Caroline Tronel, artiste française prometteuse, lance un vent de fraîcheur dans les rues de Hong-Kong et offre une touche de féminité sur la scène de l’art urbain. L’année dernière, la jeune entrepreneuse décide de tout lâcher pour se consacrer à l’art. Lepetitjournal.com vous invite à revenir sur son parcours afin de découvrir son travail et son processus créatif. Jouant sur de multiples supports, son œuvre graphique brise les frontières entre l’univers de la rue et de la galerie. Son cœur iconique, où le fond et la forme s’entremêlent, offre la possibilité d’une déclinaison infinie.
« J’ai trouvé à Hong Kong du sens dans la peinture et la création »
Pouvez-vous vous présenter et retracer votre parcours professionnel ?
Je suis française et j’ai 36 ans. Diplômée de l’école de parfumerie de Versailles (ISIPCA) et après 7 ans dans l’univers du parfum et de la beauté entre Paris et Genève, je suis arrivée à Hong-Kong le 15 octobre 2015 avec un working holiday visa en poche. En un mois, j’ai trouvé un poste de responsable marketing et commercial à Hong-Kong chez Devialet. La marque étant sous le feu des projecteurs, ce poste m’a donné l’occasion de faire beaucoup de rencontres.
C’est alors que la marque de parfums français Juliette has a Gun m’a recontactée depuis Paris pour me proposer l’ouverture de la filiale Asie basée à Hong-Kong. Ma mission serait de trouver des distributeurs pour lancer la marque sur les marchés de Chine, Corée, Taiwan, Japon, Singapour, Malaisie, Indonésie, Philippines et Inde. Cette période de ma vie m’a appris à ne plus avoir peur de rien : demander de l’aide, contacter des gens, voyager seule. La langue n’était même plus une barrière, puisqu’en improvisant avec des gestes, des sons, des mimes ou des dessins, il était possible de communiquer avec n’importe qui !
Et puis, la crise sanitaire est arrivée… et j’ai alors pris conscience que sans voyage ni rencontre humaine, cette position n’aurait plus de sens pour moi. Ce sens, je l’ai retrouvé dans la peinture et dans la création de projets locaux. J’ai quitté mon poste le 28 février dernier pour me consacrer 100 % à ma pratique artistique.
« L’artiste CEET m’a offert mes premières bombes de peinture, à Hong-Kong »
Comment a mûri l’idée, l’envie de créer des œuvres ?
Ayant grandi à Paris, j’ai toujours pris beaucoup de plaisir à découvrir, au détour d’une rue, un petit monstre d’Invader ou un personnage souriant d’André. Les apercevoir me mettait en joie pour toute la journée ! Et puis vers l’âge de 15 ans, j’ai commencé à dessiner les lettres K-RO en style graffiti. J’ai toujours été assez créative et c’est d’ailleurs dans un autre art que je me suis ensuite exprimée grâce à mes études de parfumerie à l’école du parfum ISIPCA.
En décembre 2019, j’ai eu la chance de rencontrer le street artiste CEET à Hong-Kong. C’est lui qui m’a offert mes premières bombes de peinture. Quelques mois plus tard, j’avais repeint tout mon rooftop ! À la recherche de nouveaux supports sur lesquels peindre et sensible depuis longtemps à la question du traitement des déchets, j’ai eu l’idée de peindre sur des médiums trouvés dans la rue : des dalles de béton, des plaques de métal, de bois, du verre… Redonner un sens à des objets qui auraient sinon fini enfouis me plait et entre parfaitement dans mon univers et ma conception de l’art urbain. J’aime aussi beaucoup l’idée de ramener quelque chose « de la rue » à l’intérieur de chez soi.
« Mon logo représente un signe chinois »
D’où vient le pseudonyme « French Girl » ?
Le nom THE FRENCH GIRL date de 2018. À cette époque je parcourais toute l’Asie pour animer les événements presse et influenceurs pour la marque Juliette has a Gun. Lors de ces événements, on me demandait souvent mon compte Instagram :
- « C.A.R.O.L..I.N.E. T.R.O.N.E.L.
- Sorry, what? T.R.N.M.L ??? »
Avec mes cheveux courts, ma frange et mon rouge à lèvres rouge, ils me disaient tous « You look soooooo FRENNNNCH! ». J’ai alors changé le nom de mon compte Instagram pour CAROLINE THE FRENCH GIRL que je n’ai plus jamais eu à épeler !
Que signifie ce symbole/graphisme de double cœur ?
