La fameuse libraire française célèbre ses 30 ans cette semaine et organise trois grandes rencontres et une exposition de portraits, "Fauteuil 1987-2017", à partir des photos d’écrivains et d’artistes accueillis pendant toutes ces années.
En trente ans, on imagine difficilement le nombre d’ouvrages feuilletés, commentés, suggérés dans cette librairie. On a du mal à estimer le nombre d’écrivains, de dessinateurs et d’artistes qui ont pu s’installer aussi dans le célèbre "Fauteuil" pour partager leur œuvre avec le public.
Mais pour se faire une idée, on peut rappeler qu’il a fallu un livre de 200 pages tout de même, "Le Fauteuil", pour recueillir les bons mots, textes, dessins et commentaires de ces célèbres invités lors des 25 ans de la librairie. Et 5 ans plus tard, le nombre d’invités semble avoir explosé avec certainement plus de 150 artistes…mais les libraires, Madeline et Emmanuelle, «ne comptent plus».
Côté ouvrage, les volumes donnent aussi le vertige. Les étagères accueillent aujourd’hui plus de 20.000 titres ; chaque mois elles sont réapprovisionnées à coup de 250 kg en moyenne de colis reçus.
Résultat, la librairie présente les ouvrages de littérature française les plus récents comme les plus classiques. Elle a un large catalogue de bandes dessinées, un rayon Chine, un rayon consacré aux guides de voyage, aux livres de cuisine et un coin presse. Les professeurs et étudiants en français y trouvent aussi leurs méthodes d’enseignements, et les collégiens et lycéens leurs livres scolaires.
Avec ce choix, les trois libraires, Madeline, également gérante, Emmanuelle et Jenny, servent soigneusement deux publics: la communauté francophone expatriée, pour moitié, et la communauté locale apprenante.
Avec son énergie consacrée au service de la langue française, Madeline et sa librairie Parenthèses ont reçu deux décorations de l’ordre des Arts et des Lettres en 2004 et de l’ordre national du mérite en 2012. Les célébrations de cet anniversaire en plein mois de la francophonie et pour la semaine de la langue française sont tout un symbole.
Une semaine anniversaire au milieu de grands noms
Pour les célébrations de ce trentième anniversaire, Etienne Davodeau, sera reçu à la librairie de 18h00 à 19h30 ce lundi 19 mars et de nouveau jeudi à 18h. Le dessinateur et scénariste de bandes dessinées, dont "Les Ignorants", "Lulu femme nue" et "Balade nationale" est l’invité d’honneur pour les 30 ans de la librairie.
Jeudi, l’écrivaine Shan Sa rencontrera le public de 12h00 à 13h00. Avec sept romans et deux livres d’art à son actif, l’auteure a reçu le prix Goncourt du Premier Roman, le Prix Cazes et le Prix Goncourt des Lycéens. Ses œuvres ont été publiées dans 30 langues notamment les célèbres "Porte de la paix céleste" et "La joueuse de Go".
Vendredi, c’est au tour de Marie Darrieussecq. Elle discutera avec le public de 18h à 19h30.
La librairie exposera tout au long de la semaine des photos de portrait en noir et blanc des auteurs venus signer à Parenthèses à la galerie Latitude 22N (exposition de 11h00 à 17h00 du mardi 20 au dimanche 25 mars). Parmi eux, vous reconnaîtrez des auteurs aussi célèbres que Michel Butor, Moébius, Michel Houellebecq, Gao Xingjian, Guillaume Musso et plus récemment Boualem Sensal, Alain Mabanckou ou Pascal Boniface.
Pour clôturer la semaine, des auteurs français résidant à Hong Kong, comme Alma Brami et Gérard Henry, et des illustrateurs hongkongais seront réunis dimanche avec le public de 15h00 à 17h00 à la galerie Latitude 22N.
Trois décennies... et quelques changements
Interrogées sur l’histoire de la librairie, Madeline, et Emmanuelle pour la période plus récente, évoquent les changements qui ont eu lieu.
"Au début, même si la seule façon d’avoir des livres c’était de venir à la boutique, ce n’était pas facile, raconte Madeline. La communauté francophone était bien moins importante. Les moyens de communication n’avait rien à voir, le monde de l’édition non plus."
"On envoyait des fax en 1990 et on se demandait s’ils étaient bien passés, les téléphones étaient hors de prix. Les bons de commandes devaient être dirigés vers le bon éditeur, sinon il fallait tout recommencer avec deux à trois semaines de perdu. Et les éditeurs, il y en avait beaucoup ! On savait quel auteur était chez quel éditeur. Aujourd’hui l’industrie est beaucoup plus concentrée."
Pour ses commandes aujourd’hui, la librairie passe, comme ses confrères, par une plateforme unique avant d’être redirigée vers les éditeurs. Pour les ventes, elle dispose d’un site marchand lancé lors des 25 ans. Collégiens, lycéens et parents y trouvent à présent tous les manuels et ouvrages pour chaque rentrée scolaire.
L’arrivée des technologies a fait quelques vagues dans le monde des libraires. Pas tellement avec les tablettes, "les parents français sont toujours très attachés aux livres pour leurs enfants, ils veulent qu’ils s’approprient l’objet livre" nous confirme Emmanuelle. "Il y a pas mal de gens qui passent leur journée derrière leurs écrans et qui n’ont pas envie de passer tout leur loisir derrière une machine" complète Madeline.
Ce qui a par contre véritablement déstabilisé le secteur, ce sont évidemment les sites de vente en ligne. Madeline et Emmanuelle parlent alors du métier de libraire, du conseil, des suggestions données en fonctions des goûts qu’elles connaissent ou recueillent, du contact avec les livres lors de l’achat, et des délais qu’elles tiennent pour les commandes de nouveaux ouvrages…
En termes de genre, les libraires souligne quelques tendances de fond : "La BD en trente ans, c’est une vente qui a explosé!". Même chose pour les livres de cuisine. "C’est incroyable, je suis une fan, explique Madeline, je lis des livres de cuisine mais je ne cuisine pas!" La librairie a un grand rayon de cuisine française et asiatique, "des chefs cantonnais même viennent nous chercher des livres de pâtisserie alors qu’ils ne parlent pas français !"
Bien sûr, les libraires n’oublient pas leurs premiers amours. En poche, elles se félicitent de "vendre énormément de classiques, du Chateaubriand, du Zola, du Hugo, du Balzac, Proust, c’est incroyable". Une manière de conclure sur un peu de permanence.