniers britanniques à Hong Kong ont importé leur tea time et même leurs vaches, dans une colonie sans lait. Après des années de vaches maigres pendant l’occupation japonaise, les Hongkongais se sont transformés en consommateurs avisés de lait, et ont créé une boisson unique, infusée paraît-il dans un bas de soie…

Au commencement était l’autarcie

Les premiers expatriés occidentaux savaient que, dans un Hong Kong sans lait, il fallait avoir une vache dans son foyer. Dans les années 1850, les colons étaient donc des gentlemen farmers. Le lait tiré, ils achetaient des blocs de glace au distributeur exclusif George Duddell pour éviter qu’il ne se gâte trop vite dans un climat tropical. Les conditions d’hygiène étaient déplorables. Nigel Cameron écrit dans son livre paru en 1986 The Milky Way: The History of Dairy Farm, que les bovins étaient élevés à proximité des maisons, les bouses voisinant avec le lait tiré.

Le salut: l’arrivée de l’Ecossais Patrick Manson

Chirurgien arrivé en 1883, Patrick Manson est horrifié par la qualité du lait consommé par la population européenne installée à Hong Kong. Il lance, avec l’aide de 5 hommes d’affaires, la création de ce qui deviendra Dairy farm. Un cheptel de 80 vaches frisonnes est importé d’Ecosse, un terrain acheté à Pok Fu Lam pour leur élevage. La production de lait et beurre est une réalité dès 1886.

 

Histoire du lait à Hong Kong
Une publicité pour Dairy Farm dans The Hong Kong Telegraph, 1923

 

Les plaies: la peste bubonique de 1894, la peste bovine

Une épidémie de peste bubonique se déclare dans la colonie, c’est le chaos. S’ensuit une épidémie de peste bovine, qui décime le troupeau de Dairy Farm. C’est seulement grâce à la présence d’esprit d’un fermier local, Cheuk Yau, qui met 30 vaches en quarantaine dès que la maladie se déclare, que l’élevage peut reprendre. Cheuk Yau meurt peu après. La direction remerciera sa veuve et embauchera ses deux fils.

Dairy Farm revient…mais n’est pas seul

Dairy Farm est, dans les années 1930, de loin la plus grande et plus moderne des fermes du sud de la Chine. La compagnie possède un monopole sur l’incontournable glace, qui assure la conservation du produit, gère six magasins de détail, et fournit les marins qui mouillent à Hong Kong. Ils vendent aussi des glaces aromatisées (photo).

Pourtant, la concurrence est là: en 1940, deux entrepreneurs, George Ahwee et Rudy Choy, fondent Kowloon Dairy pour approvisionner la partie nord de la colonie. En 1956, des moines trappistes s’installeront au monastère Haven Monastery sur l’île de Lantau avec leurs vaches. En 1962, Hong Ning, un autre producteur localisé dans les Nouveaux Territoires, lance à son tour la production.

Le déluge de la seconde guerre mondiale: danger et opportunité

De 1900 vaches à la veille de la bataille de Hong Kong, le cheptel tombe à 300 à la fin de la guerre, maigres et produisant peu. Dès la fin de la guerre, l’empire Dairy farm contre-attaque et reprend la production. C’est une politique publique de nutrition qui va en fait booster la consommation du lait à Hong Kong. L’apport de protéines contenues dans le lait est poussé par le gouvernement. La consommation était, jusqu’à 1945, uniquement le fait de la population blanche de la colonie. 

 

Histoire du lait à Hong Kong
Un bar à lait après la seconde guerre mondiale (Crédit: Gwulo.com)

 

Les nutritionnistes du gouvernement vont promouvoir le lait: des "bars à lait" sont installés dans les quartiers populaires où sont relogés les habitants des bidonvilles. Gérés par les organisations caritatives, ils vont donner le goût du lait aux enfants hongkongais, et leur permettre de développer le lactase, cette enzyme qui permet de digérer le lactose contenu dans le lait. Les Chinois n'ayant pas consommé de lait dans leur enfance sont, dans leur majorité, intolérants au lait.

C’est à ce moment-là que les maisons de thé, qui se lancent dans une cuisine fusion riche en calories, vont ajouter à leur menu le fameux milk tea. Les premiers dégustateurs du milk tea, étonnés par la consistance et la couleur de ce thé pas comme les autres, lui laisseront un petit nom peu flatteur: le "thé infusé dans un bas de soie" (“pantyhose" 絲襪奶茶 sī maht náaihchà). Le thé chinois n’a en effet pas besoin de petit sachet, et entre le sachet et la couleur, la boisson symbole de Hong Kong apparaissait alors comme un vrai jus de chaussette! On sait gré aux Hongkongais d’avoir aussi adopté la politesse britannique: le nom reste poétique.

 

Histoire du lait à Hong Kong
Une vache frisonne...mais pas à Hong Kong

 

Epilogue: Localisation de la demande, délocalisation de la production

Alors que le lait fait maintenant partie de la diète hongkongaise, il ne reste plus de production locale. Kowloon Dairy importe son lait de Chine; Trappist Dairy a dépassé de 260 fois le seuil légal bactériologique en 2015 et arrêté la production; la presse a révélé que le lait frais de Hong Ning Dairy était en fait du lait reconstitué et que la société n’avait plus de vaches. Quant à Dairy Farm, il semble que leur lait vient de vaches australiennes. Les buffles d'eau, qu'on rencontre au hasard des rencontres, ne produisent pas de lait...

 

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