Je ne lis pas le chinois, mais j’ai bien saisi que chaque caractère ou symbole raconte une histoire. Le symbole du mariage ou Double Happiness représente deux personnages qui se tiennent par la main, sous un toit, dans un cercle, comme dans une bulle protectrice. Je vis seule, partager mon toit n’est donc pas d’actualité, mais il n’est pas pour autant question de renoncer à l’amour ! J’ai alors remplacé le toit par un double cœur. Tout en peignant cette version modifiée du Double Happiness, je me suis alors demandé si l’amour universel était uniquement entre deux personnes. Les couples avec enfants comptent plus de deux personnes et puis il est aujourd’hui fréquent d’avoir plusieurs partenaires au cours de sa vie. Je me suis aussi mise à réfléchir à ce cercle fermé qui entoure les deux personnages. Pour moi, l’amour doit respirer. J’ai donc supprimé les deux personnages, le cercle, conservé ce double cœur auquel j’ai ajouté des paillettes pour faire rayonner cet amour universel !
« L’architecture de Hong-Kong m’a largement influencée »
Quels sont les artistes, les mouvements qui vous inspirent ?
J’aime beaucoup le graphisme de la ligne. Le pixel art d’Invader m’amuse particulièrement et tout récemment la frénésie autour du mouvement CryptoArt des CryptoPunks. L’architecture de Hong-Kong m’a aussi largement influencée et notamment le building de la Bank of China. J’admire également les artistes qui voient grand : Murakami, Koons, Kaws, JR. Le « leitmotiv » de Banksy « Go big or go home » est une idée que je partage tout à fait !
Quel est votre processus de travail et les médiums que vous employez ?
Si on devait qualifier ma pratique, je l’appellerais « MIXED MEDIA ». J’explore, je touche, je cherche, j’expérimente beaucoup de matières et d’outils. Béton, métal, bois, plastique, murs, stickers, papier, acrylique, bombe, poscas, crayons, collage, photo, iPad… etc. J’ai cette soif de tout essayer.
Je suis libre dans mes productions, mais pas sans contrainte, je ne saurais pas créer sans me définir un cadre. J’imagine alors, avant même la création de l’œuvre où et comment je vais la présenter, à qui et avec quel message. Je travaille en mode « projets » et souvent plusieurs en parallèle.
« Je m’inspire de la street culture pour créer des œuvres en accord avec notre temps »
L’art est en constante mutation ! Pouvez-vous nous donner votre définition de l’art urbain ?
L’histoire du mouvement Street Art est pleine de codes. Je ne cherche pas du tout à être catégorisée ou à entrer dans un mouvement en particulier. Je trouve que l’appellation d’art urbain définit bien ma pratique : des techniques empruntées aux street artistes ou à l’art du graffiti, employées sur des médiums que je trouve dans la rue. La « street culture » est aussi omniprésente aujourd’hui, jusque dans la mode. Je m’en inspire pour créer des œuvres en accord avec notre temps.
Quels sont vos projets ?
Je travaille actuellement sur la curation d’un très beau projet avec l’équipe de OnTheList : une exposition de groupe rassemblant huit artistes présentant des œuvres réalisées exclusivement à partir d’objets et matériaux de récupération.
L’exposition éphémère THE UPCYLCING URBAN ART FAIR, en partenariat avec l’association ImpactHK, se déroulera les 2 et 3 octobre prochains dans le showroom d’OnTheList situé au 6, Duddell Street, à Central. À cette occasion seront exposés les travaux de Szabotage, Gohung, Jibeone, Ling Muki, Antonia Villet, Leon Lollipop, Bqrb, Couleur Aube et Alex Macro.
J’ai récemment envahi le nouveau restaurant Musubi Hiro sur Cochrane Street pour tout le mois de septembre. J’y ai peint un mur de 2 m sur 3 m, installé des œuvres et les gourmands pourront également y déguster un « French Girl Menu » (Musubi foie gras et tempura de camembert !).
Je prépare aussi une collection d’œuvres NFT (art digital) et un projet d’exposition solo à Sham Shui Po. J’entame aussi des discussions pour des collaborations dans le parfum, les montres, les coques de téléphone portable…
Mon message est positif, inclusif et parle d’un amour universel dont on a tous bien besoin après une année et demie de pandémie. J’aimerais donc que ce double cœur rayonne sur un maximum de médiums!
Pour en savoir plus : https://thefrenchgirlurbanart.com/ et thefrenchgirlurbanart sur Instagram
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