Grégory Koenig, entraineur de l’équipe de Hong Kong de fleuret pour les garçons et filles, s’est confié à l’équipe du journal. Plusieurs de ses athlètes viennent de remporter des médailles au Championnat Asiatique à Séoul, en Corée. Cheung Ka Long a remporté l’or. Il est également titré champion olympique à Tokyo en 2021. Il entraine ses athlètes à l’institut des sports de Hong Kong à Shatin. Entrez dans les coulisses où l'on fabrique les champions.
"La préparation mentale est quotidienne"
Est-ce que vous entrainez seul ou avec l’aide d’une équipe ?
À l'heure actuelle, je travaille avec un adjoint. Deux autres personnes vont agrandir l'équipe prochainement. J’ai également un staff autour de moi au sein de l’institut pour la préparation mentale et diététique.
Cependant, la préparation mentale est quotidienne et pas seulement une fois par mois avec le préparateur de l’institut. Cela se fait vraiment tous les jours: au moment de l’entrainement, sur les compétitions, dans les moments de vie communs.
Comment se déroulent les préparations ? N’y a-t-il pas un risque de voir la motivation baisser quand des athlètes ont déjà été médaillés or olympique ?
Il était compliqué de garder la motivation sur les six mois précédant la compétition hors Hong Kong. Au début, l’équipe était très excitée à l’idée de partir sur un long parcours hors du pays. Mais la ville leur a rapidement manqué. Il a fallu ajuster les entrainements. Au lieu d’être uniquement le coach, j’ai dû devenir par moment un grand frère.
Nous avons eu une discussion avec Cheung Ka Long pour qu’il conserve sa motivation. Nous avons fixé ensemble de nouveaux objectifs. Mais j’ai la chance d’avoir un athlète qui souhaite marquer son nom dans l’histoire de l’escrime. Avoir un titre olympique et être champion d’Asie, c’est magnifique, mais ce n’est pas suffisant en comparaison avec certains athlètes déjà trois fois champions olympiques. C’est ainsi plus facile de le garder concentré sur les prochaines échéances.
"Etre coach, c'est aussi savoir parler à l'intime des athlètes"
En quoi consiste exactement ce rôle de grand frère pour un champion d'escrime ?
Par exemple, mon champion olympique Cheung Ka Long doutait avant l’année des JO, car il n’avait pas eu de compétitions durant l’année. La préparation est passée par les entrainements, mais également par des moments plus privés où il venait déjeuner à la maison et où nous discutions et regardions des matchs de ses concurrents. J’ai eu un rôle de grand frère à ce moment. Cela n'a pas tout fait, mais cela lui a permis d’arriver plus serein aux JO.
À quel point la préparation mentale est importante ?
Si mentalement nous ne sommes pas forts, tout le travail précédent (physique, technique…) ne servira à rien. Le mental est plus de la moitié du travail. Il faut être capable de gérer son stress. Le risque est que les athlètes aient peur d’être touchés et se retiennent, et s’empêchent eux-mêmes de toucher, et donc perdent le match.
"Les objectifs sont un élément essentiel de la motivation des sportifs"
Comment se donner de nouveaux objectifs après une médaille en or en tant qu’entraineur ?
En tant que coach, pour garder une forte motivation, c’est la même marche à suivre que pour les athlètes. Il faut se trouver de nouveaux objectifs. Avec ce groupe d’athlètes à la recherche de records, c’est plus facile. Nous souhaitons à terme remporter les championnats d’Asie par équipe, ce qui n’est encore jamais arrivé à Hong Kong.
Nous aimerions aussi avoir des médailles aux championnats du monde, et aux Jeux d’Asie qui arrivent l’an prochain. Il reste encore beaucoup de compétitions à remporter.
Qu’est-ce que vous avez apporté aux escrimeurs en devenant entraineur de l’équipe de Hong Kong à partir de 2018 ?
J’ai rajouté de la qualité au détriment de la quantité. Avant, ils s’entrainaient trente heures par semaine. Ils n’avaient pas de réel schéma tactique ou technique. J’ai également ajouté de la récupération qui devrait systématiquement faire partie des entraînements. Les athlètes ont ainsi regagné du plaisir à s’entrainer, et se sont davantage investis. Je ne suis pas un entraineur qui dicte un entrainement. Au contraire, je l’adapte aux athlètes qui ont chacun différentes personnalités. Certains ont besoin d’aspects plus techniques, d’autres plus tactiques. Certains pouvaient aussi être un peu en retard physiquement, ou avoir une perte de confiance dans leurs capacités. Le maître mot est l’adaptation ; il faut vraiment bien connaître ses athlètes.
"Nous visons les JO 2024 de Paris"
Comment comptez-vous préparer vos athlètes aux JO 2024 ? L’objectif étant d’assurer un deuxième titre consécutif.
On en parle régulièrement ; c’est dans la tête de tous. Mais les sélections et qualifications ne commencent qu’à partir de l’année prochaine. Pour se qualifier, il faut être dans les quatre meilleures équipes du monde ou dans la première de son continent. Nos principaux concurrents sont la Chine, la Corée et le Japon. Les compétitions par équipe permettent de se qualifier. Il faudra engranger le plus de points possible pour être au plus haut dans le classement mondial.
Est-ce que vous avez un public qui vous suit ?
Il y a groupe de fans qui nous suit et nous envoie des cadeaux notamment en quarantaine. On essaie donc de leur rendre au mieux au travers des compétitions.
Dans votre carrière, pourquoi avez-vous choisi le fleuret ?
En général, ça dépend du club d’origine où vous faites de l’escrime. En débutant à Tarbes ou à Strasbourg, vous commencez par le sabre. Si vous commencez à Levallois, ce sera avec l’épée. J’ai commencé en tant que fleurettiste.
"J'aimerais que ma fille puisse me voir plus souvent à Hong Kong"
Avez-vous déjà des projets pour l'après 2024 ?
C’est loin, mais j’y pense. Pour l’instant, je suis ici avec ma femme. J’aimerais que ma fille puisse venir me voir plus régulièrement dans le futur pour découvrir Hong Kong. L’après Paris 2024 serait de rester ici pour aller chercher des médailles aux JO de Los Angeles avec Hong Kong.
Est-ce que vous suivez les résultats de l’équipe handisport de Hong Kong ?
Avant les JO, j’ai permis aux athlètes de s’entrainer ensemble pour appréhender les différences. Ça donnait également des partenaires d’entrainement à l’équipe handisport. Je me tiens au courant des résultats par les réseaux sociaux.